Haaretz, le quotidien israélien, n’a pas apprécié la présence de Marine Le Pen, de Philip Claeys (Vlaams Belang flamand), et d’autres membres de partis nationalistes européens, au bal viennois, vendredi dernier, de la Bruschenschaft Olympia et du Parti de la Liberté de l’Autrichien Martin Graf. Il faut dire que, le même jour, Vienne célébrait aussi le 67e anniversaire de l’Holocauste (et de la libération du camp d’Auschwitz). Le FN a répondu qu’il s’agissait d’une manifestation… culturelle… à laquelle assistait toute la société civile autrichienne… Manifestation pourtant retirée du calendrier de l’Unesco.

Piégée ou non, Marine Le Pen, par l’invitation de Martin Graf, le jour anniversaire de la Shoah ?
Pour les organisateurs du WKR-ball, la date est une pure coïncidence.

Effectivement, pour un bal, le vendredi est tout indiqué, et même si c’est le jour pour « faire maigre » pour la catholique Marine Le Pen, le prétexte pour refuser l’invitation était tout aussi étique.

Elle a fréquenté des boîtes de nuit et des discothèques le vendredi soir à diverses reprises, croit-on savoir. 

On veut bien aussi croire que le personnel chargé de composer la revue de presse de la présidente du Front national soit incompétent. D’un autre côté, j’avais bien lu au passage que vendredi dernier était le jour anniversaire des camps du « détail » paternel de Marine Le Pen, sans vraiment m’y attarder. Mais, même tout autre jour que celui du Souvenir, répondre à l’invitation de Martin Graf et Heinz-Christian Strache, du Parti de la Liberté (FPÖ) autrichien, n’était guère anodin. Il faudrait croire que personne, au siège du FN, ne lise l’allemand et la presse autrichienne qui rapportait, jeudi dernier, la veille, que le parlement autrichien s’était penché sur la question à l’initiative des députés Verts.

Même Norbert Darabos, le ministre autrichien de la Défense, avait exprimé son sentiment : ce bal est le rendez-vous par excellence des partis extrémistes de droite. Des militaires autrichiens peuvent s’y rendre, mais non pas en uniforme, comme à d’autres bals, sous peine de sanctions disciplinaires. Marine Le Pen s’est au moins préservée d’y paraître en uniforme d’opérette, c’est déjà cela…

Maladresse, vraiment ?

Les israélites français proches du « nouveau FN » font profil bas. Le FN peut bien clamer que ce bal est un événement traditionnel, on n’y rencontre guère de Juif viennois, encore moins de membres du personnel de l’ambassade d’Israël en Autriche. Cela, tout aussi traditionnellement. Peut-être que des journalistes de confession israélite s’y rendent pour recueillir des potins, mais il n’est pas sûr qu’ils y entrent sur présentation de leur carte de presse.

Mais il est de bon ton, en Autriche comme en France, de dénoncer le « terrorisme » de l’extrême-gauche, dite « la gauche extrémiste », dès qu’elle l’ouvre pour dire quoi que ce soit sur les partis de la droite nationaliste européenne. Marine Le Pen, chahutée par Rivarol et une presse autrefois alliée qui la dénigre, a-t-elle voulu donner des gages ou tout simplement faire parler d’elle ?

 

SOS racisme est aussi monté au créneau, qualifiant l’événement de « bal immonde ». L’Union des étudiants juifs de France se demande « jusqu’où ira Marine Le Pen » ? Jusqu’à se munir de saucisson et de pinard non-kasher lorsqu’elle rencontre des membres de la communauté juive ?

Ce bal, fréquenté par les nostalgiques du temps des junkers pangermanistes, n’a rien à voir avec les manifestations viennoises fréquentes. Le FN veut faire croire que « l’extrême-gauche autrichienne (…) cherche à faire interdire touts les bals viennois… ».
D’ailleurs, c’est bien simple, toutes les boulangeries-pâtisseries autrichiennes sont régulièrement les cibles d’attentats terroristes car elles osent encore vendre des croissants, symboles de la défaite des turcs musulmans, n’est-il pas ? Regardez bien les vitrines : toutes les viennoiseries aux pointes un tant soit peu recourbées ont disparu, ailleurs, ne subsistent plus que ruines calcinées.

D’ailleurs, c’est à une campagne mondiale d’éradication des croissants que se livre la gauche extrême ; même les boulangeries tenues par des musulmans, à Paris et dans les villes françaises, ne seront pas épargnées si elles persistent à vendre des croissants.

 

Verra-t-on bientôt Riposte laïque faire chabro avec des croissants fourrés au sauciflard trempés dans du chaud pinard ? Et ses rombières tournoyer aux bals des débutantes ? Retirer de la vente des titres comme « Combattre le cholestérol pour les Nuls » ?

 

Marine Le Pen n’a pas su résister à aller jouer sa Sissi à Vienne, soit. Fallait-il que le FN en rajoute dans le ridicule ? Elle a voulu s’étourdir aux bras de beaux jeunes gens en pourpoing et rubans en sautoir coiffés d’un seyant petit bonnet, ce n’est pas tout à fait une frivolité criminelle.
À moins, à moins, qu’il ne s’agisse de tout autre chose. Soit de titiller suffisamment pour que chacune de ses apparitions publiques, chaque déplacement, soit ponctué de cris et sifflets qui seront dénoncés tels des marques d’intolérance « extrême » et « terroriste ». Histoire aussi de dénoncer « certains médias », comme le fait le communiqué officiel du FN. 

Le précédent communiqué du FN ne faisait d’ailleurs état que d’une invitation du FPÖ et de l’Alliance européenne pour la Liberté (EAF).
Elle ne devait rencontrer que « différentes personnalités politiques » et  de même des chefs de file de « mouvements patriotiques en Europe » avant de se rendre à l’Assemblée nationale autrichienne.
Il était fait simplement mention du « bal du palais impérial du Hofburg », sans précision particulière. Une simple formalité officielle. Un peu comme si c’était la galette des rois locale… Pas vraiment un événement qui, chaque année, rassemble à ses abords quelques milliers de manifestants de gauche (et autres) séparés des valseurs par d’importants cordons de policiers. Cette année, les pancartes mentionnaient : « ne dansez pas sur mon cercueil ».

Peut-être que Marine Le Pen a cru que c’était une publicité pour un livre de Vernon Sullivan (Boris Vian). Allez, on va faire semblant de le croire. Eh puis, danser avec de beaux jeunes gens en frac, smoking ou uniforme (de corporations étudiantes, voir l’affiche et ci-dessus), comment résister ?