« Chacun est malade à sa manière. De cela le sage ne peut tenir compte. »

NEI-TSING (Dujardin, Hygiène et santé mentale.)

 

Voici quelques définitions de la maladie mentale et d’autres concepts, trouvées dans l’Encyclopédie Hachette Multimédia:

Déviance: certaines formes de déviance ne voient aucune possibilité d’intégration dans le système.

Anormal: nom: qui s’écarte des normes, des usages, qui ne correspond pas à l’ordre habituel des choses

                 adjectif: mentalement déficient, on préfère parler de personnes inadaptées car c’est malgré tout l’adaptation du sujet au groupe qui reste le critère de la normalité.

Folie: ensemble de comportements, de représentation et d’expression qui vont à l’encontre de la normalité et témoignent de troubles mentaux graves. Ce terme, très utilisé autrefois est tombé en désuétude, car il ne correspond à aucune réalité médicale précise. On lui substitue le terme général de psychose, qui recouvre toutes sortes de troubles mentaux.

Le fou: « c’est quelqu’un qui ne sait plus raisonner. »

« c’est quelqu’un qui est perdu. »

(définitions données par deux personnes malades mentales lors de l’émission télévisée Envoyé Spécial dans le reportage « Folie douce »)

« ce sont des citoyens, mais qui ont une maladie »(

définition donnée par un psychiatre lors de l’Émission Savoir plus Santé dans le reportage « Pas si fou que ça ».)

La santé mentale est « l’optimisation des possibilités de réalisation du projet de vie de chacun. » (Dujardin, Hygiène et santé mentale.)

Définition du Docteur Sivadon, psychiatre français: « La santé mentale  ne se définit pas seulement par l’absence de troubles, mais comme un état d’équilibre et d’harmonie entre les structures de l’individu et la structure du milieu auquel il doit s’adapter. Lorsqu’on dit « état », ce n’est pas d’un état stable qu’il s’agit, ni d’un équilibre statique, mais d’un effort permanent d’équilibre. »

La normalité: « Ce n’est surtout pas s’inquiéter avant tout du « comment font les autres ? » mais rechercher simplement tout au long de son existence sans trop d’angoisse ni trop de honte, comment s’arranger au mieux avec les conflits des autres comme avec ses conflits personnels sans abandonner pour autant son potentiel créateur ni ses besoins intimes. » (J Bergeret)

La personne normale est en bonne santé mentale quand elle est capable d’adaptation suffisante à son monde extérieur et intérieur.

Le malade mental : « c’est quelqu’un qui a basculé un jour pour je ne sais quelle raison »

 (Émission télévisée Savoir Plus Santé)

La maladie mentale: « c’est un cataclysme dans un tissu de relation. »

(définition d’un médecin psychiatre : Émission Savoir Plus Santé)

Paroles de D., résident d’un Foyer Thérapeutique: « Je suis malade…. Ben oui, je sors de l’hôpital. ». « C’est triste d’être malade. »

Pour conclure cette série de définitions, je dirai que la plus grande caractéristique des pathologies mentales est leur imprévisibilité.

Questionnement à propos de la notion de « maladie mentale »:

On emploie le terme de maladie. Mais, est-ce une maladie du cerveau, ce qui suppose un lien organique; ou est-ce une maladie du psychisme et donc des instances ?

« Le concept de pathologie, somatique ou psychique, implique l’existence d’un processus modifiant l’intégrité psychique d’un sujet par rapport à son état habituel sur le plan de l’efficience intellectuelle, de l’équilibre instinctuel, affectif, et s’accompagnant d’une souffrance, plus ou moins ressentie ou reconnue comme telle par l’intéressé (..) », selon la pathologie.

(L’intégration sociale des personnes handicapées par maladies mentales. )

Ce que j’ai pu constater, c’est qu’elle est une maladie humaine invalidante pour la personne même et pour son entourage allant jusqu’à l’insupportable.

