Le 22 août dernier, Christine Lagarde, entre méthode Coué, dogmatisme idéologique et foutage de gueule, subtil registre dans lequel elle excelle, avait "embouché la trompette de l’autosatisfaction", comme moque l’Humanité. Le PIB recule, l’inflation, le chômage montent ? La récession menace-t-elle le pays ? Rassurez-vous, pour Madame la marquise Lagarde, tout va très bien ! Objet de son optimisme béat, on vous le donne en mille, les bienfaits de la loi TEPA concernant les heures supplémentaires défiscalisées : "Environ 6 millions de salariés (près de 4 millions de foyers) ont déclaré des heures supplémentaires exonérées, pour un montant total d’environ 1 540 millions d’euros, soit près de 400 euros par foyer", jubile la ministre de l’Économie. Extraordinaire performance que celle de parvenir à donner un chiffre : l’organisme de la Sécu fédérant les URSSAF lui-même, l’ACOSS, dont le rôle est justement de collecter les données dans ce domaine, a expliqué qu’il était impossible de chiffrer le nombre de salariés effectuant des heures sup à partir des seules déclarations des entreprises. Lagarde invente, donc. Son expertise économique se limite à l’estimation au doigt mouillé. Mais passons. Quand bien même de nombreux salariés en bénéficieraient, que pèsent-ils proportionnellement par rapport au reste des Français, qui subissent un recul du salaire annuel moyen de 0,5% sur l’année ? Est-il légitime de se féliciter de cet effet marginal quand on considère le coût de la mesure, chiffré par Bercy à quatre milliards d’euros ? Sans compter que favoriser les heures supplémentaires impacte* forcément de façon négative les créations d’emploi. Ce qui devient carrément irresponsable dans un contexte où même les artifices comptables et la pratique des radiations massives ne parviennent plus à masquer la progression du chômage.

g duvalC’est le message véhiculé par Guillaume Duval, rédacteur en chef de l’excellente revue Alternatives Économiques, que nous n’avons de cesse de chaudement vous recommander. Il démonte de façon implacable l’absurdité du discours de la droite lorsqu’elle prétend vanter ses heures sup’ à "travailler plus pour gagner plus", dans un article qui a pour titre Chômage et heures sup : au royaume d’Ubu. Passionnant à lire dans son intégralité, il contient ce passage particulièrement jubilatoire, aussi limpide que féroce : "En période de croissance relativement rapide et de baisse du chômage, comme c’était le cas en 2007 lorsque Nicolas Sarkozy est devenu président de la République, c’était déjà une politique étrange que d’inciter, avec force argent public, les entreprises à faire faire des heures supplémentaires aux salariés déjà en poste plutôt que d’embaucher des chômeurs ou des jeunes qui sortent de l’école. (…) Mais aujourd’hui, il est tout simplement surréaliste de se féliciter de la poursuite de l’accroissement du nombre de ces heures supplémentaires. Un petit calcul de coin de table illustre l’absurdité d’une telle démarche dans le contexte actuel : un emploi salarié coûtait en 2007 41 000 euros en moyenne en France. Au lieu de dépenser 4 milliards d’euros avec comme résultat de dissuader les entreprises qui le pourraient d’embaucher, l’État pourrait donc, avec la même somme, financer entièrement 100 000 emplois supplémentaires (…). Si les pouvoirs publics doivent aider des gens à « travailler plus pour gagner plus », qui pourrait contester que ce soient d’abord les chômeurs, dont le nombre augmente de nouveau, qui doivent en priorité profiter de cette aide ?"

Qui le contesterait ? Mais nos gouvernants, pardi.

 

* Pour faire comme les vrais économistes sérieux, nous nous étions promis d’utiliser le verbe "impacter". Mission accomplie.