Vendredi dernier, notre cher président complimentait encore l’assistanat et ses vertus. Car oui, on devient chômeur de son propre fait, on aboutit sdf pour s’être laissé dériver et on aime le RSA qui permet – Ô combien – de s’acheter un home cinéma. 

Aujourd’hui, alors que notre cher président libère sa conscience en annonçant officiellement sa candidature à la surprise générale (!) peut-être ne se doute-t-il pas encore de la lettre manuscrite qui fait route vers sa boîte aux lettres. Si ça se trouve il ne le saura jamais, d’ailleurs, je m’imagine fort bien du nombre de personnes payées pour lire son courrier. Néanmoins je me suis fait plaisir, cette lettre m’a permis d’exprimer au petit d’homme un ressenti assez ancré, que voici (texte intégral):

"Objet : lettre d’une assistée. 

Monsieur le Président, 

Depuis quelques mois, en lisant la presse, je retrouve dans vos interventions ce cheval de bataille que vous exposez régulièrement : l’assistanat. 

Hier le Nouvel Observateur faisait encore état de vos allégations concernant les chômeurs. Si j’en crois la presse, vous avancez que les chômeurs sont responsables de leur situation, inactifs, se complaisant de leur situation aux crochets de l’Etat. Il y a même un film, sorti l’année dernière, qui décrit ce type d’assistanat avec humour et le talent de Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty : les Tuche. Mais ni ce film, ni vos propos ne décrivent la réalité de l’assistanat. 

J’admets fort bien qu’elles existent, ces personnes ne vivant que d’allocations et s’y complaisant. J’en connais aussi. J’en connais même qui correspondent en tout point au stéréotype du « RMIste à l’écran plat dans son salon ». 

Mais Monsieur le Président, avec tout le respect que votre fonction m’impose, je me permet étant « assistée » moi-même, de me sentir profondément outragée par vos propos. Je m’en explique. 

Je suis effectivement tributaire du RSA et autres allocations. Son montant est de 55 Euros : en effet la législation veut que, mon conjoint étant « invalide catégorie 2 » et pensionné de 670 Euros/mois par la CPAM, le RSA est de 55 Euros. (Je précise que si mon conjoint avait été salarié au même montant le RSA aurait dépassé 500 Euros, une injustice considérant que mon compagnon n’a pas choisi l’invalidité… Je me suis permise d’en référer à Mme Roselyne Bachelot.)

Mais pour ma part hormis l’aumône que l’Etat me fait de 55 Euros/mois, j’apprécie les droits et l’encadrement que me confèrent ce statut. Ceux-ci m’ont permis d’occuper un emploi pendant 6 mois dans le cadre d’un CUI CAE en EHPAD. Non renouvelé, ne m’ayant pas permis suffisamment d’heures pour prétendre à l’allocation chômage, me revoici au point de départ. 

Monsieur le Président, ce point de départ, le voici : 

 – Gérer pour mon conjoint, moi-même et nos deux enfants un budget de 850 Euros/mois. Retirez-en les charges ; les habits et l’alimentation passent à la trappe. Fort heureusement nous sommes bénéficiaires d’une banque alimentaire.

 – Une bataille quotidienne contre les administrations : chaque démarche, déclaration de revenu… auprès des CAF et CPAM devient une corvée.

 – Une recherche d’emploi compromise… car la recherche d’emploi coûte de l’argent ! Chaque trajet, appel au Pôle Emploi, la connexion Internet indispensable pour accéder aux annonces, c’est un trou de plus dans notre argent de poche.

Sans parler des remarques désobligeantes des fonctionnaires ! 

Pour ne citer que celle-ci, quand j’ai dû me battre pour rétablir mon éligibilité au CUI, une employée de Pôle Emploi m’a fait remarquer que « c’est quand même l’Etat qui décide puisque c’est eux qui paient votre salaire ».En effet, mais ce salaire, je l’avais gagné en faisant tout ce que vous prônez depuis votre campagne de 2007. Je me suis levée tôt et, pendant 519heures réparties sur 6 mois, j’ai entretenu des chambres, des toilettes, des bureaux, servi à table des personnes âgées et aidé les aide-soignants dans leurs tâches.

Je ne m’attendais pas à une remontrance sur l’origine de mon salaire. 

Aujourd’hui Monsieur le Président, je me lève tôt, J’emmène à pied mes enfants à l’école, et la journée, j’épluche les annonces, relance les recruteurs, rédige des candidatures, entretiens et référence on Site Internet dans l’espoir de faire reconnaître mes compétences et trouver un travail d’assistante de communication. 

Car toute assistée que je sois, j’ai un projet professionnel concret et ce poste, c’est le premier barreau de l’échelle qui me permettra de l’atteindre. 

Sachez aussi que mon « inactivité » me pousse à faire du bénévolat : je suis au Conseil d’administration de l’Association Erstein Cinéma, j’y tiens la caisse une fois par semaine et j’ai pris en charge un groupe de travail sur la communication. 

Cette activité m’aide à me maintenir active dans ma condition d’assistée chômeuse ! 

Voilà, Monsieur le Président, de quoi sont faites mes journées. 

Survie, galère, famille, recherche d’emploi et bénévolat. 

J’aurais été en droit d’attendre une reconnaissance, même verbale, pour le dynamisme et la persévérance qui me distinguent (et beaucoup d’autres comme moi) du modèle « Tuche » au cinéma.

Mais votre seul retour m’accable et me stigmatise dans ce modèle. Comme toujours. 

Vous l’aurez compris, Monsieur le Président, je ne fais pas partie de votre électorat. Si la présente vous parvient et attire votre attention, n’y voyez aucune demande de ma part… si ce n’est un peu plus d’empathie pour les conditions de vie des assistés. Et plus d’équité, même verbale, vers le chômeur actif qui nourrit les mêmes objectifs que vous. 

En vous remerciant."

Et si j’ai une réponse, je vous tiens au courant !