La maladie mentale peut donc être vue sous deux angles:

  • soit la maladie mentale ayant une causalité médicale, c’est à dire avec une atteinte d’un organe
  • soit la maladie mentale comme « position subjective » chez Freud. C’est un mode de défense, qui peut se traduire, par exemple, dans le champ du langage, comme la théorie Lacanienne.

FREUD

Ce dernier angle irait dans le sens du Docteur Glorion, quand il proclame que « La médecine de la molécule ne doit pas remplacer la médecine de la personne. »

( L’intégration sociale des personnes handicapées par maladies mentales, Réadaptation, n° 409)

La folie est inaccessible à la raison par définition. La folie est incompréhensible, contrairement à la maladie qui, elle, est compréhensible.

« Comme le disait Thomas Szasz: « l’expression « maladie mentale » est une métaphore que nous avons fini, à tort, par prendre pour un fait. »

(Sassolas M. Les soins psychiques confrontés aux ruptures du lien social)

Lacan

Qu’est-ce qu’une personne handicapée:(Définitions du Dictionnaire Robert)

« Qu’est-ce qu’une personne handicapée ? Une personne qui te fait croire que tu es normal. »Simone Sausse

Handicapé: est un terme apparu dans les années 60 pour remplacer ceux d’invalide et d’inadapté connotés négativement. A partir des années 80, on ne parle plus de handicapé mais de personne handicapée.

Infirme: personne atteinte d’une ou plusieurs infirmités et spécialement des infirmités incurables.

Invalide: personne qui n’est pas en état de mener une vie active, de travailler du fait de sa mauvaise santé, de ses infirmités, de ses blessures.

Débile: – personne qui manque de force physique d’une manière permanente

– personne sans aucune vigueur

– personne atteinte d’une déficience de l’intelligence.

Inadapté: personne qui présente un déficit intellectuel ou des troubles affectifs qui le rendent incapable de faire face aux conditions normales de la vie.

En France, une autre notion est apparue pour désigner les malades mentaux. Aux journées nationales d’information à l’UNESCO les 1er et 2 décembre 1993, c’est la première fois que la maladie mentale est abordée. La notion de personnes handicapées par maladies mentales sera retenue afin de différencier des « handicapés mentaux par déficit intellectuel et psychomoteur. »

Le handicap est vu selon trois plans dans la classification de Wood (USA)

  • « impairment »qui signifie déficience. On est dans le cas de l’atteinte d’un organe ou d’une fonction
  • « distabilities » qui signifie incapacité: le plan 1 a une conséquence sur les capacités de la personne.
  • le handicap proprement dit: les 2 premiers plans ont comme conséquence la mise en place d’une situation de désavantage social.

La stigmatisation :

La maladie mentale vient transgresser l’ordre de la société, donc elle dérange les contacts sociaux.

« L’on se souviendra qu’il n’y a pas si longtemps des usagers ont violemment protesté contre la présence d’u petit groupe d’enfants handicapés mentaux qui, dans le cadre d’un séjour thérapeutique s’étaient rendus dans une piscine publique. »

(Pignol P, Brillant JY et Philippot M, Les séjours sociothérapeutiques – un guide d’accompagnement psychotique.)

De plus, il y a aussi un sentiment de peur des personnes malades mentales. Bien souvent, le « où » passe avant le « qui ». Les personnes « normales » se construisent une liste de lieux d’évitement, comme sous les ponts, dans les banlieues insalubres. Ceci est un système de défense purement humain : la localisation permet l’évitement. Il y a donc une généralisation de la maladie mentale à certains lieux, et indirectement à certaines populations.

« (…) besoin ancestral de se protéger de la folie en la désignant chez l’autre. Le fou représente bien alors le négatif qui, par contraste, atteste la norme. »

(Ternynck C, La mort du fou. Essai sur la représentation de la folie à travers les âges.)

Elle n’est pas que physiologique, il y a aussi une visibilitésociale de la maladie mentale. Elle est reconnue comme telle par la société car c’est la société qui décide de la normalité.

