Le 1er mai, 63 645 détenus peuplaient les 200 prisons françaises, à 7 personnes du record historique qui datait de juillet 2004… battu le 1er juin avec 63 838 détenus. Triste bilan : 23,6 % d’augmentation sur un an du nombre de personnes incarcérées en surnombre. Le nombre de places disponibles étant de 50 807, le taux de densité carcéral atteint 126% (contre 102% en moyenne pour les États-membres du Conseil de l’Europe). Près des deux tiers (63%) des établissements pénitentiaires sont en surpopulation, 7% souffrant même d’une densité de 200% : en moyenne, deux détenus pour une seule place !

Le nombre de détenus de juillet n’a pas été publié mais, selon une source syndicale pénitentiaire citée par LCI, l’Administration pénitentiaire aurait confirmé, vendredi, que "le chiffre des 64.000 était dépassé, ce qui n’est pas étonnant compte tenu de l’évolution récente." datiLe syndicaliste fait sans doute allusion à la politique ultra répressive mise en place par Sarkozy, via son âme damnée du ministère de la Justice, Calamity Dati : atténuation de l’excuse de minorité, rétention de sûreté et peines plancher. Une démarche populiste, gesticulatoire et inefficace. Mais l’on sait le modèle de société cher à "Sarkozy l’Américain" – surnom dont il s’est fièrement revendiqué lors d’une visite outre-atlantique : aux États-Unis, un habitant sur 100 est sous les barreaux.

En France, on n’en compte encore "que" 0,1 sur 100 (102 pour 100 000, chiffre de 2007), même si l’augmentation atteint 32,3% depuis 2002. Les détenus américains sont au nombre de 2,3 millions, c’est-à-dire 25% de la population carcérale mondiale (pour 5% de la population totale) : un prisonnier du monde entier sur quatre est Américain ! Pourtant, le taux de criminalité là-bas indique 5,6 meurtres pour 100 000 habitants, contre 1,7 pour la France (statistiques de 2003). Qu’à cela ne tienne ! On prend des postures de matamore, on prétend juguler le crime par une sévérité accrue alors qu’on sait précisément pourtant que l’incarcération favorise la récidive !

Signalons enfin la tragique incompétence de Rachid’âne en la matière, qui déclarait le 19 mai dernier : "Il y a, je crois, à peine 6% des établissements qui seraient en surpopulation", quand le vrai chiffre était, on l’a vu de 63% ! Pour mémoire, rappelons pour conclure que le rapport sénatorial sur Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France de juin 2000 parlait d’ "humiliation pour la république", et que Nicolas Sarkozy promettait, lors de la campagne électorale pour la présidentielle : "Beaucoup d’améliorations ne doivent pas moins être apportées à notre régime carcéral. Citons (…) la surpopulation". Il ajoutait : "il ne sera plus possible, en France, d’obliger un détenu à partager sa cellule. (…) Je veux également réformer en profondeur nos prisons pour qu’elles soient un lieu de préparation de la réinsertion, pas un lieu d’aggravation de la relégation".

Comment des prisons à ce point surpeuplées, ce qui constitue un "traitement inhumain et dégradant" suivant le Comité de couv'prévention de la torture du Conseil de l’Europe, qui stigmatise les prisons françaises, pourraient-elles être un lieu de préparation de la réinsertion ? Dans cette matière comme dans combien d’autres domaines (voir Sarkozy, la grande manipulation, mai 2006, Éditions les points sur les i), le président fait exactement le contraire de ce qu’il avait annoncé.

Et pendant ce temps-là subsistent des situations telles que décrites en 2004 déjà par le blog Cuverville, s’agissant en l’occurrence de la maison d’arrêt de Toulon Saint-Roch (construite en 1927), où le taux de remplissage atteignait 250%, soit 145 places pour 350 détenus : "Trois, voire quatre personnes sur 9 m², la dernière dormant sur un matelas placé au sol, enfermées ensemble 22 heures par jour quand on a enlevé les deux heures de « promenade ». Comble du raffinement : un WC avec une cloison fragmentaire, intégré aux 9 m² et deux, voire une seule douche par semaine (pour cause de manque de personnel). L’été dernier, il faisait 40° dans certaines cellules. Bien sûr, le détenu ne choisit pas ses colocataires, le plus « faible » devient quelquefois l’esclave du caïd, rendant l’enfermement insupportable." Comment dès lors s’étonner que "le nombre des suicides en prison a augmenté de 200% au cours des 20 dernières années. 60% des suicidés sont en attente de jugement, donc présumés innocents, et un tiers des suicides a lieu pendant le premier mois de la détention", comme le constate l’Observatoire des suicides dans les prisons françaises  ?