La manipulation des taux interbancaires mondiaux via divers divers indices, résumée par l’appellation du « scandale du Libor » va, dans un premier temps, impliquer la mise à l’amende d’une bonne douzaine de banques mondiales. Mais le scandale s’amplifie alors que la FED américaine révèle que la Bank of England avait été alertée par la Federal Reserve Bank de New York dès le premier juin 2008.

Timothy Geithner, à la tête de la FRB (Fed) en juin 2008, avait pris langue avec Sir Mervyn King, qui préside la Banque d’Angleterre, voici donc plus de quatre ans. Il lui demandait de prendre des mesures pour éviter des erreurs accidentelles « ou intentionnelles » faussant les taux directeurs selon lesquels les grandes banques mondiales se prêtent entre elles, donc se financent.

Cela pose diverses questions. D’une part, Sir Mervin King était-il le seul banquier central souverain en Europe à savoir ? Quid de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et de divers autres homologues ?

Quid aussi de ceux qui les nomment, ou approuvent leur nomination, soit divers chefs d’États ?

Mais on peut élargir le questionnement :

• les banquiers centraux sont-ils démunis, de par les propres règles qu’ils préconisent et font approuver, pour contrecarrer les fraudes tant que d’autres éléments probants ne les forcent à se déclarer et intervenir ?

• ou ont-ils délibérément camouflé les faits, en concertation (et avec qui au juste), et selon quels raisonnements ou… intérêts ?

 

Divers procureurs, aux États-Unis, veulent s’emparer de l’affaire et se faire déclarer compétents pour en traiter. Les sénateurs démocrates veulent des enquêtes étendues qui risquent d’apporter leurs lots de révélations dérangeantes.

La Bank of England avait répondu en substance : « très intéressant, cause toujours… ». La British Bankers’ Association avait réagi de la sorte : « on y songe, mais en nous hâtant lentement ». Mais présent elle réserve ses déclarations.

Ce qui apparaît plus clairement, c’est que certes la crise actuelle découle en partie du train de vie des diverses fonctions publiques, des dépenses collectives d’investissement ou de fonctionnement décidées par les pouvoirs publics, mais sur quelles bases ? Décideurs et hauts-fonctionnaires n’ont-il pas été induits en erreur(s), incités à emprunter toujours davantage, sans que les banques soient sûres de pouvoir suivre, les banksters se disant qu’au final les contribuables paieront, ce qui se produit ?

Lorsque les banksters se sont rendus qu’ils étaient allé trop loin, ils se sont tournés vers les pouvoirs publics, mais d’autant plus tard qu’ils dissimulaient soigneusement auparavant l’état de leurs fonds propres. Ils ont sciemment aggravé la situation, pour s’éviter d’avoir à prendre des mesures volontaires ou en subir d’imposées.

Le montant global des amendes qui pourraient être subies par une douzaine de banques avoisinerait les 17 milliards d’euros. Fort bien, mais qui paiera au final ? Les dirigeants des banques, leur personnel, ou les contribuables. Ces derniers pressentent la réponse.

Le commissaire européen à la Concurrence, Joaquin Almunia a aussi annoncé l’ouverture d’une enquête, portant sur le Libor, l’Euribor et le Tibor (Tokyo Interbank Offered Rate). Rappelons que BNP Paribas et la Deutsche Bank participent à la fixation du Libor, comme 14 autres établissements.

Le Parlement britannique a certes lancé une enquête de son côté. Mais en excluant les députés John Mann (travailliste) et Andrea Leadsom (conservatrice), les plus critiques du système. Elle et il siègent pourtant au Treasury Select Committee. John Mann a considéré que cette enquête s’apparentait à « une vaste plaisanterie ». Ce sera, selon lui, un coup d’éponge. John Mann avait déclaré aux dirigeants de Barclays qu’ils étaient soit « complices, soit formidablement négligents, soit totalement incompétents. ». Comme l’avait déclaré naguère Lagardère en France, l’incompétence n’est pas répréhensible, bien évidemment.

En France, on se demande ce que deviendra la promesse du programme de François Hollande, approuvé par le Parti socialiste, de séparer les activités de banque de dépôt et de banque d’investissement. Attendrait-on le feu vert du Luxembourg, paradis fiscal ?

Manipuler le Libor (ou le Tibor ou l’Euribor, le CDOR pour le Canada) peut conduire les banques à fixer aux emprunteurs, fonds privés, industriels, particuliers, des taux supérieurs à ce qu’ils devraient être. Cela affecte notamment les taux appliqués aux utilisateurs de cartes de crédit.

La Fed s’était intéressée au fonctionnement du Libor dès l’automne 2007. Les députés américains veulent désormais obtenir toute la documentation relative au Libor, et tous les échanges de correspondances entre la Fed et Barclays de août 2007 à novembre 2009. C’est dès avril 2008 qu’un employé de Barclays avait « craché le morceau ».

Plus généralement, on peut se demander pourquoi une économie a besoin de tant d’établissements financiers, lesquels ont proliféré, prenant leur dû sur tous les échanges.

Le scandale du Libor a été déjà affecté d’un surnom : le « Lie More Scandal » (mentir plus). Comme l’avait déclaré Bob Diamond, de la Barclays, « la culture, c’est la manière dont les gens se comportent lorsque personne ne les regarde… ». À traduire par « pas vu, pas pris » ?
Mais, même pris les mains dans le sac, les banksters finissent toujours par s’en tirer, aux dépens de rares boucs émissaires chargés de tirer les marrons du feu pour l’ensemble. Le Financial Times en vient même à se demander si la culture de la finance dans son ensemble n’est pas la cause réelle de tous ces abus, et en appelle à mettre à la retraite « toute cette génération de financiers… ». Une retraite dorée ? Et passation de pouvoirs aux suivants pour recommencer ?

Joaquin Almunia, depuis Lisbonne, évoque « un comportement irresponsable » des banksters qui doivent en revenir « au financement de l’économie réelle. ». Par l’opération de l’Esprit-Saint ?

En fait, tous ces gens qui manipulent l’économie mondiale sont tels des garagistes vendant des véhicules d’occasion dont les compteurs ont été trafiqués. Mais on ne décore pas les garagistes véreux. Pour les banksters, si. Et pour leurs retraites, on les propulse à la tête d’associations d’autres banksters.

Selon le Wall Street Journal, les diverses enquêtes porteraient sur :
• Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ ;
• Citigroup Inc. ;
• Crédit Suisse ;
• Deutsche Bank AG ;
• HBSC Holdings PLC ;
• ICAP PLC ;
• J.P. Morgan Chase & Co ;
• Lloyds Banking Group PLC ;
• Mizuho Financial Inc. ;
• Rabobank Groep NV ;
• Royal Bank of Scotland ;
• RP Martin Holdings Ltd. ;
• Société générale ;
• Sumimoto Mitsui Banking ;
• UBS AG.
La plupart trouveront des arrangements, et tout repartira comme avant…