Former un couple atypique n’est pas facile tous les jours. Peut-on réellement faire passer l’amour au premier plan et oublier le handicap? 

 

Je vais prendre mon expérience personnelle en exemple. Je suis avec mon petit ami depuis sept mois, nous formons un couple complémentaire et assez explosif parfois. Mon ami est malentendant et j’avoue qu’au début de notre histoire, je ne me suis pas demandé si son handicap serait un problème à l’avenir. Je me suis juste adaptée à lui comme je l’aurais fait avec un homme sans handicap. J’ai appris à parler plus clairement afin qu’il puisse lire sur mes lèvres et me comprendre le plus souvent possible, lorsque nous sommes au restaurant et que je vois le serveur marmonner dans sa barbe ou baisser la tête en s’adressant à lui il m’arrive de faire office de "traductrice".

 

Je n’avais jamais vu cette adaptation comme un problème mais plutôt comme une preuve de mon attachement à son égard.

 

Et pourtant…

 

Femme au coquillage

William Adolphe Bouguereau 1885

 


Il y a quelques jours, en l’écoutant parler de notre histoire, je me suis rendu compte qu’il ne voyait pas du tout les choses comme moi. Il faut savoir qu’en dépit de ce handicap mon ami parle normalement  parce qu’il entendait ses parents parler dans le ventre de sa mère. Il parlait donc de notre histoire et je l’ai entendu dire à son interlocuteur « Oui, je pense que le fait que je parle normalement a été décisif pour elle au début de notre relation ! ».

 

J’en ai été toute retournée et en y repensant je peux même dire que cela m’a profondément vexé qu’il pense ça. Alors selon lui, s’il avait été un « vrai » malentendant avec le langage des signes et les problèmes de locution qui vont avec, je n’aurais peut être pas pris le temps de m’intéresser à lui.

 

J’ai donc décidé de réécrire notre rencontre en imaginant un handicap accentué, afin de voir si la personne artificielle et bornée qu’il pense que je suis aurait réagis différemment.

 

Je vous brosse donc le portrait de mon petit ami. Nous l’appellerons Damien afin de préserver son anonymat.

 

Damien a vingt-huit ans, il termine ses études en école d’ingénieur, il fait un mètre soixante trois (j’aime bien les petits ça tombe bien !) il est châtain aux yeux bleus et il n’a d’après moi rien à envier aux stéréotypes de beauté qu’ont les femmes de nos jours.

 

Je m’apprête donc à rencontrer ce garçon  (n’oublions pas qu’il est malentendant et qu’il communique grâce au langage des signes).

 

Lundi 23 Février 18h00 Châtelet les halles

 

Les premiers signes de stress apparaissent : les mains moites, les jambes qui tremblent et la bouche sèche, je le vois qui approche.

 

Ma première impression est bien simple : Waouh ! J’ai le cœur qui bat à la chamade, mes jambes n’en finissent plus de trembler et une seule prière me traverse l’esprit « Ma bonne étoile je t’en prie, fais que je lui plaise aussi ! »

 

Damien me fait la bise et me fait comprendre grâce à quelques signes (que je ne comprends absolument pas) et à quelques mots difficilement articulés qu’il est malentendant.

 

C’est donc cet instant « décisif » qui aurait du me faire changer d’avis !

 

Comment faire pour se poser des questions telles que « Vais-je le revoir alors que nous avons du mal à communiquer ? » quand, le souffle coupé, on ne peut même pas se rappeler son prénom ?

 

J’ai juste une chose à dire à ce cher Damien.

 

Si langage des signes il avait fallut apprendre : langage des signes j’aurais appris !

Si problème de locution il y avait eu : problème de locution me serait passé au dessus de la tête!

 

Si mon cher amour pense de telles choses, c’est que je ne dois pas être bien douée pour montrer mon attachement.

 

Je crois sincèrement que le handicap ne peut mettre aucun point final dans une histoire, si dans cette histoire « amour » il y a. Je sais que dans ma vision de notre relation, le handicap a mit des points d’exclamation, des virgules mais jamais aucun point d’interrogation.

 

Je tiens à conclure cet article en disant à mon ami combien je l’admire et bien sûr combien je l’aime !