Début juillet 2007, la FH (Fédération Horlogère suisse) vote à l’unanimité, en assemblée générale, une révision à la hausse du swiss made. Unanimité ? 60 délégués votants, pour 500 membres environ, 52 pour. Disposant d’une majorité de voix, les groupes Swatch, Richemont et Rolex, ont fait bloc. Les opposants, principalement des marques du bas et du moyen de gamme, se sont tus : par privation de voix (propre au système de vote), et, murmure-t-on dans leurs rangs mutiques, par « peur des représailles ! »  …/…

 


Car le Swatch Group, finalement rallié à cette révision, dispose d’une position de monopole sur la vente des mouvements suisses (ETA.) Qui oserait s’opposer au Sauveur Hayek ? En fait, cette décision de revoir l’ordonnance fédérale du swiss made est un signal qui n’a de fort que son amplification médiatique. Un ramdam peu productif : primo, les Helvètes découvrent que leur label chéri est finalement assez permissif côté délocalisations ou achats de fournitures étrangères. Secundo, le bulldozer Christoph Blocher (Conseil Fédéral issu de la frange la plus à droite, l'UDC, L'Union Démocratique du Centre), se voit conforté dans sa détermination à durcir l’utilisation de tout symbole helvétique. N’a-t-il pas déjà recruté, dans une commission consultative, Jean-Daniel Pasche, Président de ladite Fédération Horlogère suisse et juriste de formation ? Finalement, le vrai gagnant de cette révision, c’est le Swatch Group qui aura moins de difficulté que les autres à se mettre aux normes. Hasard de calendrier, Nick Hayek déclarait à l’AGEFI en janvier 2007 : « Le triomphe du luxe ne doit pas faire oublier les leçons du passé. L’entrée de gamme reste la base. » Obliger ainsi la concurrence à se réorganiser face à un swiss made renforcé, c’est laisser le champ libre à l’expansion planifiée des Tissot, Mido, Certina, Rado voire Longines. Qu’avaient alors les marques de la haute horlogerie à s’en mêler, puisque leurs critères de suissitude vont bien au-delà ? Certes, elles sont aussi tributaires des mouvements ETA… et n’avaient donc rien à perdre. Rien n’est joué. Muselés, les opposants reprendront la main, courroux de Bruxelles aidant. L’UE juge déjà cette « lex luxus » euro-incompatible. En outre, le facteur temps dira son mot : il faut une presque décennie, pour qu’un Conseil Fédéral révise une ordonnance. Assez de temps pour tergiverser, sur fond de libre échange, entre ‘doux-yeuseries’ bruxelloises et nationalisme électoral. En fonction de l’enjeu d’alors, face aux intérêts fédéraux, quel poids aura dans le cadre d’un ‘marchandage’, une corporation somme toute principalement romande (minorité francophone) ? Bref, le swiss made renforcé sera-t-il un jour en vigueur ? Rien n’est moins sûr… D’ici là, il appartient aux marques suisses de prendre leurs responsabilités. Et tant mieux si c’est Hayek du Swatch Group qui doit montrer l’exemple.

Joël A. Grandjean / TàG Press +41 / Journal de Genève – Gazette de Lausanne http://www.journaldegeneve.ch/