Vous avez été nombreux à réagir sous l’article paru le 28 mars dernier, dans lequel, un Avocat Valenciennois  a remis en main propre, au Procureur de la République, une plainte contre X , ou  Sept détenus de la prison de Valenciennes,  se disent être victimes de violences de la part d’un groupe de surveillants de la maison d’arrêt !

 

 Claude VEYER, Magistrat Citoyen,  et Visiteur de Prison, a accepté, pour C4N de répondre à vos questions.

C4N : En quelques mots, Monsieur VEYER, pouvez vous nous dire, en quoi consiste le rôle de Magistrat citoyen:

Claude VEYER :             

La justice des mineurs comprend trois niveaux :La convocation au bureau du juge : comprenant un juge pour enfant (magistrat professionnel)

Le tribunal pour enfants: (comprenant un magistrat professionnel, juge pour enfants et deux assesseurs, magistrats citoyens personnes non professionnelles représentant le peuple  

La Cour d’Assise pour mineur (comprenant trois magistrats professionnels) 

Une fois tous les deux mois, j’assure le rôle difficile de Magistrat citoyen, qui consiste à juger les délits commis par des mineurs tout en ayant a l’esprit que nous sommes dans une démarche éducative.

Les peines  vont de la mesure éducative jusque la prison ferme selon la gravité des faits 

C4N :   Et celui de Visiteur de Prison,

 Claude VEYER :

 Pour nous, membres de l’Association des Visiteurs de Prison, la personne humaine se construit par l’échange, la Fraternité, la Solidarité.

Le bénévolat et la laïcité fondent notre démarche personnelle et notre engagement dans la Société.

Notre échange avec la personne détenue est fondé sur le principe d’égalité.

Nous respectons les convictions et les origines de chacun.

Nous nous efforçons de créer progressivement une relation empathique contribuant à l’existence, l’autonomie, et la responsabilisation de la personne.

Nous participons, en lien avec les professionnels, les autres bénévoles, et nos concitoyens, à une action d’intérêt général : l’insertion des personnes détenues, et la lutte contre la récidive !

L’Administration pénitentiaire reconnaît d’ailleurs comme nécessaire  notre présence auprès des détenus.

Nous devons respecter le règlement intérieur de l’établissement !

 

Nous devons entre autres, en cas de risque vital pour la personne détenue (conduite suicidaire, ou maladie grave), prévenir le personnel compétent, et, en cas d’informations relatives à la mise en cause de l’intégrité de personnes détenues, ou non, saisir légalement le Chef d’Etablissement, et, ou, le Procureur, l’avocat..

Ceci n’est qu’une partie de nos fonctions de visiteurs de prisons, mais  je pourrai éventuellement compléter la liste de nos attributions, au fil des interrogations de vos lecteurs, bien sûr

C4N : Les débats, qui se sont installés sous l’article du 28 Mars, m’amènent à reformuler  les questions essentielles soulevées par nos lecteurs :

Le problème du surpeuplement des prisons, est-il dû, uniquement à une recrudescence de la délinquance, ou a un système répressif qui se serait intensifié ces dernières années ? 

Claude VEYER :

La recrudescence en prison s’inscrit dans la mise en œuvre des lois sécuritaires de 2002 et les suivantes du temps ou Nicolas Sarkozy alors Ministre de l’Intérieur a criminalisé un certains nombres de délits, à cela s’ajoute les peines plancher contraignant le magistrat à condamner le prévenu à des peines minimum en cas de récidive 

CAN : Jean-Philippe Broyart, nous disait que l’on pouvait trouver entre Deux et Cinq détenus par cellules,

On soulève là, le problème de la promiscuité dans les prisons.

Qui décide de les réunir, et quels sont les critères de choix des prisonniers à mettre dans une même cellule ? 

Claude VEYER :

La décision de réunir des détenus appartient aux surveillants chefs. 

Parfois cela tient compte des durées de peine (on évite de mettre des courtes peines avec des peines plus longues) par exemple (en maison d’arrêt les durées d’incarcération vont de quelques semaines à plusieurs années) les longues peines 10 ans et à perpétuité  et dans certains cas les détenus condamné à 5 ans vont en centrale ou les régimes sont différents (par exemple les cellules des longues peines sont ouvertes le jour alors qu’en maison d’arrêt le détenu est encellulé la journée. Par ailleurs, il  n‘y a pas de surpopulation en Centrale.

Parfois les choix d’incarcération de certains détenus avec d’autres sont réalisés au mépris du bon sens.

On pourrait  supposer que ces choix malheureux sont voulus.  

