L’Affaire Alfred Dreyfus, premier fait politico-judiciaire ayant embrassé la République, et n’ayant eu sur le coup pour seules conséquences de mettre à mal la jeune Nation France, en scindant dangereusement les institutions de la Nation en deux.

 

Les Dreyfusards d’un côté, et les anti-Dreyfusards de l’autre, n’ont eu de cesse sur fond de guerre armée avec l’Armée Allemande, de se déchirer et d’entretenir une guerre médiatique et judiciaire pour se faire entendre. Coups de bluffs, coups de presses, manigances d’états et petits arrangements entre amis, tout était fait pour que rien ne soit fait, et pourtant. 

 

La Machine médiatique est lancée.

 

Scheurer-Kestner ayant pris l’affaire en main, les choses vont vite s’emballer. Malgré le non appui de ses amis politiques, et le dos rond du sénat de France, Schreurer-Kestner ne va pas se décourager, et grand bien lui en a pris. Après avoir accumulé les preuves contre Esterhazy, et notamment une correspondance manuscrite entre ce dernier et sa maitresse, dans laquelle il fustige la France et assoit sa volonté de marcher sur Paris à la tête d’un bataillon pour tuer des français (la Lettre du Uhlan), Scheurer-Kestner confie ses preuves et ses conclusions à Faure et Billot. Une confession vaine, mais qui n’égrainera pas la volonté de justice de l’Alsacien.

 

Scheurer-Kestner va donc avoir l’idée de génie de transcrire cette affaire dans la Presse. Cette même presse qui avait fustigé Dreyfus sur fond de campagne antisémite à la demande de l’armée française quelques année avant, va devenir plus qu’un allié pour Dreyfus. Ayant contacté entre temps Joseph Reinach et Georges Clemenceau avec succès, il publie dans un premier temps dans le quotidien « Le Temple » une lettre ouverte dans laquelle il met en avant l’innocence de Dreyfus. Suite à cela, il va à la rencontre de Emile Zola, et lui démontre l’injustice qui pèse sur le bagnard de Guyane.

Il n’en faut pas d’avantage à Zola, et celui ci se fend à son tour d’un article évocateur dans le Figaro quelques temps après cette rencontre et après un délai de réflexion quand à cette dernière.

 

 

 (Emile Zola)

 

 

Médiatiquement, la machine est lancée, mais politiquement, rien n’avance ou presque. Par deux fois (en Décembre 1897 et en Janvier 1898), le Sénat va tourner le dos à la tentative de Scheurer-Kestner d’obtenir une révision du procès de Dreyfus.

Dans le même temps, après avoir été clairement accusé sur le scène public au travers des publications médiatiques, Esterhazy demande de lui même à être traduit devant le conseil de guerre. Une audience à huis clos qui aura lieu le 10 Janvier 1898. A la surprise générale ou presque, et malgré le tapage médiatique ainsi que devant l’afflux de preuves irréfutables, le tribunal de Guerre va prononcer l’acquittement et l’innocence de son commandant. Un coup de froid pour les Dreyfusards, mais il en faudra plus pour enrayer la machine de la défense de Dreyfus.

 

En effet, à la suite de ce verdict honteux pour la Justice française, Zola va répliquer le 13 Janvier 1988 avec l’une des tribunes les plus célèbres de l’Histoire de France (si ce n’est la plus célèbre), dans le journal « L’Aurore » (Le Figaro ou oeuvrait Zola ayant décidé ne pas suivre l’auteur dans ce combat par crainte de représailles). Une tribune sous forme de plaidoyer et de lettre ouverte à l’intention de Félix Faure, le Président de la République de l’époque qu’il va intituler,« J’accuse.. »

 

 

 

Aux nom des valeurs universelles, et de la Justice populaire de France, Zola prend fait et cause pour Dreyfus et frappe un grand coup, tentant de susciter au travers de son écrit, la mise en oeuvre d’un procès public aux assises pour offrir une plus grande tribune encore à « son » combat, comme le veut la loi en cas de diffamation d’un haut dignitaire National.

