Nash, la rappeuse ivoirienne, mobilise ses artistes.

À 22 ans, Nash, figure de proue du mouvement Nouchy (argot urbain ivoirien) crée le collectif “Gbonhi Yoyoyo” et balance sur les ondes son rap-zouglou, zesté raga: l’album “Y A Koi Même” cartonne, de Treicheville à Yopougon, de Bouaké, Daloa à Ferkessedoukou, jusqu’aux “gloglos” de la diaspora niçoise.


Y A Koi Même” album dont l’extrait clip est visible sur TV5 et Trace TV, cristallise les attentes de la rue, des jeunes et… des femmes. Ondulations déhanchées dans tous les maquis, sur fond d’appel à la paix. La sous-région s’embrase. “À Abidjan, on se met bien, c’est la belle-vie-ooh…” Le premier titre donne le ton. L’humeur est dansante, l’humour et la gravité sont à fleur, omniprésents. Après avoir lancé le Zouglou, le Mapouka et le Coupé-Décalé aux confins de la world music, la capitale ivoirienne accouche d’un nouveau phénomène, le rap-zouglou! Attention banlieues, si jamais cette mouvance parvient aux oreilles des revendicateurs patentés en mal de brasiers automobiles, elle fera de l’ombre à la crise des cités.

Enjaillment, la réponse aux massacres.

“Au pays”, la souffrance est autre. Les mots sont trempés dans le sang inutilement versé. Ils tranchent avec les futiles clichés du rap occidental, véhiculés par des transfuges du ghetto, orphelins de leur âme pour avoir trop abusé dans leurs clips de carrosseries rutilantes et de meufs bien roulées. Nash, la petite Guérée, meurtrie par les massacres de Guitrozon et de Petit Duékoué où elle perd une partie de sa famille, se “venge” pacifiquement, transformant sa rage en “enjaillement”. Son appel au calme, si positivement repris pas ses potes d’horizons et de religions mélangés, en verlan, rap ethnique Baoulé ou nouchy, possède une profondeur que les rimes des rappeurs d’ici ont perdue.

Depuis décembre 1999, la Côte d’Ivoire est divisée par la guerre. Face à cette situation alarmante le “Gbonhi Yoyoyo”, notre formation de jeunes rappeurs ivoiriens, Rajah Anaconda, Priss’K, Ada Shlaind, le groupe DOREMI, l’humoriste Zongo (de Zongo & Tao) et moi-même a décidé de conscientiser l’Afrique, de crier son ras-le-bol”, explique Nash, porte-parole de fraternité et de paix. “Notre musique procure l’évasion et le soutien moral. Nous sommes fatigués, comme les Ivoiriens et beaucoup d’Africains, de toutes ces guerres fratricides qui ne mènent à rien. D’où “Y A Koi Même?”

Virus “Rap-Zouglou”, risque de contagion.

Le disque cartonne, grâce aux médias locaux, la RTI (Chaîne TV nationale) en tête. Une campagne de presse sans précédent, boostée par un soutien FM unanime, assigne l’Ivoirien à connivence. Trace TV et TV5 se sont déjà emparées du clip. Quant à Couleur 3, une radio nationale helvétique branchée, elle lui consacre trois “Republik Kalakuta”, une émission produite par Jean-Marc Baeler, marabout suisse des musiques dites du monde. La diaspora s’embrase, peut-être indice que les cités et l’industrie musicale parisienne suivront. Car, “Venez danser pour oublier la guerre” sont des mots universels. Ils frappent le béton comme la terre battue.

Joël Grammson -TàG Press+41

Images et sons sur le site officiel du Gbonhi Yoyoyo : http://www.lionsprod.com/yoyoyo/

Tournées prévues:

Nash et son Gbohni (famille en Nouchy) sont sur les starting blocs d’une tournée nationale et de participations hors frontières: en Guinée, le festival Hip-Hop (20’000 spectateurs) les attend en Avril. Au Sénégal, idem pour novembre 2006. Soutenus par Nouchy Arts, une maison de production ivoiro-lausannoise et par Lions Productions, jeune label genevois créé par Cédric Bouchard et par un producteur né à Daloa, surnommé le Bété blanc, ces artistes pourraient bien réitérer l’exploit des “Magic System”.

Nash, 22 ans, égérie du rap ivoirien.

“Qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce qui nous arrive pour qu’on s’entretue?” – “La Côte d’Ivoire est un pays de joie et de paix, ces choses-là ne lui ressemblent pas.” L’artiste résume ainsi l’interrogation ambiante “Y A Koi Même”. Les autres titres sont aussi évocateurs: “C’est Mélangé”, “Mangement d’Esprit”, “On Se Met Bien”, “Partout Pays”, “Bébé Gâté” et le titre-phare “Gbonhi Yoyoyo”.