Ce que nous voulons mettre en avant en priorité, c’est de créer toutes ces places. Parce qu’un droit qu’on peut créer pour la justice (…), si on ne crée pas les moyens en face, à quoi ça sert ?", s’est interrogée Nadine Morano, secrétaire d’État à la Famille.

Une parole évidemment pleine de bon sens. Faisait-elle allusion au Droit au logement opposable, le fameux DALO dont nous nous demandions s’il n’allait pas finir à l’eau ? Elle dénoncerait alors la formidable hypocrisie de cette loi, qui aboutira dans l’écrasante majorité des cas à "garantir" le droit à un logement… qui n’existe pas !

On estime en effet qu’entre 600 000 et 900 000 familles, logées dans des conditions indignes, sont aujourd’hui d’ores et déjà concernées par la loi magique censée résoudre le problème. Et magique, elle aura bien besoin de l’être : comment sinon installer ces 600 000 à 900 000 familles dans les… 60 000 logements dont disposent les préfets ?

Il n’y a aujourd’hui de la place que pour, au mieux, 10% des mal logés éligibles au DALO. Sans compter entre parenthèses que les mal logés sont en réalité plus nombreux que ça : le rapport 2007 de la Fondation abbé Pierre dénombre 3,2 millions de personnes : 100 000 SDF, 100 000 habitants à l’année en camping ou mobile home, 1,15 millions dans des logements sans WC, salle d’eau ou chauffage et 1 million en situation de "surpeuplement accentué". Mais tout ça n’a pas empêché le Premier ministre, François Fillon, d’oser dans une interview au Financial Times : "Il n’y a pas de crise du logement dans notre pays" ! 

"Un droit qu’on peut créer pour la justice (…), si on ne crée pas les moyens en face, à quoi ça sert ?", s’exclame donc notre Castafiore*. Elle a raison : quand on crée le DALO, il serait impensable dans le même temps de ne pas redoubler d’efforts dans la construction de logements sociaux. C’est pourtant exactement ce que fait Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, avec son projet de loi "de démobilisation pour le logement et d’aggravation de l’exclusion". Si la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), dans le collimateur boutinien, "oblige" à construire 20% de logement social, quelque 330 villes (sur 730 concernées) ne la respectent pas, préférant payer des amendes. Le 13 février dernier, Christine Boutin avertissait, dans un communiqué : "la volonté de l’État d’appliquer avec la plus grande détermination la loi SRU ne peut être mise en cause". Va-t-elle donc alors aggraver les sanctions, et même se substituer aux communes récalcitrantes en construisant les logements manquants à leur place ? Que nenni : elle veut inclure dans les 20% de logements sociaux l’accession sociale à la propriété. "Les ménages les plus modestes ne sont pas en mesure d’accéder à la propriété", tempêtent les associations. Alors que ces derniers ont désespérément besoin que l’on construise de nouveaux logements pour eux, les communes récalcitrantes pourront légalement diminuer leur nombre. Donc, "si on ne crée pas les moyens en face", avoir voté le DALO ne sert à rien, comme le constate Nadine Morano. Si ce n’est à générer des situations absurdes dénoncées par l’association Droit au logement : "si l’État est condamné, il peut être contraint à se verser à lui-même une astreinte, dont le demandeur super-prioritaire ne verra pas la couleur et qui ne lui donnera pas pour autant un logement". Foutage de gueule ! Un membre du gouvernement admettrait-il enfin que, en langage des promesses du candidat Sarkozy, SDF était l’acronyme de Stop, Démagogie Flagrante ?

Au temps pour nous : on nous informe à l’instant dans l’oreillette que Nadine Morano ne parlait pas du DALO, affaire dans laquelle le gouvernement a pourtant fait exactement ce qu’elle dénonce, mais du Droit opposable à la garde d’enfants (DOGE  ?), promis par Sarkozy d’ici 2012. Elle qui ne cesse de proclamer sur tous les tons que le président applique son programme, il est certaines promesses qui s’envolent en fumée, n’est-ce pas Nadine ? Bon, on oublie pour l’instant cette histoire de droit de garde en 2012, "créons d’abord des places, on verra après si ça suffit", nous expliquez-vous en substance. Au fait, on prend les paris ? Mais puisqu’on en est à parler des engagements du président, comme vous le faites si souvent, Madame la secrétaire d’État à la Famille : que promettait Sarkozy à propos, justement, des allocations familiales ? De les accorder dès le premier enfant. Au lieu de ça, qu’avez-vous fait ? Non seulement avoir un seul enfant n’ouvre toujours le droit à rien, alors que les familles monoparentales sont les plus frappées par la vague de pauvreté qui gagne la France, mais vous avez osé baisser les allocations qu’on touche à partir du deuxième. Brillante mesure grâce à laquelle 4,5 millions de familles percevront 600 euros de moins ! Ce qui n’a pas empêché la secrétaire d’État de prétendre que le gouvernement "ne souhaite pas diminuer le montant des allocations familiales", alors qu’il retire d’une main 138 millions d’euros pour n’en remettre que 40 de l’autre ! En novembre 2006, Morano avait lancé à l’intention de Ségolène Royal : "A un moment, il faudra arrêter l’adage "sois belle et tais-toi" et dire "sois belle et parle". Mais chaque fois qu’elle ouvre la bouche, la pasionaria UMPiste nous donne envie de lui suggérer une autre formule célèbre, "Tais-toi quand tu parles !

PS : Le visuel de Morano en Castafiore provient du blog CPolitique

* Lire La guerre des sarkozettes.