Depuis le Moyen äge et les premiers sorbonnards, la validité d’une thèse scientifique est soumise à ce qu’on appelle "l’évaluation collective".
Il parait normal et juste que ceux qui prétendent délivrer le savoir soient jugés par leurs pairs.
La tradition s’est maintenue jusqu’à nos jours.
Aujourd’hui c’est un jury de personnalités qualifiées pour un jeune thésard. Et des publications dans des revues dites "à comité" pour un chercheur, avec questionnements serrés, échanges d’idées pointues et critiques impitoyables de tout ce qui paraît flou, approximatif ou mal interprété.
Nul ne peut prétendre avoir fait une découverte, fondamentale induisant un nouveau paradigme ou complémentaire susceptible d’amender une théorie existante, sans fournir sa méthodologie, ses notes de travaux, ses protocoles d’expérimentation en labo ou ses calculs s’il s’agit de physique théorique.
Et tous les scientifiques ont le droit de les remettre en cause.
Tous, sauf s’il s’agit d’un "savant médiatique" !
2 poids, 2 démesures
A l’origine, Alain Riazuelo chercheur au CNRS et à l’Institut d’astrophysique de Paris prend connaissance, grâce à un confrère britannique, d’un projet de thèse mathématique rédigé par Gritchka Bogdanov à l’époque où il cherchait à réunir un jury.
Riazuelo a la mauvaise idée de mettre ce document en ligne, considérant qu’il peut intéresser un public assez confidentiel d’experts. En fait une soixantaine de personnes seulement cliqueront sur le lien.
Considérant qu’il s’agit d’une "contrefaçon" Gritchka Bogdanov poursuit le scientifique en justice, le fait condamner à 2.000 euros d’amende avec sursis et obtient 1 euro de dommages-intérêts pour violation du droit d’auteur.
La condamnation pour symbolique qu’elle soit me paraît extrêmement inquiétante.
D’abord sur le fond : les documents publiés dans le cadre universitaire ont toujours été considérés comme relevant du domaine public et susceptibles d’être discutés.
Ensuite sur la forme : nul n’ignore la proximité des frères Bogdanov avec un certain Nicolas Sarközy de Nagy Bocsa. Ils ne s’en cachent pas et ils ont bien le droit de choisir leurs amis.
Difficile quand même de ne pas être troublé quand on apprend que Riazuelo a été convoqué à la police moins d’une semaine après la plainte contre lui (ça ne vous rappelle pas une histoire de scooter ?) et condamné 10 mois après (quand on sait comme la justice est lente dans des affaires beaucoup plus graves) avec cette formule étonnante dans les attendus : "le chercheur a manqué de prudence vu la nototiété du plaignant" (sic)
Ainsi donc, une star médiatique serait intouchable ? Et bénéficierait de plus de droits qu’un citoyen
normal ? Au pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ? J’ai peine à le croire. J’ai dû mal comprendre !
Clochemerle à l’université
Plusieurs chercheurs de très haut niveau soutiennent leur confrère dans les colonnes de "Libé", du "Monde" et de "Ciel et Espace".
"La communauté des chercheurs s’est émue et ressent ce jugement comme une faute morale portant atteinte à l’éthique du protocole scientifique" signent-ils dans "Libé".
Et ils ajoutent dans "Le Monde" que les poursuite engagées à l’encontre de Razuelo s’apparentent à une volonté d’empêcher toute critique des prétentions scientifiques des jumeaux animateurs télé.
Lesquels ont peut-être raté une belle occasion de se taire. Car depuis que cette histoire a été judiciarisée, les langues se délient.
Le professeur Damien Calaque de l’Université de Lyon 1 et de l’école polytechnique de Zurich écrit : " Entre novembre 2004 et février 2005, j’ai participé à un forum en ligne où certains se sont mis à parler des travaux des frères Bogdanov. Ces derniers sont intervenus, me demandant de lire un de leurs papiers, ce que j’ai accepté. Je l’ai ensuite durement critiqué, ajoutant qu’à mes yeux, la thèse en mathématiques de Grichka relevait de l’escroquerie intellectuelle. Ils m’ont dit de faire attention et de replacer mes propos dans un contexte juridique…"
Le professeur Alain Blanchard de l’université Paul Sabatier à Toulouse avait publié in "Acrimed" un article dans lequel il disait ressentir un "malaise profond" à l’idée que les thèses des deux animateurs, soutenues en 1999 et 2002, aient bénéficié d’une validation institutionnelle de l’Université.
