Le juge Fabrice Burgaud, chargé de l’instruction de l’affaire d’Outreau au début des années 2000 se voit condamné par ses pairs. Il reçoit un blâme lui reprochant maladresses et négligences. Les acquittés rejettent cette décision, l’intéressé également. 

 

Le blâme est la sanction la plus légère possible. Les actions de Fabrice Burgaud dans cette affaire de pédophilie, devenue un véritable tollé, ont été évaluées par ses collègues du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les sages ont estimés qu’il avait commis « un certain nombre de négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans la conduite de l’information ». Des erreurs qui ne sont pas condamnables séparément mais dont « l’accumulation constitue en l’espèce un manque de rigueur caractérisée ». Le professionnalisme, l’investissement et le sérieux du juge Burgaud ne sont donc pas remis en cause. 

Ceux que l’on appelle maintenant les victimes d’Outreau, 12 personnes accusées à tort, ayant pour la plupart fait des peines de prison préventive, se sentent lésées par cette décision. Alors que le ministère de la Justice réclamait une sanction plus sévère, un an d’exclusion de la magistrature, les acquittés estiment que les souffrances qu’ils ont endurées ne sont pas reconnues. Ils continuent de reprocher une attitude froide et désinvolte de la part du juge qui les aurait condamnés trop vite, sans vouloir les écouter. 

Les erreurs ont été multipliées dans cette affaire. Des exemples de non respect de la présomption d’innocence, des manquements aux procédures, la prise en compte de témoignages contradictoires, notamment chez les mineurs interrogés se sont multipliés au fil de l’instruction. Le juge Burgaud, isolé dans sa responsabilité de prise de décision s’est ainsi mépris sur des détails importants. Ces incidents ont coûté aux accusés innocentés plusieurs années de liberté et une terrible humiliation. Une accusation d’abus sexuel sur mineurs est souvent perçue avec une terrible violence par le public qui s’est fié aux avis du magistrat. Un 13ème accusé emprisonné à tort s’est donné la mort en prison. 

Cette affaire est devenue un argument de poids justifiant la réforme du juge d’instruction proposée par le président Sarkozy. Le rôle trop important et parfois ambigu de ce magistrat étant dénoncé par une partie de l’Assemblée Nationale. Réduire son autorité et préciser son rôle sont devenus un leitmotiv visant à tirer des leçons du procès Outreau. Nicolas Sarkozy a ainsi relancé ce débat la semaine dernière, ne voulant pas laisser passer cette occasion et souhaitant ne plus jamais voir ce type de dysfonctionnements. 

C’est en partie pour cette raison que Fabrice Burgaud rejette la décision du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il ne reconnaît pas les fautes qui lui sont reprochées et continue de clamer avoir mené cette affaire comme il l’aurait dû. Pour lui, les reproches qui lui sont faits sont faux. Il fait donc appel de cette décision et entend déposer un recours devant le Conseil d’Etat. Au-delà du blâme, c’est l’instrumentalisation de ce fiasco qu’il rejette. Pour lui, cette décision a été prise par ses pairs sous pression du public et des politiques ne pouvant tolérer que personne ne paie les conséquences d’Outreau. M. Burgaud note d’ailleurs qu’il n’est pas innocent que le président ait ressorti le dossier du juge d’instruction au moment même ou la décision le concernant devait tomber. 

Il n’y a donc pour l’instant aucune vraie réponse au naufrage du procès d’Outreau. Les acquittés accusent la magistrature de se protéger en couvrant ce jeune juge dont ils mettent en question la capacité à mener ce genre d’affaires en sortie d’école de la Magistrature. Le juge Burgaud lui clame sa compétence et son sérieux et refuse d’être sacrifié pour justifier une réforme politique. Les souffrances individuelles des familles, des enfants et des victimes du procès risquent vite de disparaitre dans la polémique qui s’annonce.   

 

Illustration : Françoise Bessières