Sans le billet de Robert Solé dans Le Monde, cela m’aurait échappé. Les habitantes de Belfort sont désormais des Belfortaines et des Terrifortaines, comme Terrifortaines sont celles de Delle, Valdoie, Danjoutin, &c. Partant, certaines feront de petits Terrifortains… Moi qui avait cru qu’elles étaient, telles des Angevines, soit d’Angers, soit d’Anjou (et bien évidemment tant d’Angers que d’Anjou), je remets à jour mon logiciel et mon neurone codé sur deux bits. Aux Belfortaines de naissance, d’adoption, voire de toujours, et Terrifortaines de quelques jours, permettez-moi de vous adresser mes mamours.
J’ai vécu quoi ? Sept-huit ans à Belfort ? Et sillonné le Territoire au volant d’une des voitures de fonction du Pays de Franche-Comté environ trois ans. Sans jamais me poser la question, quel était donc le gentilé des habitantes et habitants du Territoire de Belfort dans son ensemble ? Bon, avant d’arriver à Belfort, pour moi, les habitantes du mont Saber étaient des Yéménites du Nord, et comme le mont Salbert (630 m, fort alors peu restauré, radar de l’Otan) était pratiquement inoccupé, je n’ai pas eu à commettre de mauvais jeux de mots sur les Salbertines y faisant pousser du sarrasin (comprend qui veut, ou qui peut, comme le chantait Boby Lapointe).
Depuis la glorieuse reddition de Denfert-Rochereau et les tractations s’ensuivant entre Bismark et Thiers, bien peu des Basses-Alsaciennes et Bas-Alsaciens (disait-on ainsi quand ce sud du Haut-Rhin se retrouva Territoire de Belfort ? Je n’en sais rien), qui du temps de Balzac n’étaient ni toutes, ni tous, balzaciennes ou balzaciens, se souciaient de leur appellation d’origine contrôlée. Par la suite, celles et ceux du Neuf-Zéro ne m’ont pas parus farouchement taraudés par cette identitaire interrogation.
Il est un peu paradoxal qu’au moment où l’on plaide pour des régions élargies, qu’on s’interroge sur la pertinence d’avoir scindé des départements (en Corse, dans le Finisterre breton, avec un Finistère-yankee et un sudiste ; excusez-moi, entre Bretons, c’est plus facile de se gausser de nous-mêmes que des Corses), voilà que l’identité territoriale des ex-Belfortaines et Belfortains au sens étroit ou large s’affirme.
Cela changera-t-il autant les choses et leur vision que le passage en Champagne d’un Châlons marnais ? D’un côtier nordiste à un, quoi ? Costarmoricain ? Eh oui, taillés pour l’hiver, les Malouins ! Je ne sais. Je n’ai jamais été tonton mais me voilà, tout à trac, tontaine, ex-Terrifortaino-Breton. L’ami – la lexicologie rapproche plus qu’elle ne divise en ces occasions d’exception – Solé remarque : « tout le monde ne sait pas que l’Indre-et-Loire (37) est peuplée de Tourangeaux, et la Haute-Loire (43) d’Altiligériens. Ne parlons même pas des Bouches-du-Rhône (13) dont les malheureux habitants passent tantôt pour Marirhodaniens, tantôt pour Buccorhodaniens. ». La place lui étant comptée (en feuillets amputés), il s’en est tenu là, omettant Angevines et Angevins, et tant de gentilés cocasses, insolites, voire déroutants, même à l’époque du GSM.
Juste une anecdote belfortaine et terrifortaine que je m’attribue aussi abusivement qu’apocryphement. Lors d’une virée vers les parkings d’une convention socialiste, ne trouvant pas où garer, j’ai pu faire valoir que, immatriculé dans le 90, je pouvais prétendre à l’accès de l’aire de stationnement réservée aux délégations étrangères. Eh oui, le Français (Lorrain ?) qui en gardait l’accès a bien voulu gober que le Territoire était certes rattaché à la France, mais comme Monaco (le Territoire est aussi historiquement terre monégasque, autant qu’autrichienne en tout cas).
