À raison de vingt articles par page, j’avais près de 40 pages sur Le Post (.fr), soit 790 articles et davantage. J’ai entrepris de les supprimer… avant de me décourager. Mais au cours de l’opération, je me suis rendu ô combien compte des ravages de Netino, la « modération » du défunt Post. Trente ans de carrière, aucun procès en diffamation et injures publiques (hormis quelques-uns passés à la trappe, histoire d’épargner le ridicule aux plaignants), donc zéro condamnation. Mais des dizaines d’articles censurés sur Le Post, parfois dans mon dos… Ce sera sans grand regret que j’oublierai Le Post.
Le bon journalisme, ce n’est pas celui qui ne risque pas de se retrouver poursuivi en justice, mais celui qui gagne les procès qu’on lui intente (comme celui du Canard enchaîné), ou celui qui ose mais reste inattaquable. C’est avec un certain effarement, en commençant à supprimer mes contributions sur Le Post, que je me suis rendu compte que l’accroche d’articles anciens avait été soit grisée (l’article était supprimée), soit grisée et surmontée d’un bandeau en annonçant la suppression… parfois longtemps après publication… et sans avertissement.
(lire la suite sous l’illustration).
Inquiétant, non, ces suppressions d’articles sur Dominique Strauss-Kahn, l’époux d’Anne Sinclair ? Oui et non… C’était vraiment au petit malheur la malchance… D’autres papiers assez saignants sur DSK (mais absolument pas déontologiquement ou judiciairement limite-limite, plutôt classiques) ont subsisté. Pourquoi ceux-là ont-ils été censurés ? Allez savoir…
Plus gênant, un article « conso » censuré. Sans doute à la demande de la société visée… à très juste titre. Une info dont j’avais averti le Centre européen de défense des consommateurs. Eurolines ne l’avait pas fait. Donc, l’article intitulé « La belle arnaque d’Eurolines » (15 411 lectures, pas du tout mon record, en deçà des mille consultations… de je ne sais plus quel autre), restera encore quelques jours en ligne sur Le Post. Ben oui, ces suppressions à la chaîne, c’est fastidieux. Et Le Huffington Post procédera un jour ou l’autre au nettoyage du défunt Post.
C’était quand, déjà. Ah oui, le 9 janvier 2008, ce papier sur Eurolines. L’un de mes premiers papiers, celui du 15 septembre 2007, était intitulé : « La vraie raison de la venue d’Iggy Pop à la Fête de l’Huma… ». C’était court, dans l’esprit du Post des tout débuts, et cela donnait ce qui suit :
« Selon un homme très informé, ami des États-Unis, il serait comme Iggy Pop : “Moi, je suis comme Iggy Pop, après chaque meeting, il me faut une femme sur le bout et mon quart de Vittel” (source : Fluctuat.net). On comprend mieux pourquoi Marie-Georges s’est sentie des affinités avec le chanteur américain : elle boit aussi du Vittel. ». Pas génial. On a reconnu Sarkozy.
Je jouais le jeu. L’idée du Post me paraissait intéressante. Ces derniers temps, c’était tout autre. Notamment du fait de la censure, de l’accumulation des faits divers en vidéos (provenant de télés régionales ou locales), des papiers sur les célébrités, et du repompage sec, à peine reformaté, de la presse, sans aucun apport personnel. Sauf, parfois, un peu d’impertinence salutaire de la part d’une rédaction qui avait dû faire grève, en vain, pour maintenir ses effectifs.
Rôdage…
Ce n’était nullement ma première expérience de la presse en ligne. J’avais été un peu pionnier, et donc bien rétribué pour cela (mes vieilles piges me rapportent encore un peu, via la Scam, une société d’auteurs). Mais c’était sympa de pouvoir un peu davantage « se lâcher », sans pour autant, jamais, jamais, offrir le flanc à d’éventuelles poursuites judiciaires. Quant on est l’hôte de quelqu’un, on peut plaisanter, galèger, même parfois être facétieux, voire ironique, mais on ne crache pas dans la soupe. D’autres l’ont fait, et s’ils ont été censurés, j’approuve ; j’aurais fait de même dans mes propres titres, après avoir averti l’auteur et expliqué pourquoi il ne m’était pas possible de risquer un procès. Mais bon, cette collaboration bénévole m’a au moins rôdé à ne plus jouer le jeu du p’tit journaleux qui se conforme aux règles (hors celles des lois), au formatage. J’avais besoin de me désintoxiquer, merci, de ce point de vue, Le Post… et surtout Netino.
