Coïncidence, alors que, samedi, Nicolas Sarkozy recevait Bernard-Henri Lévy à l’Élysée pendant deux heures pour un entretien filmé en vue d’une déclinaison du livre de BHL en film, Hamza Touhami annonçait la prochaine formation d’un gouvernement libyen « vert » en exil. Sur le terrain, c’est de nouveau l’affrontement entre les milices.
Dimanche, hier donc, une milice de Gharyan, à environ 80 km au sud de Tripoli, se serait affrontée avec celle de la ville voisine d’Assabia. Les combats dureraient depuis vendredi. Il y aurait eu déjà deux morts et une quarantaine de blessés. Selon ceux de Gharyan, les autres, en face, ceux d’Assabia, seraient encore des partisans des Kadhafi. Et réciproquement ?
On ne sait plus quand avait fini, l’an passé assurément, le premier des ultimatums adressés aux milices pour qu’elles désarment. Toujours est-il que la police de Tripoli, qui comptait recruter, n’a recensé qu’une centaine de volontaires. C’est peut-être la paye, peut-être la moindre facilité à empocher les amendes, qui décourage. En fait, les recrues proviennent de petites milices de villages, qui ne peuvent plus rétribuer. À Tripoli, les brigades venant de Misrata ou Zintan restent groupées, et négocient des postes directement avec les « autorités » qui leur sont extérieures. La balle est toujours dans l’autre camp, mais l’aéroport reste contrôlé par la milice de Zintan.
On attend ce lundi à Tripoli le général égyptien Tantawi, qui veut négocier le retour en Libye de travailleurs égyptiens. Peut-être aussi voir si certaines de ses troupes pourraient apporter un discret concours.
Nouvelles divisions
Plus gênant : une douzaine de partis islamistes « modérés » (forcément modérés, mais les modérateurs décident de leur modération, à définitions variables) s’opposent au projet publié par le CNT le 2 janvier. Il favoriserait le vote sur les lignes tribales pour les élections législatives prévues en juin. Ce Forum des partis nationaux estime que les mieux financés l’emporteraient, notamment en se présentant en candidats indépendants pour réunir des fonds personnels (familiaux, au sens très élargi). Les Berbères sont aussi réticents. La question des femmes (seuls 20 sièges leur seraient réservés) agite aussi une partie de l’opinion.
D’un côté, certains souhaiteraient un éparpillement des ministères entre diverses villes, de l’autre, on se demande si cela ne favoriserait pas clientélisme et corruption.
Le seul parti semblant un peu cohérent, c’est celui des royalistes. Cela pourrait conduire à une partition, la Cyrénaïque d’un côté, la Tripolitaine de l’autre. Un parti plus internationaliste voudrait envisager une sorte de marché commun entre la Tunisie, la Libye et l’Égypte. Les Frères musulmans sont classifiés islamistes modérés, du fait de groupes plus radicalement intégristes qui se manifestent. Il y a aussi bien sûr les groupes libéraux, dans lesquels BHL a voulu voir le futur d’une Libye telle qu’il la pressentait. Et puis, il y a les jeunes. Qui se forment en associations. Tout cela est, reste, et restera sans doute assez confus.
Un signe ? Les Suisses veulent faire protéger leur ambassade par des forces spéciales. Précaution sans doute légèrement superflue pour le moment, mais l’idée est peut-être que, si cela tournait vinaigre, qu’il y ait une intervention de troupes occidentales au sol, mieux vaut avoir sur place des professionnels aguerris.
Lisa Karpova indique que des troupes américaines seraient renforcées à Malte mais la journaliste de la Pravda indique qu’elles sont destinées à intervenir, le cas échéant, en Libye. Mais pourquoi pas en prévision aussi d’une dégradation de la situation en Syrie.
Pilar Requena et une équipe de la télévision espagnole RTVE s’est rendue en ce début janvier en Libye. Joli reportage, pour l’émission En Portada. Mais qui n’apprend pas grand’ chose de plus. L’exploitation pétrolière repart, des chantiers de grands hôtels reprennent, mais la réconciliation semble tarder, les villes estimées pro-ancien régime étant laissées à elles-mêmes, et le futur paraît toujours incertain.
L’équipe espagnole a rencontré Jeque Abdul Baset Kwela, islamiste modéré, considéré « influent ». L’émission s’intitule « Libye, l’heure de vérité ». Au cours des heures, jours, semaines, mois, qui suivront, la vérité évoluera peut-être… comme le temps qui passe.