Mais peut être que la surpopulation justifie ces décisions. D’autant que pour des raisons de sécurité les détenus sont régulièrement changés de cellules sans délai de prévenance.

La conséquence est que les détenus doivent s’organiser pour savoir qui couchera sur le matelas à terre     

 

   

 

C4N : Tous les commentateurs semblent être d’accord sur le fait qu’il faudrait faire travailler les détenus, pour éviter l’ennui, et peut-être pourquoi pas, commencer à les habituer à une prochaine réinsertion : 

Claude VEYER :

Comme dans la société civile tout détenu à droit au travail, comme dans la société tout le monde n’a pas accès au travail par manque d’activité à proposer. (Services généraux ou sous-traitance pour une entreprise extérieure)

Ceux qui vont en bénéficier sont ceux qui se « tiennent bien » Malheureusement même ceux qui se « tiennent bien » non pas toujours du travail. 

Un détenu peut gagner entre 50 et 200 euros par mois base d’un smic spécifique à la prison le SMR (travail à la pièce hors les services généraux) 

Sur la paie est retiré un pourcentage pour l’indemnisation des victimes si il y a lieu, puis un pourcentage pour constituer un pécule de sortie puis la télévision.

 Sur le reste le détenu doit faire face aux dépenses de premières nécessités : papier toilette, savon, timbres, payement des activités etc…

Chaque détenu a en charge l’entretien de sa cellule bien sur 

 

C4N : Le problème posé par « les pointeurs », qui sont les condamnés pour Viol ou Pédophilie, n’est pas prêt  d’être résolu dans les prisons, où la « promenade » réunit tous les détenus et cela, quelles que soient leurs peines : 

Claude VEYER :

Le pointeur  est un détenu malvenu en prison condamné pour son délit il est en but à la vindicte des autres détenus.

Cela se traduit souvent par des coups et blessures une forme de justice du milieu.

La promenade est un espace de non droit les surveillants pour leur propre sécurité ne sont pas en contact avec les détenus.  

En cas d’incident il peut parfois se passer du temps avant que la sécurité soit rétablie c’est là que les détenus règlent leurs conflits entre eux 

 

C4N : La Privatisation des Prisons a été longuement évoquée dans le débat qui s’est installé  le 28 mars dernier !

Les avis étaient partagés, et les arguments donnés par chacun valent la peine que l’on revienne sur cette question. 

 

Claude VEYER :

Je crois que l’Etat doit assurer  ses fonctions régaliennes. De mon point de vue il ne peut y avoir de privatisation (sous peine de dérive) de fonction aussi fondamentale telle que la  justice

 

 C4N : Une autre idée a été lancée par un des lecteurs, idée qui elle aussi a donné lieu à débat :

Que pensez-vous de la possibilité offerte par les casernes « désertées » par les Militaires, à la suite de la décision de fermer certaines d’entre elles ?

 

 Claude VEYER :

Nous disposons en France d’un patrimoine  important, parfois classé d’anciennes casernes.

Ces lieux sont dotés de service d’hébergement, de restauration de terrain de sport, d’atelier et même de salle de formation.  

Ensemble de services nécessaires  pour la mise en œuvre d’actions de réinsertion, de travail, d’hébergement et de restauration d’une population de détenus dont l’alternative entre  privation de liberté justifiée par la condamnation et la Maison d’arrêt n’existe pas.  

Nous pourrions développer dans ces lieux

         des programmes de resocialisation, de formation en vue de la réinsertion sociale et professionnelle,

        garder une fonction punitive justifiée par les actes de délinquance en privant de liberté le détenu,

        Par les tâches de réhabilitation, d’entretien  et de travaux type TIG menées sur l’environnement géographique,  permettre au détenu de subvenir partiellement à ses besoins.

        Vivre dans un environnement socio éducatif valorisant les valeurs de la république.

L’ensemble de ce programme permettrait d’alléger  le coût de l’incarcération et de développer de manière significative l’insertion et la resocialisation, un peu dans la démarche engagée par les Etablissements pénitentiaires pour mineur (EPM) ou la dimension éducative est équivalente à la dimension incarcération.  

 

 C4N : Une alternative à la prison a été évoquée, pour les peines « Mineures » : Les Bracelets électroniques ! 

 

Claude VEYER :

Les Bracelets électroniques  (en phase expérimentale) compte tenu de leurs faibles nombres en circulation (3900 en juin 2008) ne sont pas actuellement, une alternative à la prison.

Ils sont réservés aux détenus ayant réalisé une partie de leur incarcération et bénéficie pour bonne conduite de mesures alternatives à la détention, aux détenus ayant terminé leur peine et suivi pour leur dangerosité.

