Jamais de mémoire d’homme vivre dans l’anonymat n’a autant porté de fruit, surtout dans un continent où le culte de la personnalité est une tradition. Ils sont des milliers d’individus, toutes tendances confondu à espérer dans le soupire chaque jour que quelque chose change chez eux, que quelqu’un comme par miracle se penche sur leur cause perdue au moins une fois. Puis au bout du désespoir, ils se rendent compte que rien ne changera pour eux et pour leurs descendants s’ils assistent comme de simples spectateurs à la vie de leur nation. Révoltés par les incessantes démagogies qu’on leur sert en lieu et place des monts et merveilles promis, galvanisée par leur effectif pléthorique et aidé par les nouvelles technologies, ils se sont enfin levés pour dire non. En Tunisie, en Egypte, en Syrie, au Yémen et un peu partout, ils ont bravé la peur et les innombrables interdits de l’islam pour affronter chars et canons de l’oppression. Ils ont fait comme des hirondelles leurs printemps à la saveur de liberté. Cette liberté si chère dont l’acquisition coûte forcement la vie. Dans le sang, ils ont lavé leurs humiliations séculaires et sont venu à bout de leurs bourreaux. Certains se sont même offerts le luxe de juger ceux qui détenaient sans partage, il y a si peu les rouages de la justice. Ils ont contraint à l’amer regret ceux qui hier les contraignaient à l’insupportable souffrance de la faim et de la misère. Ils ont imposé leur volonté à ceux qui leur imposaient des désirs sadiques. D’autres sont encore à l’œuvre et chaque jour au mépris des missiles auxquels ils sont devenus insensibles, ils gagnent du terrain dans leur conquête sans précèdent de l’indépendance. Enjambant leurs morts et ramassant leurs blessés, ils avancent au son mélodieux de l’hymne à la vie, l’ode à la nouvelle espérance.
C’est donc à juste titre qu’ils méritent d’être élus homme de l’année 2011. Eux, c’est l’ensemble des citoyens lambda du monde arabe. Braves parmi les braves qui au 21e siècle font l’amère expérience de l’impérialisme de leurs propres dirigeants. Leur courage à tout épreuve les a rendu célèbre au tréfonds de l’anonymat. Leur mobilisation sans précèdent pour d’autres expériences impose l’admiration et suscite des soutiens. En leur décernant ce prix dans un contexte de bouleversement général de l’humanité, on rend hommage à la liberté qui demeure une essence incontournable pour l’épanouissement de l’Homme. En pensant à eux en Syrie, au Yémen, on pense au combat de l’Homme originel pour passer de l’état de nature à la vie en société. On pense à toutes ses conquêtes qui guident ses actions à travers l’histoire d’un mieux être. Et en leur décernant ce prix, on leur propulse sans doute la goutte d’énergie supplémentaire qu’il leur faut pour arriver à bout de leur carcan.
A coté d’eux, ayons une pensée particulière pour ceux qui sont dans la corne de l’Afrique et qui mênent un tout autre combat. Celui de la vie contre la faim et la soif. Les élire aussi homme de l’année ne serait pas une ironie, car il faut être un homme et un vrai pour lutter contre de tels fléaux.