Il aurait reçu à son travail et à son domicile des appels téléphoniques des jumeaux le pressant de retirer ses propos sous risque de poursuites judiciaires.
Quant à l’astronome Jean-Louis Heudier qui, sous la pression, avait retiré son article… Les frangins en ont profité pour clamer partout que cela prouvait qu’il était d’accord avec eux !
Mais ce n’est pas tout.
En octobre 2010, l’hebdo "Marianne" a fait état d’un rapport commandé par le Comité national de la recherche scientifique, selon lequel les thèses accordées aux deux animateurs télé sont "scientifiquement ineptes".
Nouvelles plaintes contre le magazine pour "diffamations" et de façon plus surprenante "atteinte à la vie privée".
Finalement, beaucoup de bruit pour rien.
Aucun savant de renom ne prend au sérieux les thèories des deux "extraterrestres".
D’ailleurs, l’équation Bogdanov en matière de gravité quantique est considérée par nombre d’entre eux comme un canular du même tonneau que l’affaire Sokal.
Quoi qu’il en soit, on peut espérer que les faits de blasphème envers ces 2 génies seront amnistés au mois de mai par le président Hollande.
Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Bogdanoff
Je pense que vous êtes particulièrement mal informé et que vous ne connaissez pas le monde de la recherche. Contrairement à ce que l’on croit, il ne s’agit pas d’un univers serein. La plupart des acteurs qui sévissent sur cette scène sont presque toujours à l’affut d’un coup tordu ou autre malhonnêteté pour servir leurs intérêts (et certainement pas la science). Les Bogdas ont été victimes des coups bas de la « communauté », c’est à dire d’individus sans scrupules qui s’abritent derrière une façade de respectabilité pour se livrer à leurs actions malhonnêtes.
Croyez-vous vraiment que j’ignore tout des guéguerres U ? L’Alma Mater n’est pas un modèle de vertu. L’ambition, l’envie, l’hypertrophie de l’ego et la cupidité y règnent comme partout ailleurs.
Cela ne fait pas pour autant des victimes de ceux qui refusent qu’on critique leurs travaux !
Quoi qu’il en soit, j’apprécierais de connaître les arguments vous permettant d’adhérer à la théorie quantique des jumeaux, et plus généralement de défendre le paradigme leur permettant de franchir la barrière de Planck, tout en restant assez évasifs sur le modus operandi.
Petite rectification : Ni M. Blanchard, ni M. Heudier n’ont publié d’article sur le site Acrimed. Ils étaient simplement cités (avec leur autorisation) dans un article signé par moi.
Après avoir intimidé M. Heudier au point de lui faire demander de retirer ses propos, ils ont publié sur Internet et fait circuler à France Télévisions un courrier électronique de rétractation de sa part qui est un faux.
Ce n’est pas le seul faux qu’ils ont commis dans cette histoire, ce qui éclaire d’une lumière ironique le fait qu’ils aient pu faire condamner M. Riazuelo pour « contrefaçon » pour un texte dont la prétention était de leur permettre d’obtenir un diplôme de thèse « express » quelques temps après s’être fait prendre la main dans le sac en se prétendant docteurs en sciences s’en l’être le moins du monde…
Complément utile : la protestation de 170 scientifiques revendiquant leur « droit au blâme » dans CIEL & ESPACE :
http://www.cieletespace.fr/node/8909
A l’attention de Laurent Fouroux:
quand on affirme:
« Les Bogdas ont été victimes des coups bas de la « communauté » »
il faudrait donner des elements concrets. Que des experts expliquent dans un rapport que leur travail est nul n’est pas un coup bas mais un jugement de valeur. Indiquer dans une interview au Monde que l’on agit en justice « ..car c’est le dernier moyen qui [leur] restait pour le faire taire… » est un coup bas avoué (assez stupidement qui plus est). L’utisation de la Justice comme moyen de pression est malheureusement un arme daons les frese Bogdanoff sont familiers. Ne confondez pas.