Dans  le futur il est envisagé de l’étendre aux prévenus comme alternative à la détention provisoire, et dans le cadre d’aménagement de peine. 

Cependant il faut noter que si le bracelet contribue à maintenir le lien familial pour certain cela ne concerne pas les isolés.

D’autre part les expériences en cours démontrent que le bracelet est difficilement supportable dans la durée, et que cela reste une prison sans les murs 

 

C4N : Parlons maintenant de la Réinsertion des prisonniers qui vont se retrouver dans la Vie active, après avoir purgé leurs peines :

 Claude VEYER :

Le Service Pénitentiaire  d’Insertion et de Probation en milieu ouvert et en milieu fermé (Service dépendant du ministère de la justice  et en sous effectif important) a pour tâche d’accompagner sur le plan social et de la réinsertion, assurer le contrôle des mesures en milieu ouvert, proposer des aménagements de peine aux magistrats, maintenir les liens familiaux et sociaux des personnes détenues etc…

Pour  les personnes  placées sous main de justice  soit environ 60000 en détention et 125000 condamnés à des peines autres que la prison.

Il faut ajouter à cela de nombreuses  associations d’aide aux détenus tel que « parcours de femme » qui s’attache à apporter une aide à l’insertion. 

 

C4N : Abordons  l’autre « versant » des Prisons 

Le personnel pénitentiaire :  des surveillants aux cadres :   Comment sont ils recrutés, ont-ils droit à une formation particulière ? 

 

Claude VEYER :

Le recrutement dans l’administration pénitentiaire est souvent le fruit d’un second choix.

Peu de personne  me semble –t-il envisage de  garder des détenus par vocation  et de passer leur vie en prison même si l’on peut rentrer chez soi après sa journée de travail.

 Recruté au niveau brevet des collèges après 8 mois de formation à l’ENAP prés d’Agen.

Au programme : Droit pénitentiaire, connaissance de la population prise en charge, gestion du stress, techniques d’intervention,

Une formation complète et sérieuse qui se bonifie avec l’expérience 

 

C4N : Comment expliquez vous le suicide ces derniers jours,  d’un surveillant à la prison de Luynes. 

Claude VEYER :

C’est le 9 éme suicide depuis le début de l’année.

A ce niveau on doit considérer qu’il y a un vrai malaise en prison si on ajoute à cela les 38 détenus suicidés ou en morts suspectes.

La prison est devenue  anxiogène. 

La mort de détenus est insupportable et dénote des disfonctionnements graves.

L’administration pénitentiaire doit protéger y compris contre eux même les personnes dont elle a la garde.

 Mais plus que tout elle à la responsabilité de faire travailler ses personnels dans les meilleures conditions, veiller au moral des ses troupes à qui elle demande un travail difficile et, a ce titre doit veiller de façon toute particulière à ce qui demeure un risque non négligeable compte tenu de l’environnement dans lequel ces personnels exercent leur mission 

 

C4N : Pour terminer notre entretien, une excellente initiative a été prise à la Maison d’arrêt de Valenciennes :

La Voix Du Nord de Dimanche dernier, à l’occasion du Paris-Roubaix,  consacrait quelques lignes au projet « le Tour de France des Prisonniers »

Pouvez nous en dire plus ? 

Claude VEYER :

Cette opération est l’œuvre du Directeur précédent Monsieur Chapu.

 Il considérait que le sport était  avec d’autres moyens, un outil privilégié pour assurer à la fois la paix sociale à l’intérieur de la prison et une bonne approche du gout de l’effort. 

Il a développé par le passé le Chti’Ventoux Parcours cycliste  annuel.

Le tour de France de cette  année s’inscrit dans la continuité de l’action qu’il a initiée avant de partir pour d’autres fonctions.

Voilà pour illustrer ce que pourraient être des remèdes pour répondre de manière intelligente au climat anxiogène des prisons et contribuer au réapprentissage des règles , de l’esprit d’ équipe, du gout de l’effort.  

 

Claude VEYER : 

Avant de nous quitter, il me semble important de rappeler  que les prisons ont été crées pour les raisons suivantes :

Protéger la société des personnes dangereuses

Décourager les gens de commettre à nouveau des actes interdits par la loi

Rééduquer le détenu de manière à le réinsérer

Et surtout soulager les victimes !

Mais ou l’on ne prend plus le temps au nom de la rentabilité de vérifier la conformité mettant ainsi en jeu la sécurité des personnels et des détenus.  

 

 Un Immense MERCI, à Claude VEYER,  d’avoir accepté, pour C4N, de répondre aux multiples questions posées par nos lecteurs !