Eh oui, être un Comtois (« rends-toi, nenni ma foi ! »), c’est être assez culotté, voire fortiche. Alors, pensez, être à présent un(e) Terrifortain(e) ! Plus besoin d’être taillé comme une armoire. Cette seule appellation, ce néologisme bienvenu, remet l’horloge à l’heure de la modernité. Un peu comme le feu de croisement inauguré à Champignac (celui de Spirou et de Fantasio), mais puissance feu d’artifice.
Connaissez-vous la choucroute terrifortaine, avec des morceaux de carotte dedans ? Au jus de la Savoureuse (la rivière locale) ? Tiens, voilà une suggestion pour le nouveau magazine Comtois en cuisine. Le nouveau gentilé va-t-il populariser les spécialités gastronomiques (car pour les vineuses, on reste sur sa soif) du Neuf-Zéro ? On peut l’espérer. Le Gaby (de mémoire, de Pérouse) devenu restaurateur en Vieille-Ville, sous les remparts de la forteresse de la Cité du Lion, en avait quelques-unes, roboratives, à sa façon. La terrine terrifortaine a d’alléchantes et allitératives qualités qu’il serait dommage d’ignorer outre-Territoire. De même que les carpes des étangs façon terrifortaine. Le terroir terrifortain doit certes marquer son territoire mais aussi des points hors ses frontières, à l’extérieur, soit, comme disent les Alsaciens, à l’Intérieur (entre Alsace et Bretagne), en Suisse, et bien au-delà. À pas de Géhant (comme Émile, regretté maire belfortain et feu président d’une communauté territoriale d’agglomération terrifortaine).
Je ne sais si une compositrice, un parolier inspiré, doteront les Terrifortaines et les Terrifortains d’un hymne terrifortain. Cela semble s’imposer. Une Marche Terrifortaine, interprétée aux triangles et mirlitons (kazoos, ici), à la fois allègre, facétieuse et pas trop martiale (en dépit des exploits du siège de Belfort), un étendard terrifortain, une devise terrifortaine, bref, toute la panoplie terrifortaine, voilà une mission, un défi, que mes amies terrifortaines et amis terrifortains du Pays de Franche-Comté se devraient de poursuivre et relever. À suivre donc, et peut-être dès demain, si vous le voulez bien.
C’est en fait France Bleue Belfort qui avait lancé une consultation sur la question. Un tri avait pré-sélectionné Terrifortains, Terribelfortains, Territoriaux, Savoureux et Terricomtois…
Le Conseil général va officialiser ou pas l’appellation.
Lu dans [i]Le Pays de Franche-Comté[/i] :
« Le député Damien Meslot, présent au côté d’Yves Ackermann, président du conseil général et d’Étienne Butzbach, maire de Belfort, a promis qu’il se renseignerait sur une éventuelle démarche à mettre en œuvre pour que ce nouveau nom devienne officiel. ».
Je n’ai pas lu Libé, mais il semblerait, selon un titre vu en ligne, que Jean-Pierre Chevènement, ex-député-maire de Belfort, devenu sénateur, se serait contenté de Belfortaines et de Belfortains pour toutes les habitantes et habitants du Territoire.
Bon, en fait, il suffisait d’aller sur le blogue-notes de J.-P. Chevènement pour se rendre compte qu’il prenait la chose au second degré :
« [i]J’apprends avec horreur le résultat d’une initiative médiatique qui ferait des habitants du Territoire de Belfort des[/i] « Terrifortains ». [i]C’est terrible !
C’est réduire notre château à un fortin !
Je propose, pour ma part, que nous nous appelions[/i] « les Terribles », [i]tout simplement.[/i] »
Alors, pourquoi simplement Terribles ? Terriblissimes ? Terribilissimes ? 😉
ah ! c’est donc ça… j’avais manqué…
et depuis ?