Madame Christine Lagarde semble découvrir comme beaucoup d'autres hommes politiques les "Hedge funds" cause de tous nos maux. Soit sa connaissance des marchés financiers est quasiment nulle (ce qui est inquiétant pour une ministre de l'économie), soit elle a la mémoire courte et alors : attention Alzheimer !

Et, pourtant, depuis la faillite du plus gros Hedge fund LTCM en 1998, les avertissements n'ont cessé de pleuvoir, mais aucun gouvernement n'y a prêté attention pire on a considéré que ces fonds étaient utiles. Et, soudain ils sont devenus tout à la fois peste et choléra…

Balayez devant votre porte, Mesdames et Messieurs les politiques et chers gouvernants qui n’ont rien fait depuis des années pour empêcher la situation actuelle…

 

 


En 2002, dans un ouvrage intitulé "Voyage au centre de la Bourse" j'expliquai ce qu'étaient ces fonds spéculatifs et relayait les mises en garde de nombreux économistes sur la dangerosité de ces produits dérivés :

"  Les hedges Funds"

"Pourquoi évoquer ce type de placement ? Tout simplement pour mettre en garde les épargnants contre un placement qui participe à la spéculation et qu’il convient d’éviter car certains de ces fonds se sont trouvés plus d’une fois au bord du gouffre.

A l’origine, c’est un moyen de se protéger : Hedge se traduisant par se couvrir. Il est donc paradoxal que LTCM, un des plus gros Hedge Funds, se soit trouvé en 1998 suite à des positions risquées sur des obligations russes (GKO) dans l’obligation d’avoir recours à la Réserve Fédérale américaine afin d’éviter de sombrer, au risque même de provoquer la déstabilisation du système financier international. En effet, Long Term Capital Management (LTCM), le hedge fund qui a fait faillite en septembre 1998, menaçait de faire tomber tout le système, ce qui a poussé la Réserve fédérale à organiser son sauvetage in extremis afin d’empêcher l’écroulement des marchés de produits dérivés.

Cette « désagrégation » a failli se produire à cause de la chute du Long Term Capital Management (LTCM). Ce hedge fund n’était pourtant pas dirigé par des novices. Son patron, John Meriwether, était considéré comme le meilleur trader en obligations chez Salomon Brothers, dans les années 80. Au conseil d’administration, on trouvait l’ancien vice-président de la Federal Reserve, David Mullins, ainsi que les deux prix Nobel d’économie en 1997, Robert Merton et Myron Scholes, récompensés pour leurs travaux sur… les produits dérivés.

Selon le New York Times, LTCM avait utilisé 4,75 milliards de dollars de son capital            « comme garantie afin d’acheter pour 125 milliards de dollars de titres, ceux-ci servant à leur tour comme garantie pour s’engager dans des transactions financières non orthodoxes d’un montant de 1 250 milliards de dollars ». Les engagements en produits dérivés étaient considérables et on estime par exemple que 25% des opérations à terme sur Paris étaient attribuables à LTCM.

Le problème est que Scholes et Merton, adeptes d’une analyse des mouvements cycliques, n’avaient pas prévu dans leur « formule » la crise systémique et le moratoire sur la dette russe. En effet, LTCM s’était spécialisé dans les contrats en produits dérivés sur le marché obligataire international, engageant des paris à la hausse sur les obligations d’Etat des marchés émergents. Suite au moratoire sur la dette russe, c’est exactement l’inverse qui s’est produit, menant LTCM à la faillite. Ce n’est que grâce à l’intervention énergique d’Alan Greenspan, apôtre du non-interventionnisme pour les autres pays, en particulier le Japon, que LTCM a pu être sauvé. Après quelques heures de négociations au siège de la Fed, seize banques se sont mises d’accord pour rassembler 3,75 milliards de dollars afin de racheter LTCM et prendre le contrôle de sa gestion. Dans ce cas précis, en partant de 4 milliards de cash, LTCM s’est exposé pour 200 milliards de dollars (50 fois ses actifs) juste avant de faire faillite. LTCM qui a été renfloué grâce à l’appui de la FED aurait pu perdre l’équivalent du PIB de la Russie ou la moitié de celui du Mexique ou encore trente fois celui de l’Ethiopie.

