L'Afrique était mal partie disait-on dans les années 70 ; on reste sur cette voie… hélas !

Oui, on peut dresser un acte d’accusation dans lequel, nous les Occidentaux, sommes coupables d’avoir pratiqué une véritable razzia sur l’Afrique Noire : du 15éme au 19ème siècle la traite et l’esclavage, et depuis 1900 le pillage des ressources naturelles – qui continue puisque ces ressources ne sont pas acquises à un juste prix – celui qui permettrait aux pays africains d’investir et de se développer -, mais à des cours dits de marché mondial ( ! ) que nous imposons pour réaliser des « sur profits » au détriment de ces populations qui n’en peuvent plus…

Oui, on peut dire que depuis des siècles l’Occident ne tend pas la main à l’Afrique pour l’aider, mais pour lui mettre son poing dans la gueule ! Mais ayant fait cela, qu’avons-nous apporté à l’Afrique ? Si l’Afrique s’est éloignée de nous depuis l’indépendance de quelques années lumières de plus, ce n’est d’ailleurs pas uniquement de notre fait, et les raisons n’en sont pas toutes dans ce passé colonial, loin de là ! Il faut dresser, devant la dérive de tous les Etats du continent (y a-t-il des exceptions ?) le constat d’échec des actions entreprises depuis la décolonisation, tant sur le plan des aides monétaires que des transferts de technologies ou encore des multiples aides bilatérales, puis de poser ensuite la terrible question restée justement sans réponse depuis un demi-siècle : que devons-nous faire, en sachant que nous ne trouverons pas dans les expériences faites ailleurs – par exemple le plan Marshall en Europe, le développement de la Chine (toujours communiste après Mao), l’auto suffisance alimentaire atteinte dans les années 90 par l’Inde etc. – de modèle pour l’Afrique.

Car, nous Occidentaux, ne sommes par seuls coupables et responsables de cette dérive du continent africain, dérive unique, sans autre exemple au 20ème siècle, puisque les autres régions du globe qui ont eu a subir aussi les razzias occidentales – mais peut-être moins durement surtout en ce qui concerne l’esclavage – ont relevé, peu ou prou, la tête pour constituer des ensembles dits émergents. Ceci veut dire que les Africains ne sont pas étrangers aujourd’hui à leur situation, au sort des plus malheureux et miséreux d’entre eux. Et c’est notre devoir que de le leur dire pour espérer créer un jour ce cercle vertueux qui fera que nos programmes d’assistance au développement trouveront un terrain préparé pour prendre racines. Mais que faire aujourd’hui au Liberia ou en Sierra Leone ? interdire l’approvisionnement en armes, certes…(on a vu que les machettes pouvaient être l’instrument de génocides) ; que faire au Soudan, en République Démocratique du Congo, en Angola, en Somalie…(la liste est longue) tant qu’un minimum de paix civile n’est pas assuré ; qui irait aujourd’hui investir dans certains des pays, hier encore étaient considérés comme stables, durablement organisés, qui sont aujourd’hui soumis à des tensions tribales qui peuvent provoquer leur éclatement et déboucher sur ces dérives mortelles où tout l’acquis de leur société peut disparaître (acquis culturel, de gestion administrative, technique, commercial etc.) ?. C’est la réalité de ce début de siècle, et nous ne sommes plus les seuls coupables et responsables !

Reste la double question lancinante à laquelle nous n’avons pas répondu : de quoi l’Afrique a besoin et que pouvons nous faire pour satisfaire ces besoins ?Au-delà de l’action humanitaire (que nous maîtrisons bien) et qui satisfait souvent notre bonne conscience d’occidentaux riches et puissants, face à ces interrogations de millions de personnes qui souffrent de plus en plus, et de maladies qui affectent l’équilibre même des sociétés comme le Sida et d’autres maux endémiques, pouvons-nous dégager un espace nouveau de réflexion et d’action? Pouvons-nous faire table rase de nos certitudes et nous demander comment, avec les africains, nous pouvons apporter – et devons apporter en juste réparation – ce qui, de nos savoirs et de nos richesses, peut contribuer à créer des Etats nouveaux capables de garantir la sécurité des personnes et des biens, des Etats où apparaîtrait ce quelque chose indispensable au développement, qu’Alain Peyrefitte avait appelé, dans une étude sur le développement de l’Europe aux siècles passés, « La Confiance ».

C’est une nécessité et il y a urgence. Cela ne se fera ni spontanément ni de façon autoritaire. Nous devons avec les Africains inventer un processus de réflexion et d’action particulier, nouveau, original, pour arrêter le massacre, mettre un terme aux guerres civiles, payer le juste prix de ce que l’on achète, dispenser les soins, enrayer la misère, nourrir les plus démunis, aider l’action publique, favoriser l’entreprise etc. pour constituer des Etats respectés, reposant sur des fiscalités justes et donnant les services que toute société réclame… Mais rien ne se fera sans les Africains. Faute de quoi nous n’aurons qu’à penser des plaies toujours plus profondes et à gérer une immigration dévastatrice pour l’Afrique et l’Europe, qui sapera les valeurs fondamentales qui rapprochent et unissent les deux continents. Il ne nous restera que l’action humanitaire…pour notre bonne conscience….qui ne sera plus qu’une goutte d’eau dans la mer.