L’obamamania déferle sur la planète : attention à ne pas succomber à un optimisme béat concernant sa volonté de provoquer un réel changement de la politique américaine et les marges de manœuvres dont il dispose pour le faire.


C’est entendu, l’élection de Barack Obama comme nouveau POTUS* est une bonne nouvelle. Nous ne parvenons pourtant pas à réellement nous enthousiasmer, au risque de ramer à contre-courant, et la raison en est simple : la victoire du candidat démocrate métis nous apparaît à plusieurs égards comme un trompe l’œil.

mccainSi c’est bien, sans surprise, Obama qui a remporté la Barack Academy – nous entendons par là le grand barnum, assez grotesque, d’une élection présidentielle américaine -, ce sont évidemment avant tout les Républicains qui ont perdu. "À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire", dit le poète. John Mac Cain était le candidat d’un désastre annoncé. Déjà qu’il n’était pas facile pour le représentant du parti de la droite américaine d’assumer l’héritage du bilan de George W Bush, on a ajouté le handicap supplémentaire du choix du sénateur de l’Arizona, à la rhétorique indigente et âgé de 72 ans : qu’il soit balayé comme un fétu de paille par la jeunesse, l’allant et le charisme d’Obama était couru d’avance. D’autant qu’on l’a affublé d’une improbable autant que calamiteuse co-listière, Sarah Palin. Et malgré tout cela, il s’est trouvé 47% des Américains pour voter en sa faveur : énorme ! De quoi relativiser l’adhésion, très loin d’être unanime on le voit, dont bénéficie le nouvel élu.

Pour le reste, nous ne sommes pas de ceux que transporte l’espoir de la mise en œuvre, aux États-Unis, d’une politique authentiquement de gauche. Ce serait oublier un peu vite dans quel pays nous nous trouvons, l’ancrage idéologique du Parti démocrate et son soutien sans failles au capitalisme libéral mondialisé : Obama n’est pas Guevara ! Malgré le préjugé favorable dont il jouit – corroboré par exemple par l’annonce, lors de son allocution radiodiffusée, d’élargir le champ de la protection contre le chômage, l’inverse de ce que font nos UMPistes, qui tentent pourtant de récupérer sa victoire -, il sera jugé, concrètement, sur ses actes.

obamamoneyMais il est déjà un reproche à lui faire : en refusant le financement public de sa campagne, il s’est ainsi affranchi du plafonnement imposé par ce cadre aux dépenses électorales, à 84,1 millions de dollars, et de l’interdiction de faire appel à des fonds privés. Alors qu’il avait promis l’inverse. Conséquence, selon l’analyste politique du Washington Post, David Broder : Obama "a probablement porté un coup fatal aux efforts entrepris après le Watergate pour limiter le rôle de l’argent dans la compétition présidentielle". À 573 millions de dollars de dépense, montant obscène s’il en est, sa victoire est celle de l’argent. À qui la doit-elle ? "Le candidat démocrate fait valoir qu’il a reçu 300 millions de dollars de petits contributeurs, qui ont envoyé, généralement par Internet, des sommes inférieures à 200 dollars (158 euros). Mais cela représente moins de la moitié de son trésor de guerre, alimenté pour le reste par les contributions venues d’entreprises ou de branches, au premier rang desquelles les avocats, suivis par les financiers et le show-biz", répond Le Monde. Le nouveau président des États-Unis risque donc bien, comme ses prédécesseurs, d’être l’otage des lobbies qui ont grassement contribué à le faire élire. Raison de plus pour douter qu’il parvienne à incarner un changement à la hauteur des espoirs qu’il suscite.

* Président of the United States