« L’intraduisible d’un propos, l’incohérence d’un comportement, l’inexplicable d’une attitude (…) ne peuvent être que les signes d’une maladie chez cet individu. En aucun cas, ils ne peuvent être compris comme l’expression de son mal être dans une situation difficile ou intenable. (…) Dans notre culture qui assimile folie et maladie, on ne peut pas être à la fois incompréhensible et normal. »

« Une pratique psychiatrique (…) fabrique de toutes pièces de la maladie là où il n’y a qu’un mal-être, celui d’un individu n’ayant pas sa place dans la société. »

(Sassolas M. Les soins psychiques confrontés aux ruptures du lien social.)

Pourtant le handicap provoqué par la maladie mentale est beaucoup moins visible que le handicap physique ou le handicap mental. Il est certain que parfois, certains comportements ou habitudes physiques, comme des habitudes vestimentaires qui ne rentrent pas dans la norme, sont vite remarquables. Mais je pense surtout que le poids du handicap est difficile à évaluer sur un simple coup d’œil.

« Il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Ce qui ne se voit pas est souvent plus grave que ce qui se voit. » Dr Jolivet

Mais ce qui est visible fait plus peur car est accessible plus rapidement et plus facilement. Il est plus difficile de croire à ce qu’on en voit pas.

« Mieux vaut le cancer qu’une dépression dans le regard du voisin. »

(L’intégration sociale des personnes handicapées par maladie mentale, in Réadaptations.)

Exemples :

Commentaires de personnes devant une toile de Géricault représentant des malades : « des fous, enfin, tous des criminels. »

Les généralités ont souvent lieu : « il faut tous les enfermer ! » quand un fait divers impliquant une personne malade est en première page des journaux.

« Pourrions nous aussi demander aux médias de ne pas assimiler pathologie et violence. »

Des professionnels de la santé mentale rencontrent des élus locaux en leur expliquant leur travail, mais les réactions de ceux-ci après la rencontre restent décevantes : « ce sont des déficients intellectuels », « ils ne seront autonomes que quand ils ne prendront plus de médicaments. »

Enquête française :

–          « Cela me gênerait qu’un malade mental capable de vivre seul et suivi par des médecins habite près de chez moi » : Plutôt non : 20%

                        Pas du tout : 55%

–          « Les malades mentaux sont dangereux, il faut les enfermer »

                        Plutôt non : 35%

                        Pas du tout : 40%

–          « Etes vous bien informés sur les maladies mentales » : Non : 70%

–          « Etes vous à l’abri de ce genre de maladie ? » Non : 60%

Il y a donc peu de rejet des personnes malade, mais une carence au niveau de l’information et une peur personnelle.

 

L’aspect culturel :

Il est important de garder à l’esprit l’aspect culturel, en prenant en compte notre milieu de vie. Notre culture a en effet elle-même des critères par rapport à la santé mentale. Il faut donc travailler dans l’optique de l’épanouissement de la personne, savoir s’adapter à chaque personne, aux différentes cultures.

« L’être sain est celui qui est capable de s’adapter à toutes les cultures et non pas celui qui est bien adapté dans une seule. » Devereux

Il faut penser à comprendre les paroles de la personne par rapport à ses références culturelles.

« Sauf lorsque l’on constate des symptômes extrêmes, le diagnostic peut devenir ethnocentrique puisque le praticien juge en fonction de sa propre culture la conduite d’individus que l’on ne peut vraiment juger qu’en fonction des cadres de référence de leur groupe. »

(Goffman E., Asiles, études sur la condition sociale des malades mentaux.)

 

De plus, la culture évolue et il faut savoir s’y adapter. Certaines personnes ne parviennent pas à suivre ce rythme, regrettent le passé et s’y bloquent. Les fonctions mentales de l’homme sont mises à l’épreuve dans cette société en constante évolution.

« (…) la bouffée délirante, si fréquente en Afrique, est une issue trouvée par le sujet lorsque l’assistance groupale est détruite ou insuffisante. Elle permet souvent, grâce à l’hospitalisation, c’est à dire à l’assistance d’un néo-cadre et d’un groupe transitionnel, un réajustement de la personne aux nouvelles conditions d’existence. »

(Sassolas M. Les soins psychiques confrontés aux ruptures de lien social.)