Cet événement aurait pu inciter les intervenants à plus de prudence. Loin s’en faut puisque Greenspan a continué à faire grimper artificiellement Wall Street, pour le plus grand bonheur des seize banques qui ont, en grande partie, récupéré leurs fonds.

Il faut savoir que l’exposition, c’est à dire la position sur le marché, peut parfois aller jusqu’à 200 fois sa mise de départ. Exemple : on peut en partant d’une somme modique de 10 000 francs (si on a pignon sur rue, c’est-à-dire si on est un financier reconnu comme George Soros) acheter ou vendre à découvert pour deux millions de francs !

Si vous gagnez, vous touchez les six numéros du Loto et si vous perdez, il vous faudra payer la différence à l’échéance et éventuellement hypothéquer vos biens mis en garantie.

Ce fossé entre l’objectif de départ des fonds et son utilisation actuelle montre bien l’évolution spéculative et dangereuse de ce genre de produits. En effet, depuis leur création en 1949 le concept a évolué pour permettre aux investisseurs de réaliser de fortes plus-values à court terme en s’appuyant sur des modèles mathématiques très complexes.

En France, les hedge funds font partie de la gestion dite alternative qui recouvre surtout les fonds de futures dans le cadre des FCIMT (fonds commun d’intervention sur les marchés à terme). Pour résumer c’est de la spéculation à court terme sur la hausse ou la baisse des marchés (actions, devises, taux ou matières premières) en amplifiant les tendances par des produits dérivés.

Les hedge funds cherchent donc à profiter du manque d’efficience temporaire des marchés. Ils sont peu développés dans l’hexagone en raison de l’interdiction qui leur est faite de faire de la publicité à destination des épargnants mais font la une des médias parce qu’ils sont entourés d’un halo de mystère (90 % d’entre eux s’étant réfugiés dans des paradis fiscaux avec l’appellation offshore).

Aux Etats-Unis, ce sont des structures privées qui n’ont aucun compte à rendre à la SEC, (équivalent de la COB  en France). George Soros, le spéculateur américain spécialiste des devises, a beaucoup investi dans les hedge funds pour son fonds Quantum.

Des vœux pieux ont été exprimés par les autorités politiques américaines qui ne souhaitent pas plus de réglementation mais plus de transparence. Malheureusement, ils ne risquent pas d’être exaucés car les intérêts des banques qui leurs prêtent de l’argent sans vérifier la qualité des actifs dictent la plupart du temps leur loi aux marchés.

En définitive, on notera que les spécialistes de ces fonds assez particuliers sont satisfaits des performances extraordinaires de 1999 et un des hauts fonctionnaires de la Maison blanche traduit ce sentiment par ces mots : « Nous ne sommes pas préoccupés par l’expansion des hedge funds mais par le risque que la faillite de l’un d’entre eux n’entraîne le reste de l’économie mondiale » puis il ajoute : « Il n’est pas étonnant qu’ils fassent faillite de temps à autre, ils sont destinés aux investisseurs sophistiqués qui peuvent se permettre de perdre de l’argent ». Il est vrai que le ticket d’entrée pour acquérir ces fonds est tellement élevé qu’ils ne sont pas à la portée de toutes les bourses ce qui rend impossible leur démocratisation.

Le FMI, par le biais d’un de ses rouages, a décidé de prendre un certain nombre de mesures pour limiter leur manque de transparence et leur effet de levier : « Le Forum de Stabilité Financière (FSF), qui a pour fonction d’assurer une intégration des analyses macro et microéconomiques des vulnérabilités du système financier international, a publié au début de l’année 2000 plusieurs rapports formulant des recommandations visant à renforcer et améliorer la régulation prudentielle, afin de réduire les risques d’instabilité financière. Deux rapports et les recommandations associées, ont notamment marqué les travaux du FSF : celui sur les centres off-shores dont la qualité de la régulation prudentielle avait été jugée insuffisante et celui sur la régulation des institutions à fort effet de levier (hedge funds) (…) Par ailleurs, l’absence de progrès aux Etats-Unis sur le projet de loi sur la transparence des hedge funds (projet de loi Baker) et la décision de la nouvelle Administration de revoir cette initiative, est susceptible d’atténuer fortement la dynamique des travaux du FSF sur cette question. »