Le 14 décembre 2010 les députés italiens vont devoir se prononcer par un vote de confiance concernant le gouvernement italien. Si certains attendent de cette défiance la possible fin du berlusconisme il semble pourtant possible que ceux qui ont entre les mains le sort du Cavaliere trouvent leur intérêt dans le fait de le sauver.
Une menace maintes fois brandie au dessus du personnel politique italien est peut être en passe de se réaliser d’ici peu. Car maintenant que les discussions et le vote du budget de rigueur sont passés grâce à un certain unanimisme de l’ensemble des partis, commencent, dès le 14 décembre, l’éventualité de l’après berlusconisme. Car mardi 14 décembre 2010 le gouvernement italien doit affronter un vote de défiance de la part d’un front composé des centristes, des soutiens de Gianfranco Fini ainsi que de la gauche. Si la majorité se dit, à juste titre d’ailleurs, confiante quant au soutient du Sénat, les choses seront plus complexes à la chambre des députés. Là monsieur Berlusconi, très fortement discrédité ces derniers temps, devra lutter de très haute main pour réussir à convaincre une majorité des 630 députés italiens de continuer l’aventure avec lui comme président du conseil.
Car à écouter les différents camps chacun se dit sur de pouvoir l’emporter sur son rival. Et le système politique italien est ainsi fait qu’une simple voix de majorité suffit à un gouvernement pour se sauver et reprendre l’initiative aux dépends de ses adversaires.
Ici plusieurs logiques et discours s’affrontent. Tout d’abord du coté du PDL (parti de la liberté de Silvio Berlusconi) et de son alliée de la Ligue du Nord on se montre confiant et affirmatif, le plus souvent dans un déni de réalité confondant en ce qui concerne certaines accusations et reproches adressés au président du Conseil italien. Mais dans les faits Berlusconi n’est pas si sur de son coup, au point que des accusations d’achats de votes vis-à-vis des non inscrits ont été dénoncés, par exemple par le député Massimo Calearo. De même la Ligue du nord peut bien se montrer sereine sachant qu’une reconduction de l’actuel gouvernement l’a renforcerait comme force d’appoint indispensable au parti de Silvio Berlusconi, alors que des élections anticipées montreraient que la Ligue du Nord est le seul parti d’importance à pouvoir espérer progresser politiquement.
Du coté des opposants les arguments moraux renvoyant aux différents scandales impliquant le président du Conseil se croisent avec les dernières enquêtes relatant l’état de l’opinion publique italienne quant à ce qu’elle pense de Silvio Berlusconi. Et de fait il semble bien que le temps du berlusconisme triomphant soit bel et bien révolu. Car l’Italie va mal et les italiens en ont conscience, de plus en plus nombreux sont ceux d’entre eux qui en font le reproche à la coalition de droite actuellement au pouvoir. Les enquêtes économiques récentes montrent une économie en panne, de plus en plus gravement infiltrée par la Mafia et les pratiques cooptatives, voire illicites. Nombreux sont les italiens à s’avouer « fatigués et sans désir », un bon tiers d’entre eux avoue penser que la classe politique italienne ne s’intéresse plus aux soucis quotidiens de ses administrés.
Incontestablement une atmosphère de fin de consensus plane sur l’Italie. Monsieur Fini, qui le premier a lancé les hostilités contre son ancien allié Berlusconi, allant jusqu’à plaider que la fin de ce consensus d’illusion entrainera celle du berlusconisme.
Nombre de politologues font le constat que le 14 décembre pourrait bien acter la fin du Berlusconisme comme pratique politique et comme forme de consensus politique. La vie privée du président du Conseil, dont l’exposition et la mise en scène avait pu apparaitre comme un gage de normalité et de sincérité a explosé, du fait des frasques à répétition du Cavaliere. C’est ainsi l’un de ses principaux atouts qui s’est évaporé amenant avec lui la patience d’un peuple qui a cessé de croire au culte du chef viril, macho et fort.
Mais si Berlusconi peut tout perdre le 14 décembre il se peut qu’il soit malgré tout sauvé par ceux qui aujourd’hui le critiquent et l’attaquent. Ainsi va l’Italie tout à la fois complexe et simple, honnête ou terriblement amorale à certaines occasions. Les pratiques politiques italiennes ne faisant que confirmer par l’exemple, parfois caricatural, cette ambivalence transalpine.
Car, et là est la complexité, si tous montrent leurs muscles et paradent il n’est pas sur que des élections anticipées arrangent tant que ça les élus italiens. Dans les faits celui qui aura à décider c’est le président de la République, monsieur Napolitano.
Si le gouvernement chute ce dernier dispose de quatre possibilités. Exiger de l’ancien président du Conseil qu’il essaye de recomposer une nouvelle majorité mais portée par d’autres alliances. Demander à une autre personne, un tant soi peu consensuelle ou charismatique, qu’elle s’essaye au même exercice. Assurer la promotion d’une personnalité un peu plus neutre placée à la tète d’un gouvernement technique de « responsabilité nationale ». Ou alors renvoyer les italiens aux urnes en cas d’échec de l’ensemble de ces solutions. De toute façon concernant cette dernière hypothèse la Ligue du Nord a déjà prévenu qu’une trop courte victoire de Berlusconi le 14 décembre 2010 pourrait porter le parti à exiger le recours à cette solution radicale.
Et pourtant cette possibilité des élections anticipées effraie l’ensemble des députés. Car sorti vainqueur de sa défiance vis-à-vis de Berlusconi, Gianfranco Fini se verrait face à l’obligation d’essayer de transformer en force politique viable ce « troisième pole » (alliance entre Fini et le centre droit) qu’il réclame. Car force est de constater que cet attelage entre centre droit et finiens est un tant soi peu contre nature. Les premiers étant catholiques et contre le bipolarisme du jeu politique, là où les second s’inscrivent dans une tradition plus laïque tout en appréciant la division de la vie politique.
De même, et toujours du coté des opposants de Berlusconi, il y a le Parti Démocrate. Ici l’embarras n’est pas moindre. Car des élections anticipées exigeraient l’organisation de primaires afin de pouvoir présenter des candidatures communes à l’ensemble de la gauche. Se ferait dès lors jour le fossé de plus en plus grandissant entre les différentes tendances idéologiques du Parti Démocrate, à l’intérieur duquel existe une frange moins intransigeante que l’aile orthodoxe soucieuse de ne pas se dissocier des militants de plus en plus radicaux.
Pareillement du coté du PDL de Berlusconi on a tout à craindre d’une nouvelle élection et de ses risques de défaite qui occasionneraient, éventuellement, la perte d’un poste, d’un train de vie et de ses facilités, mais aussi de son immunité parlementaire.
Enfin la Ligue du Nord, qui est la seule à pouvoir espérer des gains lors de ces élections éventuelles n’a pas grand-chose à gagner si ce n’est plus d’exposition et de responsabilités politiques. Elle est déjà un parti dont Berlusconi a besoin. Passer de 60 députés, comme c’est le cas aujourd’hui, à près d’une centaine signifiant plus d’inconvénients que d’avantages.
Ainsi pourra peut être se sauver Berlusconi. La solution du gouvernement technique expédiant les affaires courantes constituant la meilleure des solutions pour tous les partis politiques italiens. Fini n’aurait pas à mettre ses promesses en application et pourrait s’en servir pour la suite. Le PDL garderait son importance, la Ligue du Nord son intransigeance et la gauche ne se verrait pas forcée d’exposer trop tôt ses différents idéologiques internes.