Ancien grand reporter, mais aussi ancien conseiller municipal UMP, Roger Auque faisait son jogging en compagnie de son ami, Nicolas Sarkozy. Et hop, en octobre 2009, le voilà nommé plénipotentiaire, rien de moins qu’ambassadeur en Érythrée. Il a fait ses valises, laissant derrière lui une situation de surendetté, aggravée sciemment, selon Bakchich.info.

Tiens-tiens : Monsieur l’ambassadeur de France à Asmara, Érythrée, Roger Auque, menaçait, avant même la parution de l’article de Bakchich.info, d’une « procédure » et de porter plainte « dans les jours suivant cette publication. ». Voilà qui s’appelle prendre les devants. Éric Besson avait au moins eu l’obligeance de lire Bakchich.info avant de le menacer d’une poursuite en diffamation à la suite des révélations, en septembre 2010, sur son escapade conjugale à Capri.
Sous le titre « les ardoises de l’ambassadeur sarkozyste », Bakchich rapporte d’une part les démêlés subis par l’ex-époux de la nouvelle madame Auque, un ancien reporter de Canal Plus. Décidément, chez Sarkozy et consorts, on pique les femmes des copains (ainsi de Cécilia, mariée par Sarkozy avec feu Jacques Martin).

L’affaire ferait sourire si elle n’avait pas mobilisé des magistrats et la gendarmerie pour, semble-t-il, faire plaisir à Monsieur l’ambassadeur, en intimidant l’ex-conjoint de Madame l’ambassadrice. Avec production de fadettes, tiens-tiens encore.

Cette histoire serait dérisoire, car du domaine privé, mais le moins qu’on puisse dire c’est que Roger Auque, qui se répand sur les ondes à propos de son retour à la foi, ne pratique la charité chrétienne que lorsqu’elle commence par lui-même. Que Sarkozy ait nommé ambassadeurs Jean-Christophe Rufin et Daniel Rondeau, écrivains, peut se concevoir (Rondeau, écrivain et voyageur, plutôt gauche-caviar mais ancien « établi » en usine, ne doit pas sa nomination qu’à Johnny Halliday, dont il est proche). Pour Roger Auque, qui avait été épinglé par le Canard enchaîné pour avoir pompé le reportage d’un confrère, hormis une aptitude au baroud, on ne voit pas trop bien. À moins bien sûr qu’il agisse en Érythrée autant en « honorable correspondant » qu’en représentant de la France.

 

Ce n’est pas son assiduité au conseil municipal du ixe ar. de Paris qui lui a valu ce poste. La rare fois où il était intervenu sur les rythmes scolaires, le maire lui répliquait, alors qu’il voulait reprendre la parole : « Ce n’est pas parce que M. Auque vient rarement qu’il ne doit pas respecter les usages républicains.  ». Ce « rarement » valait litote. Au Quai d’Orsay, sa nomination avait suscité ce commentaire navré : « voilà qui donne l’exacte mesure de l’ambition et du niveau d’exigence de notre politique étrangère… » (rapporté par L’Express). Chevalier de la Légion d’honneur, Son Excellence s’était faite remarquer en se faisant prendre en otage au Liban. Mais aussi pour avoir accusé, dans son livre, De Beyrouth à Bagdad, deux confrères de Canal Plus (décidémment), d’avoir provoqués de nombreuses interférences dans l’affaire de la prise d’otages dont avaient été victimes Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Les journalistes l’avaient attaqué en diffamation, ce qui ne se fait guère si le confrère est unanimement respecté. Il faut condamné en novembre 2007. Son Excellence avait aussi tenté de se faire offrir une place en position éligible pour aller siéger à Strasbourg, sans doute après avoir eu un autre enfant de sa seconde épouse…

À la lecture des Inrocks, reprenant les infos de Bakchich, on se demande si la nomination à l’étranger ne devait rien à la situation pécuniaire de Roger Auque en France : « Début 2011, un mystérieux corbeau envoie des lettres à l’Élysée et à quelques journaux. Dans les enveloppes, un document judiciaire prouve que Roger Auque devait – entre autres dettes – 65 000 euros aux impôts en 2009. ». D’où le soupçon visant l’ex-confrère et ex-époux de sa seconde femme.

