Affaire Cahuzac : le Canard mi-panda, mi-bambou

Dans son traitement de l’affaire Cahuzac, déclaré par Mediapart titulaire d’un compte à Genève transféré à Singapour, Le Canard enchaîné ménage la chèvre et le choux, ou plutôt le panda et le bambou, tant Hervé Martin « chinoise ». Le traitement médiatique de l’affaire (ou des affaires, car c’est aussi une affaire Mediapart) devient – presque – aussi intéressant que le fond (soit, en bloc, les relations des dirigeants du PS avec leur propre argent et celui des autres). Les silences (de L’Humanité ou du blogue de Jean-Luc Mélenchon) en disent-ils autant que la déferlante de commentaires (É. Lévy, L. Rosenzweg sur Causeur, Bruno Roger-Petit sur Le Plus) ? Pour le moment, il semble que plus personne n’ait vraiment de quoi se mettre du neuf sous la dent…  

Que nous apprend la lecture du Canard enchaîné sur l’affaire Mediapart contre Cahuzac ? Peu. Les rappels d’usage sont là, notamment cette contradiction : le ministre se refuse à demander, comme l’avait fait Alain Minc naguère, qu’UBS dise si oui ou non il avait un compte à Genève, question de principe, mais étale publiquement le mode de financement de son appartement. Lequel, en dépit des doutes soulevés par Mediapart (un emprunt postérieur, une vente immobilière postérieure, un prêt qu’on ne sait souscrit auprès de Paribas ou de la BNP), semble clair comme eau de roche au volatile.

Pour le reste, on apprend que ce n’est point une, mais deux officines de détectives privés qui ont tenté de fouiller le passé du ministre du Budget à Villeneuve-sur-Lot, du temps où il en était le député ou le maire.

L’une embauchée par Patricia Ménard-Cahuzac, toujours en instance de divorce alors que son futur ex est censé convoler avec Stéfanie Jarre, l’autre par de mystérieux mandataires (une maîtresse délaissée ou un mari trompé, risque Le Canard). Ce serait le second cabinet qui aurait contacté Patricia Cahuzac pour lui fournir, contre 3 000 euros, à verser à un résident roumain, pour lui fournir – elle a décliné – le numéro du compte de Jérôme Cahuzac à Singapour. Dans quelle banque (HSBC, UBS, autre ) ? on ne sait…

Seule piste quant à l’énigmatique détenteur d’un enregistrement contesté : ce serait, selon Anne Carpentier, de La Feuille, hebdo satirique lotois, « un ex-proche collaborateur de Cahuzac ». On s’en doutait un peu. En dépit de ses arrangements avec l’ancien maire de Villeneuve, Michel Gonelle, RPR qui voulait dézinguer localement l’UDF (les centristes d’alors), on ne voit pas trop Jérôme Cahuzac le prendre pour confident.

Le Canard, contrairement à Mediapart qui affirme qu’elle n’est plus l’avocate de Patricia Ménard-Cahuzac, donne toujours Isabelle Copé – qui fut sous le coup d’une enquête judiciaire pour évasion fiscale en Suisse – conseil de la future ex du ministre. D’un côté, l’hebdo du mercredi souligne qu’il suffirait de peu pour que Cahuzac ne compromette pas « une belle carrière politique pour une simple question de principe&bnsp;», de l’autre, il charge Rémy Garnier, l’inspecteur des impôts du Lot, supposé poursuivre J. Cahuzac de sa vindicte. Ce serait un procédurier peu crédible. Qui cherchait aussi des poux dans la tête de ses propres collègues.

Bref, rien qui fasse avancer le schmilblick. Mais pour Causeur, ou Bruno Roger-Petit, du Plus (proche du Nouvel Observateur), la cause est entendue : tout cela pue, mieux vaut se boucher le nez, autant tout oublier. Sous la plume de Roger-Petit, cela tourne à la farce : Garnier serait venu « supplier » Cahuzac de faire un ch’ti kekchose pour lui. 

