La Tour Cerdane, – ou Castel de la Torra Cerdana ou encore Castel de Pimorent -, dont il est difficile, encore de nos jours, d’en déterminer son origine historique, est un élément d’un système de défense antérieur au Traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, dans les Pyrénées-Atlantiques, au milieu du fleuve côtier Bidassoa qui marque la frontière entre les royaumes de France et d’Espagne et aux Conventions de Céret, Mai 1660, et de Llivia, 7 Novembre 1660.


Sa fonction militaire, au travers des textes anciens consultés, n’apparaît pas clairement d’autant que certains écrits, traduits succinctement, adaptés avec légèreté ou circonstanciels, sèment la confusion dans les esprits.


Implantation de la Tour Cerdane.


Implantée au Sud-Ouest de la commune de Porté Puymorens, sur le sommet arrondi d’un promontoire culminant à 1.675 mètres d’altitude, veillant sur les Vallées de Carol, de la Vignole et de Font Vive, la Tour Cerdane a défendu, jusqu’au XVII° Siècle où elle fut volontairement démolie au moyen de fourneaux de mine, après la Convention de Llivia, le passage du Col de Puymorens.


Assez difficilement accessible, cette construction, ou ce qu’il en subsiste, se compose essentiellement d’une enceinte grossièrement arrondie, ruinée, épousant la configuration du sol, de 23 à 26 mètres de diamètre, d’un ouvrage avancé de type barbacane et d’un fossé. Les parties de mur encore existantes ont une hauteur variant entre 6 et 8 mètres, et une épaisseur ‘environ 1,40 mètres sur le front Sud, et 1,50 mètre sur le front Nord, construits en moellons de granit taillés, ou sommairement équarris, liés au mortier de chaux.

Involontairement, le visiteur se sent saisi de respect au milieu de ces ruines, derniers vestiges d’un passé glorieux. Impossible de s’avancer au cœur de la Cerdagne sans passer à droite ou à gauche du mamelon qui portait la gigantesque tour. Car gigantesque, elle devait l’être à en juger par les dimensions extraordinaires de sa base.


La Tour Cerdane, un château ruiné par décision royale.


Les murs extérieurs enfermaient une surface considérable. Ils ont une épaisseur respectable avec des rangées de crénelages sur lesquels il s’y remarque des merlons de 1,20 à 1,30 mètre de long sur 0,50 de large, avec un chemin de ronde de type primitif du IX° ou X° Siècle, certainement élargi par des constructions en bois posées sur des boulins et des corbeaux.


Les deux crénelages, encore décelables, ont été comblés et les murs rehaussés. Leur partie sommitale est trop ruinée pour pouvoir entrevoir la hauteur exacte de ces murs.

La muraille possédait trois portes. La première, murée, sur la partie Est de l’édifice, donnait sur le fossé. La deuxième; face à la vallée, au Sud de la forteresse, se situe à 2 mètres au-dessus du niveau du sol. La troisième est, ou paraît être, la plus moderne, mais effondrée, elle n’est qu’un grand trou béant. Et onze archères sont encore visibles.

L’intérieur de la tour est encombré par des éboulis, en forme de cône dont la hauteur sommitale doit se situer à à 3 ou 4 mètres au-dessus du sol d’origine. Il se compose d’une terre blanche et de moellons. Ces éboulis coulent, au Nord, par une large brèche dans la muraille, en pente douce jusqu’au bord du ravin, s’étalant de part et d’autre des vestiges des murs Est et Nord, sur une épaisseur, au contact des appareils en place, comprise entre 1,50 mètre et 2 mètres, et, au Sud, par ce qui devait être la porte, jusqu’au niveau de la carrière, enterrant, sur une hauteur de 1 mètre à 1,50 mètre, les soubassements de la barbacane ruinée.

Au cœur de la tour, au milieu des éboulis, accolé sur le mur Nord, des murs orthogonaux, en pierre sèche, délimitent un petit enclos. Emmanuel Brousse, dans son livre « La Cerdagne Française », nous signale que « au centre de la tour un jardin a été planté... », information qui nous permettrait de considérer ces murs orthogonaux, élevés avec des moellons ayant appartenu à la forteresse, comme ceux du petit jardin, des murs dont la construction peut être estimée du XIX° Siècle.


La Tour Cerdane, un château-forteresse à part entière.


Avec légèreté, certains se sont crus autorisés à estimer que les ruines actuelles seraient les vestiges d’un unique élément fortifié bâti sur ce site. Au demeurant, la topographie, la conjoncture au sol et la cartographie cadastrale plaident pour un ensemble plus élaboré que peut l’être une tour de défense de passage ou une tour-poste isolée.

Tout laisse à penser que la Tour Cerdane aurait pu être une tour-château flanquée d’une chemise, d’une ou deux barbacanes et d’un ensemble fortifié accolé permettant d’accueillir les habitants de Porta, de Portéa Tholosa, de Bau, d’Abiells et de Pedreguet(1). En effet, cet édifice, de forme approximativement circulaire, peut être comparé à d’autres châteaux tels ceux de Lladore, dans le Pallars Sobirà, de Saint Sauveur en Puisaye, en Bourgogne, et de Restormel, dans le Comté de Corwall.


Raymond Matabosch


Notes :


(1) Portéa Tholosa ou Porté Puymorens; Bau, Abiells et Pedreguet étant des villages qui n’existent plus.