Sachant les risques qu’il encoure avec une telle publication, en raison notamment de la Loi sur la Liberté de la Presse datée du 29 Juillet 1891, Zola accuse nominativement les hauts dignitaires de France qui ont volontairement étouffé cette affaire, acquitté Esterhazy malgré des preuves évidentes, et envoyé Dreyfus au bagne sans la moindre once de culpabilité.

Comme il l’avait envisagé, Zola est traduit en justice, aux assises, en Février 1898. Plus de 100 témoins défileront à la barre pour défendre Zola, et ce procès va prendre une ampleur encore plus profonde. En effet malgré les avertissements du président du Tribunal qui avait rigoureusement interdit à quiconque de parler de Dreyfus et son affaire lors de ce procès, rien n’y fera, et c’est à une esquisse de procès Dreyfus bis que nous allons assister. Au final de cette parade médiatico-judiciaire de deux semaines, Zola sera lourdement condamné et pousser à l’exil pour éviter la prison qui lui tend les bras. Qu’importe, l’essentiel est assuré, les témoins et ce procès provoqué ont très nettement montré les failles de « l’affaire Dreyfus ».

 

 

La dernière estocade

 

 

Dans un climat devenu irrespirable sur le sol Hexagonal, scindé en deux camps bien distincts, les Dreyfusards et les anti-Dreyfusards, tout le monde est amené à choisir son camp. Hommes Politiques, journalistes, penseurs, écrivains, artistes, tout le monde doit faire un choix ou presque. Suite à l’exil de Zola, c’est Jean Jaurès qui prend la relève dans les médias de France, y allant lui aussi de sa plume à partir de Aout 1898 dans le quotidien « La Petite République ».

 

 

 

Les choses s’enchainent à une vitesse déroutante depuis que l’affaire a pris une dimension Nationale d’envergure. Retournement de situation d’importance en Aout 1898. L’armée qui avait fourni des preuves soit disant irréfutables de l’innocence de Esterhazy est mise grandement en porte à faux, lorsque Godefroy Cavaignac, le nouveau Ministre de la Guerre souhaitant clore au plus vite cette affaire trop étouffante pour la quiétude de France, s’immisce personnellement dans le dossier. A la suite de son enquête personnelle, Cavaignac découvre le 30 Aout 1898, que les preuves fournies par l’armée dans l’innocence de Esterhazy sont fausses sur les aveux de Hubert Henry, officier de l’armée tricolore et créateur de ces fausses preuves envers Dreyfus sur l’ordre de sa hiérarchie. Henry est arrêté sur le champs et se suicidera en prison les jours suivants alors qu’il est devenu un héros national pour les anti-dreyfusards qui voit là un Homme « héroïque et grand serviteur de l’état ».

 

Voilà donc la preuve qu’il manquait aux Dreyfusards pour faire ouvrir un nouveau procès à Alfred Dreyfus, et ainsi obtenir sa réhabilitation légitime.

 

 

Le 27 Octobre 1898, la Cour de Cassation de France se saisit seule de l’affaire à son tour en prenant comme premier combat, l’enquête sur l’incarcération de Picquart. La Cour de Cassation demande alors la tenue d’une nouvelle enquête dans ce dossier, d’autant que comme nous l’avons vu précédemment, Picquart qui avait été le premier à mettre en accusation Esterhazy, avait été emprisonné sur ordre de l’armée française sans la moindre preuve, et sans le moindre méfait commis si ce n’est celui d’avoir voulu rendre la Justice. Le 03 Juin 1899, la Cour de Cassation annule le jugement daté de 1894 envers Dreyfus et annule les charges envers Picquart. Le 1er Juillet, Dreyfus quitte son bagne, regagne la France, et est emprisonné à la Prison de Rennes en attendant son procès.

