Au moment de son investiture officielle, le président de la République, François Hollande, a souhaité rendre hommage à deux icônes du pays. Marie Curie, pour la Science et la Recherche, et Jules Ferry, au nom de la laïcité. Une notion chère à la France, aussi importante que la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. Pourtant, malgré l’image flatteuse dont il bénéficie aujourd’hui, le père de l’Ecole républicaine possède une part d’ombre suscitant la polémique. Quand la vérité historique revient au galop, elle révèle des atours pas toujours très beaux. Une occasion de tracer un portrait non exhaustif de Jules Ferry.



    Il voit le jour au mois d’avril 1832 dans les Vosges. Chez les Ferry, on connaît la politique, ses aïeuls ont déjà exercés des mandats de maire et le sujet est fréquemment discuté en famille. Son père, bien qu’exerçant la fonction d’avocat, était un ardent défenseur de la République à une heure où des nostalgiques de l’Ancien Régime vantaient les mérites de cet ordre révolu et décriaient les défauts de la République.



    Il forge ses convictions politiques dans le combat de son père et par son militantisme contre le Seconde Empire de Napoléon III. Il apporte sa pierre à l’édifice en dessinant et publiant des pamphlets moqueurs et sarcastiques à l’encontre du « petit Napoléon ». Il s’attaque également à l’un des bras droit de l’empereur, le baron Haussmann, chirurgien esthétique des rues de Paris, par le biais d’un recueil collectant des informations sur le financement douteux de tous ces travaux.



    En 1869, il rentre à l’Assemblée Nationale comme député de Paris. L’année suivant la guerre contre la Prusse prend une tournure dramatique, les soldats ennemis avancent à grand pas et postent leurs garnisons tout autour de la capitale. Un gouvernement provisoire est nommé dans lequel il reçoit la lourde tâche de s’occuper des affaires de Paris. Durant près d’un an, il a du faire face à terrible siège et à une ville de plus en plus affamée et en colère. Dans la ville, on n’a plus rien à se mettre sous la dent, mais on a une dans face à cette situation désespérée. C’est dans le désespoir qu’un groupe d’insurgés, les Communards, prennent les armes. Dans les heurts et la violence, Jules Ferry fuit la cité, devenue incontrôlable.



    La guerre prend fin, la France a perdu et l’empire n’est plus. La IIIème République est sortie des cendres et le nouveau président Adolphe Thiers, en désaccord avec Jules Ferry, décide de l’éloigner du centre du pouvoir, en formation. Dans ses Vosges natales, il devient député, de 1871 à 1889, il doit statuer sur la délicate question du découpage des frontières avec les voisins au casque pointu. Parallèlement et afin de marqué nettement un certain ostracisme sous-jacent, Thiers l’envoie comme diplomate pour régler un dossier en Grèce.



    Le magma républicain résultant de la défaite prend forme et n’a pas besoin d’une épine dans le pied que pourrait être Jules Ferry. Chez les grecs, il se fait voir en train de mettre fin à une dispute portant sur les droits d’une mine dont grecs, italiens et français revendiquent la propriété. Finalement, il est rappelé en France.



    Il entre dans le nouveau gouvernement comme Ministre de l’Instruction, à cet instant, son nom franchit le seuil de la postérité. Attaché à la laïcité, bien que né dans un milieu catholique, il sublime cet attrait par son adhésion au Grand Orient de France. Il est à l’initiative des Lois Républicaines sur l’Éducation Nationale, des textes bouleversant à jamais l’Histoire de l’enseignement français.



    Voici en bref, l’essence de nouvelles règles : les congrégations religieuses n’ont plus lieu d’être, elles n’ont plus le droit de prodiguer des enseignement supérieurs, tout cela tombe dans l’escarcelle de la chose publique, les filles sont admises dans le secondaire et l’école primaire devient, dès lors, obligatoire, gratuite et laïque. Les questions religieuse relèvent de la sphère privée et familiale. S’appuyant de cette ossature, les hussards noirs de la République, craie en main, dispensent leur programme. Côté pile, Jules Ferry est cet homme de bien, mais il possède un côté face.



    Ce revers de la médaille est moins reluisant si on le regarde par le prisme de nos idéaux actuels. Jules Ferry est indéniablement un colonisateur. De par la gestion du protectorat de la Tunisie, du fait qu’il approuve la colonisation du Congo et qu’il désire ardemment l’asservissement du Tonkin, Jules Ferry est convaincu que l’Homme Blanc doit s’acquitter de son fardeau. Un lest idéologique motivant la prise, par les armes, des terres dites arriérées pour que les Hommes Blancs puissent répandre leurs savoirs. Aujourd’hui, on appelle ça du racisme, à l’époque cela était comparable à une cause « louable ».



    Il s’est brûlé les ailes en agissant ainsi, ses pairs du gouvernement n’approuvaient pas que la France se perde dans des conflits exotiques et aux retombées économiques discutables. Il fallait reconstruire le pays, se concentrer au développement à l’intérieur des frontières de l’Hexagone. Lâché par ses semblables, il devient impopulaire et perd des scrutins. Il est même blessé d’une balle, tirée par un forcené parvenant à entrer dans l’Hémicycle. Il s’éteint en mars 1893, un mois après être devenu sénateur.



    François Hollande en lui rendant hommage a suscité une vague de polémiques. Beaucoup ont fustigé qu’un président de gauche salue un homme accusé de racisme primaire. Cependant, il était homme de son temps, ancré dans les idéaux de son époque, un temps où penser de la sorte était admis. Certes aujourd’hui, les propos de Jules Ferry sont condamnables, mais il reste néanmoins un homme républicain reconnu par sa patrie comme le montre le nombre d’écoles portant son nom.