A parcourir les résultats des Européennes, on peut certes constater un émiettement des voix puisqu'hormis la nette victoire du parti des abstentionnistes, les autres listes s'éparpillent largement. Pas sûr pour autant que l'on puisse en tirer comme conclusion que notre paysage politique marche sur les pas de la glorieuse IV° République. Bien sûr, la multitude de petites listes à l'audience confidentielle et la faible mobilisation des extrêmes laisse à penser qu'un consensus mou s'affirme sans savoir quoi dire.

Un sentiment confirmé par le faible score d'un Modem qui s'y voyait déjà mais ne représente finalement rien de plus. Le PS, touché de la même manière, se voit talonné par des écologistes dont le triumvirat Bové-Joly-Cohn-Bendit ne laisse pas d'interpeller. Car le point commun entre toutes ces formations n'est-il pas d'être constituées de courants aussi divers que variés, alliés de circonstances autant qu'ennemis jurés d'hier. Et du coup bien incapable de proposer une position claire et une ambition sereine. Il est ainsi frappant d'entendre les élus socialistes évoquer chacun un point de vue différent alors que les écologistes s'attendent déjà à se déchirer et que les élus du modem s'interrogent sur les choix personnels et non partagés de leur leader. Quant à l'extrême gauche, elle a réussit sur les dépouilles du PC et autres trotskysme bon teint à constituer deux listes d'égale valeur qui s'entretuent pour mieux se priver de résultats…
Dans ce kaleidoscope j'ajouterai bien le FN dont la particularité est qu'il n'a pas rassemblé autant de courants qu'auparavant, un certain nombre ayant rallié le parti présidentiel.
On remarquera que les partis politiques ont d'autant plus de courants qu'ils n'ont pas d'idées suffisamment fortes pour imposer l'union.
En face, à contre-courant de tout cela, le bloc de droite parait un et indivisible, capable de parler d'une seule voix et de soutenir un seul homme. Que ce soutien soit voulu, factice ou subit il témoigne d'une vraie rupture, peut être la seule rupture de ce mandat. Elle est à la fois structurelle, un bloc face à la multitude, politique, un projet face aux critiqueurs anti-tout, humaine, un leader à droite face à des tonnes de prétendants à la carrure fragile.
Deux stratégies s'affrontent donc, celle de droite étant enviée par tous les autres qui cependant la dénonce… car la présidentialisation du pouvoir engendre la présidentialisation de… l'opposition. Le moindre acteur mineur se croit ainsi autorisé à s'imaginer un destin national avant même d'avoir le moindre projet ! Du coup l'unité est condamnée d'avance et ce ne sont pas les incertaines alliances possibles PS-verts, PS-Modem, Modem-verts, faites vos jeux.
Que Dominique de Villepin apparaisse comme le principal opposant du camp majoritaire en dit long sur l'état de notre démocratie et de notre système politique, l'intéressé n'ayant jamais abordé une seule élection…
Deux orientations nous sont offertes donc mais aucune ne s'impose vraiment car le bloc UMP a beau être soudé il est aussi exigu et peut attractif aux yeux d'autres formations. C'est dire l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. Petit indicateur des tendances à venir, on peut considérer que le bloc de droite élargit cependant sa discipline auprès de nombreux médias bien prompts à souligner ces derniers jours le "bond" dans les sondages de Nicolas Sarkozy. Ils sont apparus plus mesurés sur l'envol des dépenses de l'Elysée voire absents dans les détails sur l'extension de l'appartement de fonction de François Fillon… en plein scandale des notes de frais outre-manche, l'absence de parallèle avec nos édiles est pour le moins étrange…
Cette complaisance sera t'elle suffisante pour faire basculer l'opinion dans un camp ? pas si sûr. Le contexte économique et social ne s'annonce pas bien porteur pour les gouvernants qui peuvent toujours agir à contre-courant mais, dans ce secteur là, les apparences ne suffiront pas.