 

Quelques jours plus tard, Esterhazy passe aux aveux dans une courrier. Il avoue avoir été l’auteur du bordereau accusant Dreyfus, et avoir agit en obéissance à son supérieur, Jean Sandherr (le Directeur du Contre Espionnage), sous la dictée de ce dernier, afin de confondre le Général Félix Gustave Saussier, espion à la solde des Allemands. Un aveu plus ou moins vrai, car il fut avéré ensuite au fil des ans, que Esterhazy avait en réalité agit seul, par cupidité.

 

Toutes les pièces du puzzle avaient donc à cette date été réunies pour que Dreyfus soit plus légitimement innocenté. La seule « preuve » pesant contre lui étant le bordereau manuscrit donc il s’avérait qu’il n’était pas l’auteur.

 

 

 

Le 07 Aout 1899, s’ouvre finalement devant le Conseil de Guerre, le nouveau procès de Alfred Dreyfus. Le 09 Septembre, et malgré des preuves irréfutables de la machination politique et cupide dont il fit l’objet, Dreyfus est condamné à 10 ans de prison avec « circonstances atténuantes ». Un comble. Le 19 Septembre, le nouveau Président de la RépubliqueEmile Loubet, après le décès de Félix Faure en Février, décidé de gracier Dreyfus. Dreyfus est donc libre, mais toujours coupable au regard de la loi d’un crime qu’il n’a pourtant pas commis et malgré des preuves irréfutables de son innocence et de la culpabilité de Esterhazy. Comble de l’injustice, le gouvernement français demande une amnistie pour tous les acteurs de cette « affaire Dreyfus » qu’ils soient coupables ou non, afin d’en finir avec cette affaire qui n’a que trop duré. Un an plus tard, le Gouvernement est entendu, et le Sénat satisfait à la requête ce qui déclenchera un nouveau tôlé auprès de l’opinion public. Personne ne sera plus poursuivi dans cette affaire, pourtant Dreyfus reste judiciairement coupable.

 

Il faudra attendre ensuite quasiment 4 années pour que Dreyfus demande la révision du procès de Rennes qui l’avait vu condamné à 10 ans de prison (26 Novembre 1903), et presque 3 années supplémentaires pour que la Cour de Cassation rendent son verdict.

 

 

 

Le 12 Juillet 1906, la Cour rend son verdict. Cette dernière annule sans renvoi le jugement du conseil de Guerre envers Alfred Dreyfus qui ainsi est totalement innocenté, affirmant que la condamnation qui pesait sur ce dernier avait été perpétré « à tort ». Le lendemain de cette décision levant toute culpabilité envers Dreyfus, le pouvoir politique français votera une loi réintégrant Dreyfus (et Picquart) au sein de l’armée française. Finalement, le 21 Juillet 1906, Alfred Dreyfus sera décoré de la légion d’Honneur.

 

Après avoir participé à la Première Guerre Mondiale qui vu comme un signe du destin revenir l’Alsace et la Lorraine en France, Dreyfus mourut le 12 Juillet 1935 à Paris, là encore comme un si la vie avait fait un pied de nez à l’Administration, étant donné qu’il avait été reconnu innocent et lavé de tous soupçons le 12 Juillet 1906.

 

L’Affaire Dreyfus, une affaire connue de part son nom par beaucoup, par le pamphlet de Zola par le monde entier, mais peu connue finalement comme elle le devrait. Notons que Alfred Dreyfus fut le tout premier condamné de l’Histoire Moderne Française a être innocenter à la suite d’une procédure en Cassation, et le premier condamné innocent de l’Histoire à finalement obtenir gain de cause.

 

A Lire Egalement : Alfred Dreyfus. Partie 1: Prémices d’une affaire d’Etat

 

Précisions : Un film produit et réalisé par Roman Polanski verra le jour dans quelques mois, et sera intégralement dédié à cette affaire Dreyfus, et à l’enquête Policière qu’elle a suscitée. 

 

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