Personne ne croit vraiment que le référendum sur le « traitement » des chômeurs à la sauce Sarkozy verra jamais le jour. Mais que des mesures inspirées de ses préconisations finissent par être mises en application, cela se pourrait. Il y a du pour, et du contre. Mais l’exemple britannique est plus inquiétant.

Je vous avais narré récemment (« Quels emplois pour Sarkozy ? ») comment j’avais perdu un timbre et une enveloppe pour obtenir d’être maintenu en tant que chercheur d’emploi : l’offre se rapportait à un poste de formateur à l’edo, la langue du Nigéria, que je n’ai jamais – et pour cause – mentionnée dans mon cursus.
Mais tout se discute, mieux vaut une offre que rien.
Si j’avais eu dans mon relationnel quelqu’un qui aurait eu une qualification voisine (traductrice ou interprète), maîtrisant l’edo, mais ne rentrant pas assez dans les cases informatiques du Pôle Emploi, j’aurais pu faire pourvoir ce poste…

Deux anecdotes. J’ai obtenu un DESS (mastère) en alternance.
Je n’ai pourtant jamais mis les pieds dans le cabinet de traduction censé me rétribuer pour un stage : je travaillais en free-lance pour eux depuis deux ans, rétribué, et à mon âge déjà avancé pour le marché, je n’avais aucune chance de trouver un autre stage (car c’est à vous de vous débrouiller pour en trouver un). Je ne sais plus combien, théoriquement, je devais être rétribué, après des années d’expérience. Dans les 300 euros à l’époque…

Une jeune fille de ma lointaine famille est stagiaire de seconde année dans un atelier de confection, en fait une jeune marque. De fait, elle est la seule responsable fab’, mène des négociations avec les clients, &c., et on vous en passe, travaillant, comme tout le monde, jusqu’à minuit en périodes de collections. Rétribuée au tarif du stage BTS ou DUT. Sans paiement des heures supplémentaires, bien évidemment. Elle en veut, elle réussira, vend le dimanche dès l’aube sur les marchés pour joindre les deux bouts, parvient encore à faire quelques heures comme serveuse. Elle en veut. Puis, pourrait-on dire, ce n’est qu’un emploi de bac+2. Oui, mais elle fait fonction de cadre… Tout le monde s’accorde à la qualifier de « brillante ».

Formations bidon et autres…

Nous sommes d’accord, toute une population de jeunes gens a besoin de se frotter aux contraintes réelles du monde du travail (dont les fameuses 35 heures qui en font 42 et davantage dans les TPE, sans rétribution supplémentaire). Je suis passé par là, à une toute autre époque, rétribué demi-smig pour largement davantage qu’un temps plein, mais je voulais apprendre le métier, et nous étions plus ou moins tous, enthousiastes, à la même enseigne dans cette coopérative associative de presse et d’imprimerie (j’ai vraiment acquis la totale, fab’, rédaction, commercial, routage, &c.).

En revanche, j’ai vu passer une annonce de stage pour un jeune journaliste en lointaine banlieue. La voiture personnelle était exigée (que les parents s’arrangent pour la payer et l’entretenir), les frais remboursés (mais pas pour les trajets domicile-travail). C’est souvent encore pire pour les stages d’ingénieurs ou de grande école commerciale. Sans relation, c’est rétribué des clopinettes et les parents de milieux relativement modestes se saignent aux quatre veines.

Pour les seniors, surtout ex-cadres, c’est presque pire. Même l’intérim vous ignore. Pourtant, on peut tout faire. Pour mon compte, je n’envisageais pas faire du journalisme sans taper à la machine, je me suis donc financé (en vendant Le Monde à la criée à la sortie des facs) un diplôme (privé) de dactylo. Mais ex-compositeur d’imprimerie, il fut un temps où j’atteignais 60 mots/min (le CAP était à 40), et je me suis formé moi-même à mes frais, à l’informatique, dès 1980. En vain pour un employeur, faut-il croire… Serveur, peut-être, par relations…

L’exemple britannique

Et pourtant, pourtant, je ne suis pas tout à fait opposé à ce que de réelles formations et des jobs, même un peu répétitifs, sous-payés (mais « décemment »), largement en-dessous de vos aptitudes ou qualifications, vous soient proposés. Tout dépend des circonstances, de la possibilité d’un retour à un réel emploi, de l’éloignement du domicile, de multiples facteurs.

Mais voyons un peu ce qui s’est tramé au Royaume-Uni. C’est finalement, appliqué, ce que viserait Nicolas Sarkozy. À cela près qu’on veut l’étendre aux équivalents Cotorep (handicapés), le système serait identique. Obligation de prendre l’emploi qu’on vous propose. Là, c’est simple, pour 53 livres (juniors) ou 67,50 (+ de 25 ans) de la semaine, soit vous travaillez, soit vos allocations sont suspendues. Je mets quiconque au défit, sauf à être hébergé ou à loger dans son véhicule, de subsister à ce tarif outre-Manche. Encore que le système d’allocations logement n’est pas si mal. Pour qui en bénéficie à temps, c’est presque jouable.

