Nous avons déjà, sans en révéler les détails, exposé les découvertes des envoyés spéciaux de Mediaparten Colombie, dont les fameux bars Nichon et Nibar, propriétés du très sarkozyen Thierry Gaubert et de son associé, Jean-Philippe Couzi. Le site colombien de La Semana en rajoute, titrant depuis sur « le cauchemar colombien de Sarkozy ». Mais question mamelles, il y a peut-être pis, et plus largement répartis.

Les abonnés de Mediapart savent où trouver les articles de Karl Laske et Fabrice Arfi revenus de Colombie où ils s’étaient lancés sur les traces des amis de Ziad Takieddine, intermédiaire en contrats d’armements, et de Nicolas Sarkozy.

Nos lecteurs pourront se reporter à notre « condensé » de cette enquête en trois volets (soit nos articles : « Nichon et Nibar, les deux mamelles de la Sarkozye » et « Les Sarkozyens, la belle vie en Colombie »).

Mais qui lit l’espagnol du Nouveau Monde gagne aussi à consulter « La pesadilla colombiana de Sarkozy », que publie Semana (.com). Et à suivre la presse sud-américaine, on en apprend de belles, sur la Sarkozye…

Depuis le 10 octobre dernier, Semana s’intéresse de près aux divers résidents français de Nilo et à leurs illustres visiteurs. Il y a effectivement tout pour intéresser les scénaristes d’une telenovela, soit du beau linge, du sexe, et même, peut-être, du sang, mais surtout beaucoup d’argent, des trains de vie somptueux.

Semana, qui a enquêté de son côté, reprend très largement les trois volets de l’enquête de Mediapart. N’y revenons plus trop, mais voyons le côté colombien des choses.

Jean-Philippe Couzi, ex-époux d’Astrid Betancourt, sœur d’Ingrid, ex-otage des Farc (l’une des deux guérillas colombiennes), aurait peut-être activé, via son ami et associé Thierry Gaubert, très proche de Sarkozy dans les Hauts-de-Seine et les ministères, un certain Ziad Takieddine. Charge à lui d’obtenir le truchement du clan Kadhafi pour favoriser la libération d’Ingrid Betancourt. Les contacts de Takieddine s’étaient fait fort d’élargir Ingrid Betancourt sous « 45 jours ». Il fallut bien plus longtemps, mais cette mâle assurance éclaire un peu mieux le rôle de Takieddine dans les sphères sarkozyennes. Pour Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, on sait à peu près à quoi s’en tenir : ils sont mis, en France, en examen.

Accusations frauduleuses ?

Pour Jean-Philippe Couzi, c’est plus nébuleux. Mais selon Semana, la justice colombienne s’intéresse à ses activités, moins sans doute pour des rumeurs de « libertinage avec des mineures » ou de prostitution, que pour des faits de corruption. En fait, c’est d’abord Couzi qui a été en rapport avec la justice colombienne, en raison d’accusations fausses ou diffamation, ce en rapport avec « une femme en prison en connexion avec une affaire de corruption ayant entraîné un homicide. ». Diable, un meurtre, un assassinat ? Semana emploie « homicide », fort sobrement. On n’en saura pas plus.

Si le fisc français s’intéresse aux fonds de Gaubert, il se trouve qu’ils pourraient être en partie communs avec ceux de Couzi. Lesquels intéressent la Fiscalia, la justice colombienne.

Couzi soutient qu’il avait acquis, près de Nilo, la splendidefinca Palmera quand le terrain et le coût de construction étaient très bon marché. Ses économies, sa pension de cadre supérieur, et un héritage seraient les seules sources de cet investissement qui nécessite plus de 30 000 euros annuels, rien que pour son entretien (nombreuse domesticité, chevaux, eau et gaz à tout étage, &c.). Un coût voisin de celui que nécessite, y compris en ses fréquentes absences, lafinca Cactus, de Gaubert.

C’est parce que son fils commun avec Astrid Betancourt est colombien et en raison du coût de la vie bien moins élevé en Colombie que Couzi y à demeure à Nilo, qu’il a aussi acheté un immeuble dans une ville balnéaire, et créé diverses affaires de négoce ou le fameux bar.

Pour lui, son accusatrice, qu’il n’a vu que « quatre fois », est une maitresse-chanteuse, doublée d’une affabulatrice. Quand aux accusations, semble-t-il fondées, de fréquentation de jeunes et très jeunes filles, il s’en défend : « Écoutez, dit le sémillant retraité, je suis séparé de ma femme, j’adore les femmes, mais non les mineures… ». Il faut croire que les jeunes Colombiennes font vraiment très jeunes, ce qui n’est pas impossible, dans le cas au moins des quatre jeunes filles qui résidaient à l’occasion, se promenant nues, dans l’une ou l’autre des fincas des deux amis. C’est donc par méprise qu’Astrid Betancourt les a confondues avec « quatre très jeunes prostituées ». Des libertines, tout au plus, assurément, comme dirait Dominique Strauss-Kahn.

En fait, évoquer « des prostituées dénudées au bord de la piscine, c’est un bon argument lors d’une procédure de divorce », ajoute-t-il à propos de son ex-épouse. Argument évidemment plausible et Astrid ex-Couzi n’a pas voulu commenter pour Semana.

