Pas idiot de la part du gouvernement : annoncer une augmentation du Smic de 2,1 % le même jour où l’Insee annonce une progression de l’inflation de 2,3 % sur un an. Voilà ce que c’est, gouverner, c’est anticiper… Pour mettre les pendules à l’heure, conseillons à Sarkozy et Fillon quelques modèles de garde-temps propres à calculer… le bon moment pour annoncer la revalorisation du salaire minimum…

Apparentement terrible, comme on dit au Canard enchaîné. La Tribune (.fr) diffuse un dossier spécial « montres » (à ces prix, on emploie « garde-temps ») tout en publiant les chiffres de l’inflation et de la progression du Smic.
Tout vient à temps…
C’est sans doute en prévoyant que l’inflation va fortement décroitre en novembre que, sans même attendre la diffusion des chiffres d’inflation par l’Insee (+0,2 point en octobre, +2,3 sur un an), la Direction générale du Travail (DGT) a divulgué la revalorisation du Smic au 1er décembre : 0,2 point de moins que l’inflation sur un an.

Le Smic, c’est un salarié sur dix, pense-t-on. C’est oublier les stagiaires à répétition, tous ceux qui gagnent en fait moins, mais c’est officiellement environ le dixième des salariés travaillant soit 35 heures, soit davantage (en ne déclarant pas les heures supplémentaires, non rétribuées). Hors donc, une fois de plus, depuis 2007, le gouvernement s’est refusé à donner un petit coup de pouce au Smic, l’alignant sur « son » inflation. Déjà, pour les catégories populaires, l’indice de l’Insee ne reflète absolument pas l’inflation réelle, celle ressentie en faisant ses courses. Mais, là, le Smic brut progresse de 28,82 euros. Pendant ce temps, le caddie® à 100 euros est passé, sur un an, il faut croire que ce n’est pas davantage, à 102,30 euros.

Sans y placer du tabac, évidemment.

La DGT a certainement anticipé, l’Insee publiant des chiffres portant sur fin octobre tandis qu’elle indique, elle, « Au 10 novembre, l’indice mensuel des prix à la consommation hors tabac a augmenté de 2,1% par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur (soit novembre 2010) ». Pendant dix jours, des fonctionnaires de la DGT ont sans doute dû voir que l’inflation avait baissé en allant faire des tours dans les magasins. Ben, alors, pourquoi ne pas appliquer la revalorisation dès ce jour, et non au 1er décembre ? Ah, oui, j’oubliais, ce serait un casse-tête pour établir les payes…

Calculer la bonne date

Il parait qu’en septembre, comme tout le monde a pu le ressentir, l’indice Insee des prix à la conso avait reculé de 0,1 point. Mais le bougre, en octobre, en a repris 0,2. Donc 2,3 sur un an. C’est déjà moins pire que si on prend l’indice des prix harmonisé, dit IPCH, qui, lui, établit la hausse à 2,5. Il faudrait donc penser à harmoniser. Que Sarkozy et Fillon aient des garde-temps fiables…

Nous leur suggérons donc, grâce à La Tribune de ce même jour,  la Piguet Royal Oak Offshore (comme les placements du même nom, offshore) à seulement 38 310 euros. C’est un choix raisonnable. La Patek Philippe (la marque favorite de Carla pour que Sarkozy oublie les Rollex trop bling-bling) est à 133 810 euros pour le modèle 5270. La Tambour répétition de Louis Vuitton est donc à 250 000 euros (avantage : une bonne réserve de marche). La mieux, non point vraiment disante (elles sont toutes fiables) bon marché du lot, la très dépouillée Golden Bridge de Corum (à ce prix, pas de date, de trotteuse, de phases de lune, juste deux « mains », heures, minutes) n’est qu’à 35 600 euros seulement. Vous pouvez la régler, sans frais, en douze mensualités de 2 967 euros, un peu moins que deux Smic, quoi ! Finalement, une très bonne affaire.

Mais surtout, Messieurs Sarkozy et Fillon, même si ce n’est pas tout à fait du bas de gamme, à 2 710 euros près (moins de deux Smic), ne lésinez pas : la Piguet Offshore ne vous donne certes pas l’heure des marées pour embarquer pour Jersey ou Guernesay, mais le compte est bon. Le bracelet est en fibre d’aramide, matière qui entre dans la composition des gilets pare-balles. Une balle perdue, s’égarant vers la tribune d’honneur, lors des BNP Paribas Masters de tennis (jusqu’au 13 novembre), hop, un coup de poignet et vous épargnez peut-être la vie de Michel Pebereau, de BNP Paribas, celui qui vous aide tant à juguler l’inflation, la crise de l’euro, &c.

Avec un tel garde-temps, nul doute que vous pourrez anticiper l’inflation au-delà de mai 2012. Lorsqu’il faudra peut-être envisager de consulter une horloge atomique, histoire d’ajuster et synchroniser vos deux précieux modèles.

Ah, j’oubliais un détail que La Tribune à omis. Le nom complet de ce modèle, c’est le Royal Oak Offshore Arnold Schwarzenegger. Si, vous savez, la Californie. Le gouverneur d’avant Jerry Brown. Frédéric Mitterrand l’a fait chevalier de la Légion d’honneur. La Californie, huitième économie mondiale, ex-æquo avec l’Italie. Mais depuis la précédente crise, une maison familiale n’y vaut même plus un garde-temps.