Saura-t-on jamais si les libéralités et concessions accordées à EuroDisneyland par l’État et les collectivités territoriales françaises auront été vraiment payées en retour ? Certes, pour l’emploi des intéressés, et la balance commerciale, cela ne doit pas être – à priori – négatif. En Espagne, près de Madrid, en sera-t-il de même pour le projet EuroVegas, qui vient d’échapper à Barcelone et prévoit des retombées positives pour la communauté madrilène et l’État espagnol ? Peut-être, mais sont-ce bien là des emplois vraiment productifs (si ce n’est pour le PBI), et des retombées réellement créatrices de richesses pour les Espagnols ?

Miriam Ochshorn-Adelson, l’épouse du magnat Sheldon Adelson, 13e fortune mondiale, du groupe Las Vegas Sands, basé au Nevada, en Pennsylvanie, et à Macao ou Singapour, désirait éventuellement délocaliser l’aéroport international d’El Prat et le stade de football du club RCD pour implanter EuroVegas, une réplique différente des hôtels et casinos existants aux États-Unis ou en Asie, mais présentant de fortes similitudes.

Les responsables des villes concurrentes se renvoyaient l’adage « rira bien qui rira le dernier ». Au moment de trancher (c’est fait, en faveur de Madrid), ou beaucoup plus ultérieurement ?
Le syndicat UGT s’est posé la question. Las Vegas Sands lèvera des fonds, obtiendra des aides, avant de concrétiser son « lupanar ». Tiendra-t-il toutes ses promesses, d’adapter son concept aux particularités de l’Europe du Sud, d’axer le projet tant sur l’implantation de casinos et d’hôtels que de centres de conférences, congrès, colloques et salons mais aussi de trois golfs ? Le groupe ne financera que 30 % de l’apport initial. Qui seront les autres investisseurs ?
Des banques mal en point, des collectivités, des fonds de placement internationaux ?
250 000 emplois (à terme, 28 000 directs) sont « promis ». Au lieu de 40 000 à présent pour tout le groupe. De quels types ? Les syndicats se demandent si Madrid ne va pas devenir un laboratoire de la flexibilité (c’est déjà le cas pour les employés des commerces, qui peuvent ouvrir 7/7-24/24) et de la compétitivité… surtout salariale. Par ailleurs, il est envisagé d’aménager les dispositions sur la consommation de tabac dans les lieux publics, voire de tolérer certaines formes de prostitution (de proximité pas tout à fait immédiate, ou mieux dissimulée qu’à Singapour ou Macao). Des assouplissements en matière fiscale ou de délivrance de visas sont aussi souhaités par les Adelson,

 

La première pierre pourrait être posée d’ici à deux ou trois ans, mais les travaux d’aménagement débuter rapidement, et elle interviendrait six mois après le choix définitif des terrains. Cela présage-t-il d’aménagements que la communauté madrilène prendrait à sa charge pour orienter ce choix ?

Mais Barcelone reste autrement en lice avec, à Port Aventura, le complexe Barcelona World, comprenant aussi des casinos mais surtout six parcs de loisirs. Le projet s’appuie sur la banque Caixa et le milliardaire espagnol Enrique Banuelos. C’est peut-être plus prudent de diversifier, d’autant que si les Adelson marquent des points avec leur quotidien gratuit Israël Aujourd’hui (Hayom), il faudrait que leur ami Mitt Romney emporte la présidentielle américaine pour que s’écarte – peut-être – l’attention que leur portent la justice et le fisc étasuniens. La justice chinoise leur cherche aussi des poux dans la tête.

Pour sa part, Miriam Adelson, qui fut médecin à Tel Aviv, laisse miroiter la création d’une fondation médicale et divers dons pour des budgets de recherche espagnols. Les promesses n’obligent…

Mais le bras droit du couple, Michael Leven, laisse planer des doutes quant à la réalisation du projet si la crise économique espagnole s’approfondissait ou si la zone euro éclatait. Il a aussi indiqué que, pour le moment, en raison du chômage, l’Espagne paraissait un bon choix (salaires en baisse, gouvernement tout disposé à faire fléchir la courbe des sans emploi, représentant 600 000 personnes dans la seule communauté madrilène).

Déjà, le secrétaire d’État espagnol au Commerce, Jaime Garcia-Legaz, se félicite que les réformes salariales trouvaient dans le projet la confirmation qu’elles augmentent la confiance des grands investisseurs. L’opposition réplique qu’elles semblent n’avoir attiré pour le moment que des entreprises soucieuses de blanchir de l’argent.

 

Le madrilène EuroVegas n’est pas pas le seul de son appellation en Europe. Un projet concurrent avait été projeté à proximité des frontières de l’Autriche, de la Slovakie et de la Hongrie. Hard Rock International en serait l’investisseur principal. Le début des travaux, à Bezenye (Hongrie) a été cependant reporté après avoir été annoncé diverses fois. La dernière annonce de ce type remonte à août de l’an dernier.

 

Jusqu’en février 2008, un SuperCasino était envisagé à Manchester. Le gouvernement britannique a préféré laisser proliférer les bookmakers et autoriser l’implantation de 16 nouveaux casinos (dont huit de tailles importantes). Celui à l’enseigne Aspers, à Swanwee (Pays de Galles), va bientôt fermer, provoquant 60 licenciements secs (et 20 relocalisations de personnel). Il avait été ouvert en 2007.

 

L’Espagne compte déjà, le long de ses côtes, une foultitude de golfs (jusqu’à trois pour une localité proche de Torrevieja, un autre à Ciudad Quesada, d’autres encore dans des localités voisines). Ils sont fort coûteux à entretenir, et certains ont vu leur rentabilité chuter. Rien que la Costa Blanca (Valenciano) en compte une bonne vingtaine, et aussi une douzaine de parcs de loisirs.

Le seul tourisme saisonnier ne peut suffire à rentabiliser ces équipements espagnols, dépendant aussi de la fréquentation des résidents étrangers dont la masse baisse (la crise est européenne, des retraités regagnent leurs pays respectifs).

 

Plus largement, au niveau européen, on peut se poser la question : ce type d’investissements, d’emplois, est-il bien adapté à la situation d’une Europe en crise ? N’est-ce point une sorte de fuite en avant ? Ou en est-on déjà réduits à ce type de solutions, faute d’alternatives ?

Mondialement, la concurrence est rude : Abu Dhabi ouvrira en fin d’année un parc récréatif à thème sur 15 hectares. Le Yas Waterworld, proposant 43 parcours de glisse sur toboggans, s’ajoutera au Ferrari Park. Bref, faut-il se réjouir ou se montrer sourcilleux à propos de ce genre de projets ? Difficile, sur le court, comme sur le moyen ou le long terme, de trancher…