21 novembre 2011 : la majorité sénatoriale débat d’une taxe sur les transactions financières, d’un minable 0,05 %, que propose Nicole Bricq (PS). C’est Pierre Lellouche, ministre UMP, qui fait savoir que la France ne peut décider seule et que la Bourse de Paris verrait filer les ordres vers la City. 6 janvier 2012 : Nicolas Sarkozy, sauveur du monde, prône la taxe Tobin (dite aussi « Robin des bois »). Et depuis, on parle de taux de 0,1 % sur les actions, et de 0,01 % sur les autres transactions, beaucoup plus importantes (matières premières, denrées alimentaires, devises, &c.). Cherchez donc l’erreur…

Un peu d’effort de mémoire. La taxe dite sur les transactions financières serait donc adoptée en Europe par la seule France (après la Suède, qui a fini par y renoncer), ce avant la mi-février.
Sauf que François Baroin, ministre des Finances, la voit plutôt instaurée après les élections présidentielles.
Tiens donc.
Les précédentes déclarations de Sarkozy remonte à des forums de Davos (le prochain s’annonce), à des réunions du G20, mais, en juin 1999, il qualifiait cette taxe d’ « absurdité ».
Car elle entraînerait un chômage massif : « à chaque fois que nous pénalisions la création de richesse (…) nous la favorisons chez les autres. ». Air connu : limiter les bonus des banquiers, c’est entraîner la fuite des cerveaux, taxer les entreprises, c’est favoriser les délocalisations, alourdir la fiscalité de ceux qui peuvent prendre la fuite, c’est encourager les paradis fiscaux.

Une décennie plus tard, le candidat des ploutocrates est devenu le président protecteur des miséreux, des crève-la-faim, des SDF… le futur candidat des artisans-commerçants, des TPE et PME, des salariés les plus modestes. Le Léon Blum du nouveau siècle. Bizarrement, qui continue de le soutenir très fort ? Les perdants, soit les financiers, les très grandes entreprises… Que des masos, il faut croire.

Strauss-Kahn était contre

On aura échappé à Dominique Strauss-Kahn, qui aurait pu être le candidat de Hollande et Aubry, après d’éventuelles primaires menant DSK en tête. Sous Jospin, DSK ne voulait pas de la taxe Tobin, remémore Mediapart. Mais elle reviendra dans le programme du PS. Joly aussi est pour, Mélenchon de même.
Le petit Sarkozy place ses talonnettes dans les bottes de Bakounine, de Makhno, et bientôt, il sera conseilliste ouvrier, autogestionnaire, titiste. Après avoir préconisé le recours aux hypothèques sur l’immobilier pour que les riches accédants à la propriété puissent s’agrandir et revendre aux plus pauvres leurs biens devenus riquiquis, ou pas assez conformes à leur standing. Mais alors qu’il s’opposait à la TVA sociale, impôt s’il en est lourd pour les pauvres et léger pour les riches, tiens, le voilà qui veut alléger ainsi les charges des grandes entreprises. Parisot est ravie. Borloo et d’autres étaient pour : Sarkozy avait jugé l’annonce inopportune. Borloo sera débarqué de Bercy.

En réalité, sur cette taxe, Sarkozy fera sans doute ce que Merkel, Monti, Goldmann Sachs, Cameron, le laisseront faire : brandir ses petites mains au-dessus de ses oreilles, le temps de se faire réélire. Car il remonterait dans les sondages. Plus c’est gros, mieux cela passe.

Parisot, du Medef, est pour la TVA sociale, pas pour la taxe Tobin. Mais pourquoi donc ? Qu’est-ce que cela lui coûterait de dire que c’est une bonne idée, pour vers 2013, la Trinité ou la Saint-Glingin, on ne sait.  « Ce serait un mauvais coup pour le financement de l’économie, » dit-elle. Mais non, mais non, c’est un très bon coup électoral, sans frais. Surtout à ce taux sur l’essentiel, sur ce qui fait monter les coûts à la pompe et dans les supermarchés, finalement très, très bas. Les hausses de TVA n’en profiteraient que très peu.

Paris Europlace s’indigne. Mais quoi ? Les loyers de Londres sont accessibles aux financiers pourris français, aux banquiers qui ont étranglé Eurotunnel. Julien Dray, l’amateur « socialiste » de garde-temps onéreux, n’en croit rien : cela relève de la « gesticulation » sarkozyenne. Pour Paris Europlace, les clients en pâtiront. Lesquels ? Vous et moi ? Les petits actionnaires de Natixis ?

Cameron veut bien de la taxe, mais au niveau mondial. Il veut prendre le pouls des banques de l’île de Man, de Jersey et Guernesey, des îles Vierges britanniques ? L’Amafi (association des marchés financiers) dénonce « une politique de l’apparence ». Certes, car l’essentiel reste que les plus riches restent exonérés d’impositions trop lourdes. Pierre de Lauzun, de l’Amafi, le dit tout net : « il ne faut pas oublier que les marchés ont une fonction essentielle de financement de l’économie, des entreprises et de l’Etat. La France a levé jeudi dernier 8 milliards d’euros auprès d’investisseurs internationaux. Souhaite-t-on vraiment que professionnels de marché qui ont permis cette opération soient tous basés à Londres et à New York ? Là où la finance est le moins régulée ? ». Eh bien non. On voudrait au contraire que les Françaises et les Français retrouvent le chemin des trésoreries générales et de la Caisse des dépôts et consignations. Mais, là, l’Amafi serait très, très mécontente.