Enfin, je voudrais rappeler que la maladie mentale est présente chez tous les peuples, mais ce qui est différent, c’est l’attitude des populations, gouvernements, idéologies. Un pays développé n’est pas synonyme d’un pays évolué. L’évolution d’un peuple devrait être jugée par la façon dont il traite ses prisonniers et ses fous, un peuple attentif à la subjectivité, la dignité de chacun et à la qualité de la citoyenneté.

On peut aussi dire que parmi l’ensemble des maladies, la maladie mentale est celle qui a suscité le plus d’interrogations et sur laquelle de nombreuses professions se sont penchés.

On peut conclure à l’existence de deux sortes d’institutions psychiatriques :

–          les premières où la relation personnel/malades est basée sur l’angoisse et des attitudes agressives, ce qui a pour conséquence la brutalité et la déchéance humaine pour les 2 groupes.

« Grâce à ces subsides, les cliniques semblent parfois avoir perdu la notion qu’elles y sont surtout pour le malade. Leurs administrations financières (…) ont pris tellement d’importance que le sort des malades y est e peu d’importance. Les investissements se font surtout dans un esprit de concurrence et sont dictés par un désir de pouvoir. »

(Fondation Julie Renson, La société génératrice de troubles mentaux ?)

–          Les secondes sont les cliniques psychiatriques modernes ; l’opposé des premières. 

« L’opinion courante sur le malade est celle-ci : s’il était lui-même, il solliciterait un traitement psychiatrique et s’y soumettrait de son plein gré et, à la fin e son séjour, il reconnaîtrait que son moi réel a constamment subi le traitement dont il avait effectivement besoin. »

« Dans tous les cas, l’action médicale est présentée au malade et à ses proches comme un service individualisé alors qu’en fait l’unique bénéficiaire en est l’institution puisque l’acte s’inscrit dans un plan d’ensemble destiné à faciliter le travail de gestion des administrations. »

Il suffit de penser à quelques pratiques : électrochocs, hystérectomies, lobotomie.

« Le fait d’assurer la tranquillité nocturne du quartier en faisant absorber des somnifères aux malades (ce qui permet e réduire les effectifs du personnel de nui) s’appelle médication ou traitement. »

(Goffman E., Asiles)

Les principales approches :

La neuroscience : pour qui l’origine de la maladie mentale est l’anomalie biologique innée ou acquise. Les traitement sont d’ordre physique ou chimique, comme les médicaments, la luminothérapie, les électrochocs thérapies.

Le comportementalisme : qui considère l’existence dans le passé de la personne d’apprentissage erronés qu’il va s’agir de corriger. Ce sont des méthodes de conditionnement.

La psychanalyse : classique qui pense qu’il y a des accidents ou des traumatismes psychiques qui se produisent à l’un ou l’autre stade du développement, qui produit des fixations et une propension aux régressions à ces stades. Différents traitements sont possibles, dont la psychothérapie ou la psychanalyse.

Les théories systémiques : qui considèrent qu’il y a une communication bloquée entre les différents agents du système. Le traitement consiste à soigner l’ensemble du système en favorisant directement la communication.

On peut conclure sur une grande tendance à faire du médecin un expert du social et de la médecine une technique de réparation de la société.

Enfin, j’aimerais parler de l’exemple positif du village de Lierneux en Belgique, où, depuis plus d’un siècle les familles accueillent une ou plusieurs personnes de l’hôpital psychiatriques tout proche. Le « fou » est libre dans le village, fréquente église, magasins, cafés. Il semble passer inaperçu pour les habitants. Par tradition ? Par pitié ? Par solidarité ? En tout cas, il est accepté. Mais ceci se fait avec un encadrement étroit de spécialistes, e qui permet de rassurer les familles, mais met aussi en évidence la différence de ses hôtes.

Cet exemple se retrouve aussi dans un village de Flandre, et dans deux villages en France.