Et après, on va nous parler d’ "idéal olympique" ! Déjà, le Comité international n’aurait jamais dû accorder les JO à la Chine. Cette manifestation sportive offre une vitrine planétaire à un régime tyrannique qui opprime ses minorités et ses opposants. Les soviétiques avaient leurs goulags, les Chinois ont leurs laogaïs.

On a entendu un Bernard-Henri Lévy, avec tant d’autres, pousser de longs sanglots à la mort de Soljenitsyne, célébrant la mémoire de celui qui a dénoncé l’univers concentrationnaire de l’URSS. En Chine, c’est aujourd’hui que ça se passe. Ce n’est un mystère pour personne, Lévy est très loin d’être notre tasse de thé. Lire par exemple ce que nous pensions de son dernier ouvrage, Ce grand cadavre à la renverse. Ou encore comment nous jugeons sa prise de position dans l’affaire du licenciement de Siné par Philippe Val. Mais nous sommes par contre pleinement en accord avec ce qu’il écrivait en avril 2007, à propos de l’idée d’un boycott des JO de Pékin, comme moyen de pression pour mettre un terme à la tragédie du Darfour – le régime de Khartoum étant soutenu à bout de bras par la Chine. Il répondait au candidat Sarkozy de l’époque qui jugeait l’idée "championne olympique" parmi toutes les "idées stupides" : "Je passe sur les considérations du style « veut-on que la Chine s’ouvre ou se ferme ? veut-on qu’elle devienne la Corée du Nord ? » C’est toujours ce que l’on dit ; c’est toujours comme cela que l’on se justifie quand on a décidé, au nom de la realpolitik, de s’asseoir sur les principes ; or, Nicolas Sarkozy le sait aussi bien que moi, c’est toujours une faute ; c’est toujours une erreur d’analyse ; et c’est un discours qui, de surcroît, est toujours reçu comme un outrage, voire un lâchage, par ceux qui, sur place, luttent pour que leur pays s’ouvre, vraiment, aux droits de berlin 1936l’homme et aux libertés. Je passe enfin sur l’argument bizarre selon lequel les JO ne s’étant pas interrompus, en 1972, après le massacre des athlètes israéliens à Munich, il n’y aurait pas de raison, cette fois non plus, de réagir outre mesure : pourquoi ne pas invoquer, tant que l’on y est, le précédent des Jeux nazis de 1936 ? Et pourquoi ne pas ériger en principe la règle selon laquelle les lâchetés commises par les aînés, loin de servir de leçon pour les cadets, devraient valoir excuse pour les infamies à venir ?" Eh oui, BHL, tout imposteur insupportable de fatuité et d’hypocrisie qu’il soit, écrit parfois des choses sensées…

sarko chine

Il ne fallait donc pas attribuer les Jeux à Pékin. Mais une fois prise cette décision scandaleuse, s’imposait alors évidemment le boycott de la cérémonie d’ouverture. L’attitude d’un Nicolas Sarkozy, qui fait mine de poser des conditions à sa venue pour finalement se mettre à plat ventre devant les milliards de l’économie chinoise, est ainsi particulièrement méprisable. Lui aussi s’est fendu de son hommage à Soljenitsyne, mais les laogaïs chinois d’aujourd’hui semblent beaucoup moins le déranger que les goulags du passé soviétique. Diable, il faut bien vendre des réacteurs EPR pour centrales nucléaires, avant de piller le patrimoine national français en privatisant Areva, pour que son ami Bouygues s’en mette encore plus plein les poches. Mais ceci est une autre histoire.

Que les athlètes se soient préparés durant quatre ans et qu’il ne faille pas les prendre en otages est un argument éventuellement recevable. Va donc pour respecter la compétition. Bien qu’à notre avis, un sportif reste un citoyen et qu’il s’honorerait de manifester d’une quelconque manière son opposition au régime chinois, par le port d’un badge par exemple – n’est-ce pas David Douillet ? Même si ces Tartuffe du CIO l’interdisent, la dignité commande de ne pas se coucher. Refermons la parenthèse : va pour le respect de la compétition, disions-nous. Mais la cérémonie d’ouverture ? À quoi sert-elle sinon à montrer avec éclat au monde entier à quel point les Chinois sont puissants, leur stade superbe et leur manifestation grandiose ? Cette cérémonie constitue bien objectivement une propagande en faveur de la pekin2008dictature chinoise. Une image illustre pour nous parfaitement à quel point est dévoyé le fameux "idéal olympique" : celle de soldats de l’ "armée du peuple" portant le drapeau en défilant au pas de l’oie. Ils l’ont osé ! En pleine cérémonie d’ouverture de Jeux censés promouvoir la paix, les officiels chinois ont infligé au monde la mise en scène du symbole par excellence de la guerre. Pourquoi pas les chars de la place Tian An Men faisant un tour de piste du Nid d’oiseau, comme est baptisé le stade olympique ? Cette exaltation de la puissance militaire dans ce contexte constitue un véritable crachat à la face de l’esprit du sport. Des soldats n’ont rien à faire aux JO. Les JO n’ont rien à faire en Chine. Et la France n’avait rien à faire à la cérémonie d’ouverture.

secret joMise à jour : chez votre marchand de journaux, sortie en kiosque du n° 1 des Dossiers de l’Esprit frappeur, Le secret des J.O., ainsi présenté par son éditeur : quelques textes choisis pondus par les esprits fondateurs de l’olympisme antique et surtout moderne : le baron de Coubertin ( "Nous en venons donc à la conclusion que le sport est une excellente préparation physique au service militaire, qu’il peut engendrer ou fortifier des qualités morales nécessaires au soldat" ) ; l’abbé Didon ( "Quand nous aurons battu les intellectuels – l’heure approche, car le muscle triomphe – nous verrons disparaître des boulevards ces romans dont on s’empoisonne. Quelle belle victoire !") ou encore Maurras ("Bien loin d’étouffer les passions patriotiques, tout ce faux cosmopolitisme du Stade ne fait que les exaspérer. Je suis loin de m’en plaindre. […] On le voit, les patries ne sont pas encore détruites. La guerre, non plus, n’est pas morte. […] Les Bismarck à venir ont encore de la carrière."). Vous trouverez aussi les J.O. année par année depuis 1896, avec les performances des athlètes et des pouvoirs en place : les "Jeux anthropologiques" de Saint Louis en 1904, où l’on se moque des manières de quelques poignées de métèques qu’on a fait venir du monde entier (Philippins, Pygmés, Indiens ou Turcs…), la façon dont le Front populaire de 1936 refuse son soutien aux J.O. de Barcelone pour envoyer une délégation à Berlin faire le salut nazi devant Hitler, et comment le putsch de Franco intervient le jour même de l’ouverture des J.O. républicains, les empêchant de se tenir ; ou encore le massacre par l’armée mexicaine de 200 à 300 étudiant à Tlatelolco quinze jours avant les JO de 1968…