Bref, c’était bien

Un jour de septembre 2011, je me suis posé devant la télé, j’ai zappé, je suis tombé sur TF1, c’était nul, France 2, c’était nul, France 3, c’était ch…t et sur Canal, c’était chouette. En l’espace d’une minute passée, ma vie avait changé. L’humour avant, c’était marrant, des sketchs, du stand up, des blagues, on rigole, mais là, j’avais devant les yeux une nouvelle forme humoristique avec un rythme cadencé comme une petite turbo survitaminée. Bref, ce jour là j’ai découvert Bref. 

 

 

Pendant un saison, j’ai guetté chaque soir s’il y avait de nouveaux épisodes, j’étais devenu un vrai accroc. Quand il n’y en avait pas, j’étais triste, quand il y en avait, j’étais content. J’avais eu ma dose de comédie et, comme un drogué rassasié par son dealer, je savais que je pouvais passer une bonne soirée.  Au fil des 82 épisodes, j’ai pu constater que mon quotidien était le même que celui du personnage. J’avais grandi dans les années 1990, il a grandi dans les années 1990,  les K7, les baladeurs cd, le Club Dorothée, on avait connu. Dans le métro, il a l’impression d’être dans des toilettes publiques, j’ai l’impression d’être dans des toilettes publiques. Un jour, il a monté un meuble Ikea, j’ai monté un meuble Ikea et je me suis retrouvé dans les mêmes situations. Bref, on dit que ce qui se ressemble, s’assemble, moi, je me suis retrouvé. 

 

Apparemment, au vu du succès de la série, je ne suis pas le seul. Comme beaucoup de monde, je feuillette les magazines télé, sans les acheter, à la caisse, ça peut paraître, ringard, Bref parlait à 3 millions de personnes. 3 millions divisés par 65 millions, multiplié par 100, ça fait 4.61% soit 2 fois le score d’Eva Joly, ce n’est pas comparable mais c’est bien. 

 

Une relation amicale s’est établie entre la série et le spectateur que je suis parmi tant d’autres. Dans une première phase, on a fait la connaissance des protagonistes. 

"Salut je suis "je", je travaille tant bien que mal, je vis et je la raconte", "Moi, c’est Marla, je suis le plan cul régulier de "je"" et "Je bosse dans un sexe shop et je suis "la fille""

Une fois les cartes distribuées, on est entré dans la vie, on a partagé les moments intimes, les joies, les rires, les pleurs, les doutes, des caps existentiels propres à chacun. 

 

 

Je me suis dit, la série marche bien, elle plaît, tout le monde l’adore, elle est plus populaire qu’une pom-pom girl super jolie d’un campus américain digne d’une série comme Newport Beach, avec tous ces éléments, elle allait durer éternellement. Je savais que je vieillirais, que je vivrais, que ma petite routine journalière serait tous les jours jalonnée par des "Bref…".  C’est fou comment on s’attache à des éléments du présent, tout en sachant qu’ils ne dureront pas indéfiniment, on garde un infime espoir que cela ne sera pas le cas. 

 

 

Mais voilà, parce que les meilleures blagues sont les plus courtes et que les bonnes choses prennent toujours fin à un moment où a un autre, le clap de fin a retenti sur le plateau de tournage. L’annonce a été faite sur le blog de la mini série par un bref : "bref. on arrête ‘bref.’" Une décision triste mais sage, Kyan Khojandi, le personnage principal, Bruno Muschio, l’homme aux manettes et Harry Tordjman, l’homme qui produit, l’ont prise pour éviter la saison de trop. Celle dont beaucoup de séries américaines ont subi le triste sort. Les soaps très intéressants et passionnants au début et qui par la suite, à cause de  scénaristes ne sachant pas où orienter la trame, l’ont amené dans une voie de garage. 

 

 

Les géniaux créateurs ont décidé de tourner la page, de partir au sommet de la gloire, au moment de l’ascension d’une pente abrupte du mont de la Popularité. Cette voie d’escalade leur semblait bien dégagée, mais peut être s’ouvrira-t-elle sur une nouvelle piste?

 

 

Le 12 juillet résonnait en moi comme une date joyeuse, synonyme de victoire en coupe du monde mais depuis 2012, elle évoque également un "deuil". J’adopte alors une posture adéquate pour passer brillamment ses 7 étapes. Je repasse en boucle les moments forts, je les visionne avec une nostalgie teintée de mélancolie en constatant que, j’ai devant les yeux bordés de larmes, une oeuvre finie et qui n’évoluera plus…mais une bien belle oeuvre. 

 

 

Dans le dernier épisode, faut-il y voir un message posthume ? Une phrase codée où il faut savoir lire entre les lignes? Kyan franchit un parc et se rend au cinéma. Le grand écran, nouvelle cible de Bref ?  Une émission devenue tellement grande que la petite lucarne ne lui convient plus, comme un petit enfant se trouvant oppressé dans le landau où il avait l’habitude de dormir étant bébé. Bref, on attend. 

 

Une réflexion sur « Bref, c’était bien »

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