Dans les censurés, il y avait aussi ce « DSK de retour en France, localisé à Piriac. Dont le châpo commençait par : « Non, il ne s’est rien passé à New-York entre Irene (la tempête) et Dominique Strauss-Kahn puisqu’il est avec Anne Sinclair à Washington, ce samedi 27 août… ». J’imagine que le reste était bon enfant, à l’avenant.
Plus grave, les censures corporatistes. Comme celle du « Woerthgate et Figaro : un hobby "diminutif" ». Là c’était un florilège de réactions et commentaires sur le Woerthgate sucrés sur le site du Fig’. Bien sûr, je n’avais cité que celles et ceux dont j’étais totalement sûr que les propos n’étaient ni injurieux, ni diffamatoires. Netino n’a pas souffert le ridicule.
Encore plus grave, le sucrage de « Woerthgate : pour les époux Woerth, La Lanterne ou La Cavalerie » (du nom d’une résidence de Sarkozy et d’une autre de Gilibert, le bénéficiaire de la vente de l’hippodrome de Compiègne, sur la Côte d’Azur). Une révélation gênante, parfaitement sourcée, très peu reprise par la presse nationale. La Cavalerie n’est pas trop loin du Cap Nègre. À présent (voir précédents articles sur Come4News), la Cour de justice de la République sait à quoi s’en tenir…
Gravissime, la suppression du « Sarkozy fait avorter un cessez-le-feu en Libye ? ». Le point d’interrogation était pour Netino. Pour The Independent, source très fiable, il n’en était nul besoin. Il s’agissait d’une médiation de la Grèce. Sarkozy voulait sa victoire. Il l’a eue, nous en paierons la note, ce n’est pas diffamatoire de l’écrire.
Je ne suis pas rancunier. Aucun amour-propre d’auteur. J’ai toujours apprécié les rares fois où j’ai été payé pour des papiers qui n’étaient pas paru (notamment un entretien en Belgique avec le comique Pirette, pour le second numéro du Rire, jamais parti sous presse). J’espère qu’Anne Sinclair, au Huffington, sera plus futée que Netino. Si ce n’est le cas, cela se saura vite, et elle fera perdre du pognon à AOL. Comme il se saura assez rapidement si les « invités » touchent des piges. On saura alors pourquoi ils et elles le sont (qu’il s’agisse de droits d’auteurs ou d’avantages en nature… au fait, Rachida Dati, tu les a rendues, les robes prêtées par les grands couturiers ?).
Du bon, aussi…
Je n’ai jamais eu aucun accrochage direct avec la rédaction, redchef passé inclus (celui des débuts). J’avais juste constaté, en prenant contact sur une exclusivité, que seuls les trucs torchés vite (donc, peu de frais, pas d’enquête longue…) avaient leur chance. Eh, il fallait tenir le budget piges.
Mais il y a eu de très bons trucs de la rédaction et de pas mal « d’invités » (rétribués ? Pour pondre du fait divers repiqué, fallait aimer le bénévolat ou la toute relative notoriété). Merci à Tian, qui avait créé le groupe « N’oublions pas Julien Coupat ». La suite semble lui avoir donné raison…
La rédaction a compté quelques belles réussites. Comme cet entretien : « Sur Le Post, le rédacteur en chef du Canard Enchaîné, auteur de l’article sur le présumé espionnage de journalistes par le chef de l’État, affirme avoir été informé par "plusieurs personnes de confiance". ». Tant d’autres. Assez rares cependant. Beaucoup moins que Bakchich ou Rue89. Sans parler de Marianne, mieux dotée en effectifs. Mais c’était souvent plaisant.
Bon, allez, je ne vais pas recenser tous mes trucs sucrés par Netino. D’ailleurs, la plupart sont aussi sur Come4News, sans le moindre problème (je n’ai jamais été censuré ici, à masse de contribution parfaitement égale). Adieu Le Post. J’espère sincèrement que les consœurs et confrères se recaseront. Je n’ai pratiquement plus aucune ou aucun posteur actuel à saluer, les autres, elles ou ils avaient toutes et tous progressivement déserté… et se reconnaîtront.
Pour qui n’a pas connu [i]Le Post[/i]. Au « pourquoi ? », il n’y avait que des réponses passe-partout, stéréotypées. Impossible, en s’expliquant, de faire rétablir un article. Tenter de discuter revenait à pisser dans un violon.
On se demande si les modérateurs de Netino ont jamais exercé dans la presse…
Le site promet tout, mais ne donne pas d’indication sur la formation et l’expérience professionnelle antérieure de ses employés.