L’histoire commence dans les années 30 où Laurens Hammond, horloger de métier, inventa le fameux orgue qui porte son nom, équipé d’un générateur de sons révolutionnaire composé de petites « roues phoniques ».

Au départ il était destiné aux églises qui n’avaient pas les moyens de s’offrir des orgues à tuyaux. Personne n’imaginait qu’il allait devenir très populaire dans les groupes de blues et de jazz puis de reggae. On le vit beaucoup dans les formations de  Janis Joplin, Carlos Santana, Bob Marley, Otis Redding, Credence Clearwater Revival  ou Procol Harum.

Un orgue qui à l’image humaine s’égosille, respire, souffle, s’essouffle,  chante, s’époumone  et s’impose sous divers registres, du violon jusqu’au « grand jeu » en passant par les bois et les cuivres.

Nous avons là les couleurs de la musique, celle qui envoûte.

Puis sa cabine Leslie qui est dotée d’un amplificateur et équipée elle, de haut-parleurs rotatifs qui brasse le son et "le fait tourner" grâce à des roues phoniques. C’est tout le secret de cette ampleur dont je parlais plus haut qui donne un aspect velouté ou déchirant aux couleurs de la musique.

Nous avons ici la sensibilité de la musique, celle qui secoue les tripes et donne l’émotion.

Mais ce magnifique et admirable mariage des couleurs musicales et des effets phoniques  ne seraient autant gratifiés sans des mains expertes qui viennent effleurer et  caresser les touches de  ses claviers et des pieds pour les accompagner. Une sensualité au service de la musique.

Une grande Dame, RHODA SCOTT, est celle qui offrira et offre encore aujourd’hui toutes les lettres de noblesse à  cet orgue auquel elle est restée fidèle. Un orgue qu’elle sublime toujours  aujourd’hui. Bref,  un couple inséparable depuis plus de 60 ans.

 

Rhoda surprendra son public en jouant sur le clavier des basses  pieds nus. On l’a surnomme:

« l’organiste aux pieds nus » ou « The barefoot Lady ».

Elle est celle qui exploite au mieux l’orgue Hammond et en révèle toutes les possibilités.

Aujourd’hui elle aime (ou a aimé pour ceux qui sont aujourd’hui disparus) se produire avec les plus grands musiciens de Jazz comme Ray Charles, George Benson, Count Basie, Ella Fitzgerald, Sarah Morrow, Eric le Lann, Mel Lewis, Toots Thielemans, Lionel Hampton, Kenny Clarke, Dizzy Gillespie… et on la voit souvent jouer avec  la jeune génération d’organistes à l’instar de cette jeune allemande Barbara Dennerlein, aujourd’hui reconnue dans le monde du jazz, et d’autres jeunes musiciens de talent.

Rhoda SCOTT, fille de pasteur, est née à la fin des années 30 aux Etats Unis. Elle commença à chanter dans les chœurs de gospels et de negro-spirituals pour entrer ensuite dans la célèbre école de musique  "Manhattan School of Music " de New-York, dont elle sortira  à 25 ans le grand prix du conservatoire avec mention spéciale du jury en poche.

 Elle joue ensuite avec les plus grands  puis arrive en France afin de terminer ses études au conservatoire de Fontainebleau, avec Nadia Boulanger grande professeure de musique et excellente organiste. Elle eut plus de 1200 élèves dont Quincy Jones, Michel Legrand, Vladimir Cosma ou Louise Talma pour ne citer qu’eux.

C’est là qu’elle connaitra son mari Raoul Saint Yves (de son vrai nom Raoul Sampognaro et décédé en 2008) grand complice d’Eddy Barclay.

Directeur du Bilboquet,  il l’avait fait venir après l’avoir rencontré à New York.

Rhoda  a naturellement un talent fou pour le jazz, le blues, la musique classique et le gospel. A noter qu’elle a réservé son premier concert sur orgue à tuyaux en France et plus précisément  à la cathédrale Saint Maurice à Angers en 2010 où elle a eu un véritable succès. (Les veinards !)

J’ai eu le grand bonheur d’aller la voir en spectacle à deux  reprises, et c’est un réel ravissement tellement cette femme donne  tant de joie, d’émotion avec sa musique qui vous prend aux tripes, vous met en émois à vous faire monter des larmes aux yeux. Jamais je n’avais connu ça ! C’est costaud !

Quelle puissance dans son jeu !  Toutes sa maîtrise,  ses sentiments, son amour, son partage elle les fait passer au bout de ses doigts tel un fluide dans un jeu de registres qui fait chanter son orgue qui lui n’attend que ces palettes d’émotions  pour opérer cette magie qui va droit au cœur et fait vibrer tout notre corps.

Oui ! Une véritable magie dont eux seuls ont le secret. Rhoda et son orgue Hammond B3 ne font véritablement qu’un !

Cette magie s’opère aussi avec les chœurs Gospel ou Négro Spirituals dont elle aime s’entourer ou encore avec tous ses invités musiciens de jazz pour  partager ses spectacles.

Elle aime jouer pour les autres et avec les autres et se plait à  faire participer également  son auditoire qui se prête volontiers à ses invitations à chanter. Là, tout le monde se lève puis entonne avec Rhoda les bons classiques comme «When the saints go marching in ».

Cerise sur le gâteau, Rhoda est très abordable et disponible et c’est un autre véritable plaisir de pouvoir converser avec elle à l’entracte ou après son spectacle.

Rares sont les artistes a donner autant. On vous aime Rhoda !

                         

  PS : « Oh Happy Day » n’a jamais été un Gospel, mais simplement la musique d’un feuilleton de télévision. Un message qu’elle nous a demandé de faire passer.