Président de l’association Conscience Pro et journaliste, Soufiène Chourabi a été arrêté vers cinq heures du matin, ce dimanche, à Menzel Temime, alors qu’il avait été surpris, ainsi que deux amis, à boire sur la plage El Mansourah du Cap Bon (dit aussi Cap Bob). C’est du moins la version officielle policière tunisienne qui, circonstance aggravante, assure qu’il buvait de l’alcool, au lever du soleil pendant le mois de ramadan. Il pourrait être inculpé pour conduite immorale (pas encore d’atteinte au sacré) et il risque six mois d’emprisonnement.

Selon la police tunisienne, Soufiène (ou Sofiène) Chourabi aurait été trouvé endormi en compagnie d’un journaliste et d’une jeune fille mineure, sous une tente dressée sur une plage du cap Bon. Il sont tous trois accusés d’ivresse, provocation de troubles sur la voie publique, d’atteinte verbale aux bonnes mœurs, et bien sûr d’avoir rompu le ramadan. Le tribunal de Nabeul devrait se prononcer demain matin.

Opposant déclaré du clan Ben Ali sur son blogue-notes et de par ses écrits dans Al Tariq Al Jadid, Chourabi s’est depuis fortement inquiété des dérives du gouvernement, du mouvement Ennhada. 

Déjà, le rappeur Hamada Ben-Amor et le cyberdissident Hamadi Kaloutcha ont été arrêtés. La censure des sites a été de fait rétablie en Tunisie, quand ceux subsistants déplaisant au pouvoir ne sont pas piratés. Soufiène Chourabi, victime de détournement de son compte Facebook et d’usurpation de son compte Gmail, s’était prononcé sur ces agissements.

Collaborateur de Tuniscope et d’autres sites, Chourabi avait connu un renom international du temps du « printemps de Jasmin » tunisien. Comme d’autres, il avait critiqué la décision d’une commission parlementaire introduisant la notion de « complémentarité » des femmes en tant qu’associées des hommes « dans le développement de la patrie ».

Le ramadan a fait fuir une partie des touristes étrangers en Tunisie, d’autant qu’une véritable flambée des prix, notamment des produits alimentaires, a été constatée. Du jour au lendemain, le prix des citrons a été multiplié par huit. Contrairement à des rumeurs, les salafistes ne s’en prennent pas aux touristes étrangers dans les aéroports ou dans les zones touristiques internationales (Hammamet, Djerba…), mais les fournisseurs tunisiens, notamment les restaurateurs, redoutent des intrusions.

Ennhada a déposé mercredi dernier un texte codifiant les « atteintes au sacré » sanctionnées par des emprisonnements de deux ans (ou quatre en cas de récidive). L’atteinte peut être constituée par « l’insulte, la dérision, le manque de respect et la profanation matérielle ou morale du sacré que ce soit par la parole, l’image ou l’acte ainsi que toute représentation par l’image ou personnification de Dieu et ses prophètes. ». Un professeur avait été arrêté en mars aux motifs consignés ainsi par la police : « doute de l’existence de Dieu, doute de l’existence d’une religion nommée Islam, doute de l’existence du Prophète Mohamed, avec justificatifs du doute comme y insiste l’auteur. ». 

Le 1er août, à Hammaet, un homosexuel prénommé Angelo a été tué par des islamistes. À Sfax, une femme a été empêchée d’entrer au gouvernorat local car ses avant-bras étaient découverts.

À l’inverse, le prédicateur Houcine Laâbidi, qui avait squatté la mosquée Zitouna en changeant cadenas et serrures, et avait lancé un appel à s’en prendre à des artistes, a certes été entendu par la police mais libéré rapidement.

Ennhada tente aussi de revisiter l’histoire et de faire de Bourguiba un sioniste à la botte du colonialisme français. Rached Ghannouchi, d’Ennaha, s’est prononcé en ce sens. Bref, cette nouvelle arrestation renforce le doute sur les intentions réelles du principal parti au pouvoir.

Lundi 6 août, le parquet tunisien a fait placer Chourabi en instance de jugement, le libérant jusqu’à son procès qui devrait se tenir en septembre ainsi que celui du journaliste Medhi Djellassi qui l’accompagnait au moment de son arrestation. Les poursuites contre la jeune femme ont été abandonnées.