Beau comme l’antique, la prose de Roger-Petit : « L’affaire Cahuzac est-elle authentiquement française en ce qu’elle peut refléter l’état moral d’un pays, et la persistance de mœurs publiques que l’on pouvait penser éteintes depuis le tournage du superbe film Le Corbeau, par Henri-Georges Clouzot en 1943 ? ». Eh, il ne faudrait pas oublier la rumeur d’Orléans… Depuis que l’on sait qu’Hervé Dreyfus était le précédent gestionnaire de fortune de Cahuzac (c’est à présent la Financière de l’Échiquier), la référence s’impose.

« Est-il plus aisé de plaider, en s’appuyant sur une campagne médiatique menée contre un individu, pour l’instauration d’une morale publique des plus exigeantes dans la vie politique, mais sans souligner que l’on mène ce combat journalistique et politique sur la base de lettres anonymes et sur fond de dénonciation et de délation ? », poursuit Roger-Petit. Eh, serait-il en mal de dossiers chauds, de révélations à creuser, lesquels, en général, ne parviennent aux rédactions que si tel ou tel à intérêt, ou considère de son devoir, de médiatiser ?

Bref, Mediapart n’est plus L’Aurore du Zola de « J’accuse », mais le Je suis partout de Fayard et Brasillach. Oui, mais comme le commente Anne Cou à la suite de la prose de Roger-Petit, les journalistes ne peuvent que se salir les mains : « reprocher aux journalistes de le faire, c’est les museler ». 

« Cahuzac : quand l’éclairage s’en mêle », titre La Dépêche, et c’est de Cahuzac-sur-Vère et d’un match seniors annulé faute d’éclairage du stade Saint-Juéry qu’il s’agit.

Gilles William Goldnadel, de Dreuz.info, conclut : « cette prétention totalitaire à la totale transparence a été toujours la source de bien des malheurs. ». C’est vrai cela. Il faudrait retrouver un vrai ministère de l’Information employant des censeurs.

Traduisez : d’affreux gauchistes sévissent encore dans la presse. Le NPA (Besancenot) se réjouit : «  certes, Cahuzac est encore à Woerth ce que les Charlot seront toujours aux Marx Brothers ». C’est une assez bonne mise en perspective.

Pendant ce temps, à Vademoro (la prison proche de Madrid), Hervé Falciani, ancien d’HSBC Genève, détenu depuis cinq mois, comprend peut-être pourquoi, ayant permis de réaliser « la plus grosse opération de régularisation dans l’histoire de la collecte des impôts » en Espagne, en publiant des listes d’évadés fiscaux, ne témoignera pas « devant les institutions européennes et internationales », comme il le souhaite. L’Express confirme que la France détient l’intégralité de ce qu’il a pu communiquer, mais n’enquêterait que… sur douze cas. Mais en prenant tout son temps : « l’affaire a été enterrée (…) comme si on avait voulu éviter d’exposer au grand jour la liste Falciani. ».

Enterrée ? Mais par qui donc alors ?

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

6 réflexions sur « Affaire Cahuzac : le Canard mi-panda, mi-bambou »

  1. Offre de preuves et appel à la profession pour enquêter :

    [url]http://www.lepoint.fr/societe/cahuzac-mediapart-pret-a-faire-son-offre-de-preuves-devant-un-tribunal-13-12-2012-1566351_23.php[/url]

    Ben moi, je peux rien dire.

    J’ai raté de peu une mission à l’UBS, dans le temps.

    Je suis passée à côté.

    Donc, je ne sais rien, rien de rien.

    A la DGI, par contre, j’ai bien entendu parler de quelques cas, mais c’étaient juste des vedettes.

    Cahuzac ? Inconnu.

  2. Si je puis me permettre, y’a un truc qui colle pas du tout là :

    « Le média social citoyen
    A la une – Dernières infos – Débats – Buzz – Guide – S’inscrire
    En direct: vos réactions à chaud ! »

    Faudrait retirer la dernière ligne, parce les réactions à chaud, depuis quelques jours, y’en a plus aucune !

    Même celles bien refroidies par le modérateur ne passent pas toutes.

  3. Cahuzac, sac de noeuds ,
    noeud gordien !
    [img]https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e7/Eggpuzzle.jpg[/img]
    wonderfull !envoyez le jus !
    [img]http://www.tfcbooks.com/images/articles/tac02′.gif[/img]

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