Nilo, le Mourmelon colombien

Je n’ai pas connu, comme Gérard de Villiers, les bars Nichon et Nibar lorsqu’ils étaient encore en activité. Je veux bien croire qu’on n’y rencontrait que des jeunes filles des bonnes familles locales et des épouses ou fiancées d’officiers et de gradés des garnisons voisines. Car Nilo, c’est un peu Suippes et Mourmelon, les camps d’entrainement, et Saint-Maixent-l’École (militaire), transposés en Colombie. La localité est entourée de bases aériennes militaires et d’un centre de formation interarmes. Ni le Nibar, ni le Nichon n’avait en tout cas l’aspect d’un club privé pour milliardaires ou d’un lounge de yacht-club ou de golfe.

Les activités s’y apparentaient-elles au repos du guerrier ? Car la Colombie reste en guerre (autre titre du jour : « dix policiers et quatre civils blessés lors de deux attaques des Farc »). Certes, les Colombiens ne se doutaient sans doute pas que Nibar et Nichon se traduisent par « pezón » (robert). Nilo, Cundinamarca, sont qualifiés aussi de « pueblos de recreo » (de loisir). Mais il y a un peu des deux : un côté Salon-de-Provence, un autre, zones militaires, et bars à soldats.

El Palmar, où voisinent les propriétés Cactus (Gaubert), dite aussi El Monasterio, et La Palmera (Couzi), c’est le côté Saint-Nom-la-Bretèche. Nilo, c’est plutôt la ville de relâche des garnisons. El Palmar, pour Semana, c’est le grand luxe. Avec des « villas » splendides, réparties sur plus de 40 ha. Cactus, c’est aussi deux résidences séparées pour la domesticité, soit six personnes à temps plein, et des extras, mais aussi « des vaches et près de 15 chevaux, marqués au flanc d’une petite couronne (…) pour jouer au polo… ». On s’y rend en cortèges de limousines. Pas d’escorte, autre que celle d’un véhicule de l’ambassade de France, histoire, sans doute, de passer rapidement les contrôles, prévenus à l’avance.

On y est aussi accueilli par des « statues de monarques européens ». Aux murs, des portraits de personnalités (de proceres, dignitaires, éminences) françaises et colombiennes.

Gaubert y résidait deux fois l’an, en décembre, et lors de la Semaine sainte (peu avant Pâques). On y donnait des fêtes, avec des orchestres venus de la plus grande ville voisine, Girardot, en l’honneur du président colombien et de son épouse, ou d’autres invités prestigieux.

Cactus, depuis environ deux ans, est déserte, ou prêtée à des amis de Gaubert ou d’Hélène de Yougoslavie, son ex-épouse.

Thierry Gaubert aurait déclaré à la police française « à ce jour, ma maison m’a coûté 600 000 dollars ». Ce qui a bien fait rire le lectorat de Semana. À d’autres !

Il suffirait aux magistrats français de consulter des agents immobiliers colombiens spécialisés dans ce genre de propriétés pour se faire une plus juste idée des sommes investies en Colombie. Ils peuvent aussi se demander où ont été placées les recettes des bars, et en quelles devises…

Faute de pouvoir accéder aux albums de famille de Mediapart, vous pouvez consulter le site de mediabenews. Édifiants, les édifices, et surtout, au moins pour Gaubert, les sources de financements de Cactus et de son annexe, le fameux bar.

Les Betancur

Par ailleurs, on reparle des Betancur (Betancourt) en Colombie. Le cartel de Cali (trafic de drogue) aurait indiqué que certains de ses dirigeants auraient versé de très fortes sommes à Ingrid Betancourt (née Betancur) et à un autre parlementaire colombien, Carlos Alonso Lucio, qui fut longtemps, à la ville, son intime compagnon.

Ce dernier est devenu depuis l’époux de l’avocate générale de Colombie, Viviane Morales, qui connait aussi bien, ou presque, la France que les Betancourt.

C’est un membre repenti du cartel, Jorge Salcedo, qui a lâché le morceau.

L’info est parue le 26 novembre dernier dans le quotidien colombien El Tiempo (article traduit par  Jacques Thomet). Ingrid et Lucio étaient, semble-t-il, des lobbyistes du cartel de Cali, notamment auprès de la presse. Si Ingrid et sa sœur sont restées en très bon termes, Cuzi peut-il compter sur la justice colombienne pour lui chercher autant que poux que possible dans la tête ? Ou en sait-il assez sur les Betancourt pour éviter des révélations ?

Au fait, Ingrid Betancourt, officiellement divorcée de Juan Carlos Lecompte depuis peu, ce qui lui permettra de récupérer des avoirs gelés en France, bénéficie-t-elle toujours d’une protection de la France ?

Pour le dramaturge Dominique Ziegler, auteur de la pièce Patria Grande, ou sainte Ungrud des abattoirs (allusion claire à Ingrid Betancourt, et dans la pièce, à laquelle a collaboré Coline Serreau, on trouve un certain Nicolas Salpoury, qui se reconnaîtra ou pas), l’affaire Betancourt avait été instrumentalisée par un pouvoir politico-mafieux avec la complicité de pays occidentaux amis.

Les connexions sarkozyennes en Colombie remonteront-elles toutes à la surface ?

Il en est d’autres. Rappelez-vous, c’était en mars 2009, et RTL lançait son 8 heures avec cette phrase : « un milliardaire mexicain a-t-il payé le séjour du couple Sarkozy ? ». Il s’agissait de Roberto Hernandez Ramirez, banquier (Banamex, Citigroup), et décrit par Por Esto en tant que plus gros propriétaire du « triangle de la cocaïne ».

Selon Por Esto, la cocaïne acheminée par des vedettes rapides colombiennes était chargée dans des avions décollant de l’aéroport privé du señor Ramirez, amphitryon des Sarkozy.

Parlant de mamelles de la Sarkozye, il y a peut-être pis… ailleurs aussi…