Les Feux de Chantilly sont annulés : se réfugiant derrière « le secret lié aux transactions commerciales », la Fondation pour la sauvegarde du domaine de Chantilly, ville dont le couple Éric et Florence Woerth sont les maires de fait (et présidents d’associations, fondations, &c.), le spectacle de son et lumières annoncé par Tristan Duval, ami des maires, est annulé. Pas davantage que la vente de l’hippodrome de Compiègne, la concession du spectacle de feux d’artifices n’avait été vendue à la bougie. Le secret a bon dos, et plus le dossier de Compiègne avance, plus des pierres dans le jardin des époux Woerth sont retournées.

Impayable, Éric Woerth ? Cela dépend du sens qu’on donne aux mots. Pour ceux qui doivent s’attendre à casser leurs ardoises dues par l’ami du député-maire de Chantilly, Tristan Duval, de la société de spectacles Akouna, organisatrice des Feux de Chantilly, le mot à un sens très particulier. Pas vraiment celui de désopilant. Et pourtant, ô combien Éric Woerth peut l’être !

Comme le révélaient Le Courrier Picard et Mediapart, Philippe Hervieu, conseiller municipal Div. Droite de Pont-Sainte-Maxence a déposé plainte contre son futur adversaire aux législatives. Car, le 18 février, Éric Woerth avait fait distribuer un courrier de deux pages, expédié notamment par des mairies de sa circonscription, pour dénoncer « l’acharnement médiatique sans précédent » dont il se dit victime. Deux pages de pleurnicheries, n’évoquant jamais frontalement ce que la Cour de justice de la République lui reproche. Le voici donc poursuivi cette fois pour « financement illégal de campagne électorale, détournement de fonds publics, complicité et recel. ».

Qu’a-t-il au juste touché ?

« On en invente tous les jours dans l’artificialité la plus totale, » expliquait Me Jean-Yves Le Borgne, avocat de Woerth. Avec l’histoire des Feux de Chantilly, la tournure prend un tour très, très particulier.

L’artifice de Woerth, qui pourrait devenir flagrant, c’était aussi d’avoir clamé, juré, craché, dégageant le col pour montrer sa tête « d’honnête homme » vouée à l’injuste couperet de la guillotine, qu’il n’y avait jamais eu qu’un seul et unique acheteur pour l’hippodrome de Compiègne.
Non seulement Antoine Gilibert, doublement voisin (de Chantilly et du Cap Nègre), a-t-il bénéficié d’un prix que la justice a tout lieu de croire bradé, mais il a emporté l’hippodrome de Compiègne et tout son domaine alors qu’un autre acheteur était sur les rangs.

Le Canard enchaîné révèle l’existence d’une délibération interne de l’Association du golf de Compiègne. Cette association considérait qu’elle avait « tout autant intérêt que la Société des courses de Compiègne » à l’acquisition du domaine. Qui, comment, et à quel prix, a dissuadé cette Association de se porter candidate à la reprise ?

Au passage, on relèvera qu’un golf associatif peut avoir les moyens de convoiter un domaine  estimé à près de 13 millions d’euros (et cédé, grâce à la diligence d’Éric Woerth, en dépit d’avis ministériels contraires, à 2,5 millions, soit, même en retenant l’estimation basse de huit millions, en prélevant aux contribuables près de trois fois le prix de cession).

Conclusion du Canard, Woerth devra « expliquer aux juges pourquoi cet acheteur a été écarté d’une simple ruade. ».

Chantilly pourrie-gâtée

Avec Sébastien Proto, son ex dircab’, Éric Woerth avait beaucoup œuvré pour la libéralisation des paris en ligne. En n’oubliant pas sa commune. Car la réglementation sur les paris en ligne prévoit un financement des recettes des communes sur lesquelles s’organisent des rencontres hippiques donnant lieu à des paris. Et comme par hasard, indique le Courrier Picard, l’hippodrome de l’Oise, dit de Chantilly, vient de se doter d’une nouvelle piste en synthétique, utilisable toute l’année.

Cette année, Chantilly pourra accueillir jusqu’à plus de 280 courses, soit un tiers de mieux que par le passé. Des courses organisées à Compiègne (mais aussi Deauville ou Fontainebleau) pourraient être transférées à Chantilly. La ville de Chantilly peut en attendre, selon Éric Woerth, jusqu’à un demi-million d’euros supplémentaires.

On en vient à se poser des questions sur les relations réelles entre le couple Woerth et Gilibert. Selon Woerth, c’était étanche, ils ne se connaissaient même pas. Pourtant, Christian Patria, supplément de Woerth, n’est autre qu’un membre de la Société des courses de Compiègne.

D’autant qu’à présent, Philippe Mariani, maire de Compiègne et ami de Woerth, jure que Gilibert n’avait même pas eu besoin de ses services pour accélérer le dossier du rachat de l’hippodrome. Craindrait-il que cette vente l’éclabousse ? Woerth confirme : « jamais Marini n’est intervenu auprès de moi. ».

Est-il au moins admis qu’à diverses reprises, Éric Woerth, dans cette affaire (ne parlons pas de l’autre volet du Woerthgate, l’affaire Bettencourt), a pu mentir plusieurs fois ?

Les policiers, qui ont aussi perquisitionné au siège de l’UMP, estime que les comptes de la famille Woerth ne révèlent « aucun mouvement créditeur d’un montant très élevé. ». Dont acte. Dans une autre affaire, ce n’est pas avec des mouvements sur ses comptes que Thierry Gaubert avait acquis une somptueuse finca et un bar en Colombie.

Pour divers députés socialistes, qui ont porté plainte, « le caractère illicite de cette cession ne fait désormais plus de doute. ». N’est-ce point diffamatoire ? Pourquoi les époux Woerth ne les attaquent-ils pas de ce fait ?

Joly et Montebourg, après les élections

Pourtant, Éva Joly et Arnaud Montebourg devront comparaître le 12 octobre 2012, du fait d’une plainte de Florence Woerth contre eux, relative au volet Bettencourt du Woerthgate.

Il est fort déplorable que les époux Woerth s’en tiennent là. Autant d’attaqués, autant de frais d’avocats pour leurs défenses, autant de perspectives de devoir les régler s’ils venaient à être déboutés et condamnés à les compenser.

On ne peut hélas forcer quelqu’un à vous attaquer en diffamation. Pourtant, il suffit de lire les innombrables commentaires sur les articles visant les époux Woerth. Il y a là de quoi poursuivre des milliers de citoyennes et citoyens, de faire fortune plus sûrement qu’en pariant jusqu’à sa chemise sur un bourrin. Pourquoi donc deux seulement ?

Encore un effort pour être crédibles. Cela serait certainement plus parlant qu’une lettre aux inscrits sur les listes électorales…