Le socialiste Jean-Luc Mélenchon a largement dérapé à l'antenne de France Info alors qu'il parlait du Tibet. Dans un discours ambigu, où il dénonce l'imposture manichéenne des "gentils tibétains contre les méchants chinois", il a alors comparé les moines tibétains à «plusieurs milliers de bons à rien (qui) passent leurs journées à faire des prières et à agiter des moulins à prières» ! Avant d'affirmer : «oser dire ce que je dis y'a que moi qui le fais, parce que je suis capable d'assumer». Mais est-ce vraiment du courage ou de la bêtise Monsieur Mélenchon ?

 

Cette crise sino-tibétaine passionne, c'est clair ! Mais entendre Mélenchon se révolter contre le manichéisme, déclarant en gros qu'il ne se laisse pas avoir par l'apparence sympathique des bouddhistes, avant de le voir tomber dans l'excès inverse, c'est à dire un tas de préjugés et d'idées fausses concernant le Tibet, c'est trop.

A croire Mélenchon, la Chine n'a jamais envahi le Tibet, et si le Dalai Lama est en froid avec Pékin, c'est juste parce qu'il voulait conserver le statut de "servage" (les tibétologues refusent d'ailleurs l'usage de ce terme impropre) et profiter de ses esclaves bien installé au sein de sa théocratie.  Sur ces quelques mots, Mélenchon s'en est pris à Robert Ménard, fondateur de Reporters Sans Frontières, qu'il a décrit comme un «clown» et un spécialiste des avances avancées des positions des Etats-Unis», avant de dire qu'il l'attendait devant Guantanamo ou à Washington. Mélenchon sombrerait-il également dans les thèses conspirationnistes affirmant que Reporters Sans Frontières est à la solde de la CIA ?

La vidéo :

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Certes l'Histoire tibétaine n'a rien du paysage idyllique décrit par les films et par certains dignitaires tibétains eux-même, mais il est reconnu aujourd'hui que le Dalaï Lama souhaite une démocratisation du Tibet. Peut-on résumer l'Histoire du Tibet à une ancienne théocratie, qui n'existe plus ? D'ailleurs, Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l’Ecole pratique des hautes études (section sciences religieuses), répondait à ce sujet pour corriger certains points :

« Le Parti communiste chinois prétend avoir « libéré » le Tibet de la noblesse esclavagiste. Existait-il un « esclavage » au Tibet avant 1949 ?

Le mot « esclave » est parfaitement impropre. Très schématiquement, on peut dire que le Tibet était une société à strates, très hiérarchisée, dans laquelle existait une séparation nette entre religieux et laïcs. Les laïcs étaient divisés en trois strates : la noblesse, le peuple, la strate inférieure (bouchers, pêcheurs…). Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires : l’Etat, le clergé et les nobles. Le terme de « serfs », appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de « gens du commun » ou « sujets ».

En fait, les paysans, la grande majorité du peuple, étaient héréditairement liés à la terre et devaient des taxes qui étaient versées en argent, en nature, mais la plupart étaient sous forme de travail, essentiellement le travail de la terre.

En dépit de cette structure qui peut paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n’avaient aucunement pouvoir de vie et de mort sur eux. Il ne s’agissait pas du tout d’un système idéal, mais il n’avait rien à voir avec de l’esclavage. »

Elle ajoutera ensuite : "on s’achemine vers la disparition de la civilisation tibétaine"…