Un joli duo cette semaine dans l’actualité : Bernard-Henri Lévy et Rachida Dati se disputent la palme de la tartufferie. Avec tant de maestria qu’il est bien difficile de les départager !

Qui a écrit : "Chacun voyait bien : là [à l’arrière du front pendant la Seconde guerre mondiale, NdA], les juifs étaient plus nombreux qu’en première ligne" ? Alexandre Soljenitsyne, dans Deux cents ans ensemble, Volume 2. L’historien Viktor Dachevski, comme le relève le Nouvel observateur, vice-président du Centre antifasciste de Moscou, rectifie : "Quelque 500 000 juifs soviétiques ont fait la guerre et 200 000 y ont péri". Qui a donné de façon sélective le nom des commandants juifs du camp de concentration où il était prisonnier ? Le même, dans L’archipel du goulag. Qui a estimé que, dans la révolution russe, les juifs avaient joué un "rôle disproportionné (…) insensible au peuple russe et déconnecté de l’Histoire russe" ? Toujours lui ! Or, une étude de l’historien Mark Deitch dénombre 43 juifs parmi les principaux acteurs de la scène politique russe en 1917, dont seulement 16 étaient bolcheviques. Assez d’exemples : on le voit, Soljenitsyne était clairement antisémite. Or que dit de lui bhl entartéBernard-Henri Lévy ? "Je suis très bouleversé par la mort de Soljenitsyne. Sa vie a été bouleversante. Son oeuvre a été bouleversante. Et sa mort est évidemment bouleversante. Il fut autant que les États-Unis d’Amérique tout entiers et que le Vatican tout entier l’un des responsables de la débâcle du communisme. Si le communisme s’est effondré, nous le devons aussi pour une large part à cet immense écrivain qu’était Soljenitsyne. Soljenitsyne a réussi là où des générations d’idéologues, de philosophes, de théoriciens avaient échoué (…), c’est-à-dire qu’il a réussi à rendre évidente l’horreur du système concentrationnaire soviétique, par conséquent, l’horreur du système qui l’avait produit." En attribuant aux juifs une responsabilité majeure dans sa mise en place ! L’homme qui pourfend Siné au prétexte fallacieux de la lutte contre l’atisémitisme (lire notre article à ce sujet) ne se gêne pas pour manier le dithyrambe en saluant la mémoire d’un écrivain qui s’est par exemple acharné à minimiser les pogromes (comme le montre l’historien Jean-Jacques Marie, dans un article titré L’antisémitisme complaisant de Soljenitsyne). Il y a des entartages qui se perdent !

dati"Nous n’aurons aucune faiblesse" : c’est le tube de l’été de Rachida Dati. Elle l’avait déjà entonné fin juin à Vitry-le-François, après une vague de violences urbaines. "Nous n’aurons aucune faiblesse vis-à-vis des voyous. Ils seront recherchés, interpellés, condamnés le plus fermement possible", avait-elle textuellement déclaré. Imagine-t-on qu’elle dise le contraire, "Nous serons faibles avec les voyous" ? Dati roule des épaules et bande ses petits muscles, adoptant la posture du matamore chère à son mentor présidentiel. Signalons-lui tout de même que le fait que les voyous soient recherchés et interpellés regarde la police, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, pas de la sienne. Et qu’ils soient "condamnés le plus fermement possible" dépend des magistrats qui jugeront les affaires ! La ministre n’a pas à leur dicter leur conduite, séparation des pouvoirs oblige. Mais la Dati ne s’embarrasse pas de scrupules quand il s’agit de faire de la démagogie. "Nous n’aurons aucune faiblesse. Même s’ils sont irresponsables, ils [les coupables] ne seront pas relâchés sans une surveillance judiciaire stricte", s’empresse-t-elle d’annoncer à la suite de l’arrestation du couple de "marginaux", comme les qualifient tous les médias, à la culpabilité fortement présumée dans l’affaire du meurtre du petit Valentin. Une "surveillance judiciaire stricte" ? "Je ne vois pas sur quel fondement elle peut parler de surveillance judiciaire sur une personne déclarée irresponsable, s’étonne un magistrat interrogé par 20minutes.fr. Après l’ordonnance d’irresponsabilité pénale prononcée par la chambre de l’instruction, les individus vont être placés en hôpital psychiatrique par les autorités administratives, et les médecins apprécieront leur évolution. Et sur avis médical, les autorités administratives pourront lever ce placement."

"Nous ne laisserons plus les délinquants de ce type dans la nature. Je rappelle que la loi () sur la rétention de sûreté, sur les mesures de sûreté, permet d’éviter que ce type de délinquants, que ce type de criminels ne soit remis en liberté sans aucune mesure de sûreté", affirme aussi la ministre (vidéo sur le blog de La mouette). "C’est-à-dire que, si ces personnes sont condamnées, elles ne ressortiront pas sans mesure de sûreté. C’est notre détermination et c’est les engagements du président de la République. Cette loi sera applicable à ces deux individus. (…) Nous ne laisserons pas ce crime impuni. Désormais, ces délinquants dangereux ne pourront plus échapper à la justice." Ou comment assurer le service figaroaprès-vente de la loi Dati sur la rétention de sûreté… Le Figaro, comme toujours parfait pour relayer la propagande gouvernementale, lui emboîte le pas. Sauf que cette loi ne devrait pas s’appliquer ! Dati, qui en est évidemment pleinement consciente, prend la précaution de préciser "si ces personnes sont condamnées". Pour qu’elles le soient, il faudrait qu’elles soient jugées par les psychiatres pénalement responsables. Or, pensez-vous que quelqu’un qui est capable de tuer un petit garçon, croisé au hasard dans la rue, de quarante coups de couteau, sans aucun motif, possède toutes ses facultés mentales ? Aussi atroce que soit ce fait-divers, la réponse coule de source. Ce criminel est un dément. Il sera vraisemblablement expertisé comme tel et hospitalisé d’office dans un établissement psychiatrique. Et la loi Dati, malgré tout le cinéma que fait la ministre, en flagrant délit de racolage populiste, n’a absolument rien à voir là-dedans.

Alors, à qui la palme de la tartufferie ? Lévy, Dati ? Faites vos jeux. Quant à nous, devant une telle virtuosité dans cet art difficile, nous nous inclinons bien bas et les plaçons ex-aequo.