Petit inconvénient : c’est drastique. Une diplômée d’université, qui travaillait plus qu’à temps plein, bénévolement, dans une association, s’est vue intimer l’ordre d’aller faire technicienne de surface. Et puis, récemment, le site gouvernemental Directgov (Pôle Emploi, site JobCentre « Plus »), a diffusé une offre de travail de nuit dans un Tesco (équivalent Carrefour, Auchan, Leclerc…). Pas vraiment bien desservi par les transports en commun.

Je veux bien que tout soit dérégulé pour favoriser le retour à l’emploi, qu’on travaille le dimanche, n’en déplaise à Christine Boutin, de jour comme de nuit (ô combien de nuits ai-je pu passer au mettage, en veille faits-divers, et auparavant à démonter des manèges de foire, à mettre sous bande, ou plus tard devant une console d’agence de presse… ou un clavier pour traduire en « rush », mais cela ne sera pas reconnu travail pénible pour la retraite à trous). Mais il ne faut quand même pas pousser pépé dans les orties, ni junior dans l’ornière.

 

Bien sûr, bien sûr, après le tollé sur Facebook et Twitter, Tesco a invoqué l’erreur informatique… de JobCenter Plus. C’est plausible. Tesco n’est pas le pire employeur du Royaume-Uni, loin de là.

 

Que des stages d’observation ne soient pas rétribués, soit (j’ai été intern at The Independent, service étranger). Qu’on puisse donner un coup de main aussi à l’occasion, d’accord. D’ailleurs, des stages dits d’observation, mais pendant lesquels vous travaillez vraiment, sont déjà possibles avec Pôle emploi. Pas de rétribution, mais la possibilité de faire de l’entrisme, couverture de la Sécu pour l’employeur et vous-même, &c. Pas du tout une mauvaise idée. Le hic, c’est qu’il faut trouver le stage par soi-même et que, si l’employeur n’était pas au courant du dispositif, il peut fort bien en faire « bénéficier » une ou un tout autre que vous-même.

Auto-employé

C’est simple. Vous êtes employeur, vous envisagez non pas une embauche, mais de tester un prestataire.
Une ou un « auto-employeur », par exemple. Vous pouvez très proposer un stage non-payé, histoire de tester. Un coup de bourre ? Prenez-en plusieurs à la fois, cela vous permettra de faire le tri et de confier ensuite, ponctuellement, une, des missions au(x) meilleur(s).

C’est comme la fiscalité. Les meilleures intentions sont criblées d’effets pervers.
Il y a bien sûr quelques garde-fous (enfin, pour les Cotorep, faudra voir…). Le placement automatique est limité en Grande-Bretagne à huit semaines pour le cas général, à six mois en cas d’opération « pilote ».

Pour celles et ceux qui seraient malades, ou temporairement ou plus durablement « incapacités », c’est la compagnie française Atos Origin qui se charge de vous déclarer apte ou inapte pour le service.
Les deux-tiers des personnes sont déclarées aptes. Par exemple si elles sont au moins capables de marcher 200 mètres (si, si…). Il faut 15 points pour être dispensé de recherche de travail. Pouvoir se tenir debout seulement 90 minutes d’affilée vaut six points. Un postier que le Royal Mail estimait totalement handicapé s’est retrouvé avec zéro point. En France, Atos Origin a développé une « mission Handicap ». Au Royaume-Uni, Atos Healthcare distribue les Disability Assessments.

Vous n’y croyez pas ? Les exemples abondent pourtant dans la presse britannique. Vous croyez que vous serez toujours bien portant et employé. Par exemple, vous êtes commerçant. Mais on ne vous a pas dit que le restaurant au coin, resté fermé depuis des années, va rouvrir sous l’enseigne Carrefour City. Ou Monop’ (ouvert très tard). Pensez-y, cela n’arrive pas qu’aux autres… Allez, 300 euros par mois pour 30 heures par semaine, ce n’est pas si mal. Dix euros de l’heure, c’est ce que vous payez, si vous le pouvez, au noir, une technicienne de surface ou un laveur de vitres. Il suffit de travailler plus pour gagner plus. De se lever plus tôt et de se coucher plus tard. D’ailleurs, vous le faites déjà. Oui, mais vous êtes votre propre patron. Gênant pour retrouver un emploi subalterne… Songez-y peut-être avant d’applaudir à n’importe quelle mesure séduisante… pour les autres.