Un magistrat avait refusé, en date du 8 avril 2009, la demande d’effacement d’une partie des dettes de Sa future Excellence, ainsi que le rééchelonnement du solde. Ce magistrat notait aussi que le surendetté avait contacté de nouvelles dettes en connaissance de cause et sans pouvoir les rembourser. Il n’y a pas que le fisc : selon Bakchich, deux particuliers attendent le remboursement de respectivement environ 10 000 et 7 000 euros, tandis que la Cnam réclame « près de 23 500 euros ». Damned, pour des prestations sociales perçues indûment ? Ce serait le comble en cette période de chasse effrénée aux fraudeurs aux prestations familiales et autres proclamée par l’ami de Son Excellence, le Président Nicolas Sarkozy.

Il conviendrait peut-être de nommer Son Excellence au Gabon, auprès d’Ali Bongo, qu’un proche s’en étant éloigné assure, dans un livre (Le Scandale des biens mal acquis, à La Découverte), avoir été élu avec l’appui de la France histoire de taire les affaires de mallettes remises pour Sarkozy par son père. Mike Jocktane, aujourd’hui dans l’opposition gabonaise, affirme sans preuve, dans Libération, que « Nicolas Sarkozy a bénéficié de remises en espèces pour financer sa campagne de 2007 ». Selon Jocktane, le système se poursuit.
Combien d’heures de vol d’Amara à Libreville, déjà ? Ah, ce n’est pas la porte d’à côté. Ce qui est sûr, c’est que l’Érythrée est trop pauvre pour être sollicitée, et on peut donc écarter toute mission de ce genre pour Son Excellence sur place. Le pays exporte de la gomme arabique mais il dispose de pétrole et de gaz. Cependant, la désertification guette.

Bakchich n’a pas réussi à savoir si des prélèvements étaient effectués sur les émoluments de Son Excellence pour rembourser au moins la Sécurité sociale. Davantage Rambo que Rimbauld, pour le moment, Son Excellence Monsieur Roger Auque n’a dégainé que la menace d’envoyer du papier bleu. Peut-être serait-il possible de l’approcher lors de sa promotion dans l’ordre de la Légion d’honneur ? Au fait, faut-il déjà prévoir une souscription pour l’achat de sa décoration ou se contentera-t-il de changer de ruban ?

Il paraîtrait que Montebourg (selon Auque ou Le Monde) lui aurait dit « viens au PS ». Ouf, il a préféré l’UMP, parce que, disait-il « je suis une sorte de bobo, anarchiste de droite. ».

Dans le genre bobo, au moins il parle correctement l’anglais. C’est d’ailleurs en anglais qu’il s’est adressé à tous ce dernier 14 juillet. « France is ready to help Eritrea to realise its dreams : recover Badmé, make peace with Ethiopia and its neighbors… ». Bon, Badmé avait été attribuée à l’Érythrée par les Nations-Unies. Mais ouf, il n’a pas été nommé en Géorgie. Imaginez « la France est prête à aider la Géorgie à récupérer l’Ossétie et l’Abkhazie… à faire la paix avec la Russie ». Mais comme la France s’est aussi engagée dans un programme de coopération militaire avec l’Éthiopie (stages d’officiers, formation aux transmissions), ce n’était pas forcément très crédible d’évoquer Badmé.
Au fait, Son Excellence a-t-elle relayé aux autorités locales ce vœu du Parlement européen ?
« Mardi 13 septembre 2011, le Parlement européen a voté une résolution (B7-0507/2011) enjoignant l’Erythrée de libérer le journaliste suédois d’origine érythréenne Dawit Isaak, emprisonné depuis dix ans dans le pays pour le seul crime d’avoir écrit sur un groupe de membres du gouvernement demandant des réformes démocratiques. ». Mais peut-être a-t-on mis aussi Dawit Isaak en prison pour dettes ?