Par: Ridha KEFI
Dans notre pays, le chômage des diplômés du supérieur est passé de 2,3% en 1984 à plus de 16% aujourd’hui, contre un taux de chômage global de 14%. Autre chiffre révélateur de cette évolution du marché du travail dans notre pays: 42,5% de la masse des chômeurs sont diplômés du supérieur, contre 37,8% en Algérie et «seulement» 29,6% au Maroc. Seuls trois pays arabes font pire que la Tunisie : la Jordanie (43,6%), Bahreïn (59%) et l’Egypte (80%).
Tiré d’un rapport de la Banque mondiale (BM) intitulé «Les réformes de l’éducation à la croisée des chemins dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA)», publié le 4 février dernier, ce dernier chiffre, surprenant à plus d’un titre, ne doit pas passer inaperçu. Il appelle de notre part quelques remarques.
Notre pays a fait le choix, dès le lendemain de l’indépendance en 1956, de généraliser l’enseignement, aussi bien aux garçons qu’aux filles, et de consacrer quelque 20% du budget de l’Etat à l’éducation, soit l’équivalent de 5% de son PIB. Ce taux s’élèverait à 7,5% si l’on inclue les secteurs de l’éducation, de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Peu de pays arabes, en dehors des monarchies pétrolières du Golfe, peuvent se targuer d’avoir fait autant pour le développement de leur capital humain.
Ce choix est louable, et a souvent été loué par les bailleurs de fonds internationaux. Il a longtemps permis aussi à notre pays de s’enorgueillir d’un taux de scolarisation parmi les plus élevés au sud de la Méditerranée et de se faire prévaloir, aux yeux des investisseurs étrangers, de la qualité de ses ressources humaines.
En effet, plus que la proximité géographique, les incitations institutionnelles, le cadre de vie agréable ou le potentiel du marché intérieur, ce qui attire le plus les investisseurs européens vers notre pays c’est plutôt la disponibilité d’une main d’?uvre abondante, qualifiée et relativement bon marché.
Ce choix n’en a pas moins son revers : la quantité n’a pas toujours été synonyme de qualité. En témoigne la baisse du niveau général de l’enseignement que nous observons chez la plupart des candidats au recrutement.
Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs : l’explosion des effectifs universitaires, conséquence du baby boom des années 1980, l’insuffisance (quantitative et qualitative) du cadre enseignant, les ratés des réformes consécutives de l’enseignement – la énième, actuellement en cours, est très contestée par les enseignants. Elle s’explique aussi par la hausse des taux de réussite au baccalauréat, passé, on ne sait comment, de 33,6 % en 1986 à 66,25 en 2005. Cette hausse, qui s’apparente à une forme de dumping académique, ne s’est pas accompagnée d’une élévation du niveau général des étudiants. Au contraire, les diplômes nationaux ont beaucoup perdu de leur prestige et les entrepreneurs ne cessent de se plaindre de l’inadéquation entre les formations dispensées et les besoins du marché de l’emploi. Ce reproche est souvent d’ailleurs justifié, même si ces derniers l’utilisent souvent pour expliquer leur manque d’empressement à recruter. Manque d’empressement qu’ils justifient aussi par l’augmentation du coût du travail et des charges sociales, dans un marché étroit et une conjoncture locale et internationale difficile.
Cependant, et quoi qu’on dise à propos de l’inadéquation entre l’offre et la demande dans un marché du travail de plus en plus étroit, la situation est là, et elle appelle des solutions urgentes, puisque près d’un chômeur sur deux est diplômé du supérieur et croit pouvoir exiger son droit à un travail en adéquation avec ses compétences, réelles ou présumées.
Que faire donc ?
Le secteur public, dont les effectifs sont déjà pléthoriques, recrute annuellement 12 000 agents dont les deux tiers sont diplômés du supérieur. Mais la demande en la matière est 7 à 8 fois plus importante. Les instruments mis en route par l’Etat pour absorber le chômage des diplômés (BTS, 21-21, etc.) aident certes à atténuer la crise, mais ils sont loin de répondre à l’ampleur de la demande.
La solution est donc dans la dynamisation de l’investissement privé, intérieur et extérieur, qui reste malheureusement encore à la traîne, malgré les incitations et facilitations de toutes sortes accordées aux promoteurs, particulièrement ceux qui consentent de s’implanter dans les régions de développement prioritaires, comme le Sud-Ouest, ou plus précisément le bassin minier de Gafsa, théâtre récemment de mouvements sociaux sur fond de chômage endémique.
Les investisseurs ont aussi besoin d’être rassurés par l’instauration d’une plus grande transparence dans les affaires et par une lutte plus efficace contre le marché parallèle et la contrefaçon.
Editorial de Ridha Kéfi – L’Expression n° 21 du 7 mars 2008
Par: Ridha KEFI
Dans notre pays, le chômage des diplômés du supérieur est passé de 2,3% en 1984 à plus de 16% aujourd’hui, contre un taux de chômage global de 14%. Autre chiffre révélateur de cette évolution du marché du travail dans notre pays: 42,5% de la masse des chômeurs sont diplômés du supérieur, contre 37,8% en Algérie et «seulement» 29,6% au Maroc. Seuls trois pays arabes font pire que la Tunisie : la Jordanie (43,6%), Bahreïn (59%) et l’Egypte (80%).
Tiré d’un rapport de la Banque mondiale (BM) intitulé «Les réformes de l’éducation à la croisée des chemins dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA)», publié le 4 février dernier, ce dernier chiffre, surprenant à plus d’un titre, ne doit pas passer inaperçu. Il appelle de notre part quelques remarques.
Notre pays a fait le choix, dès le lendemain de l’indépendance en 1956, de généraliser l’enseignement, aussi bien aux garçons qu’aux filles, et de consacrer quelque 20% du budget de l’Etat à l’éducation, soit l’équivalent de 5% de son PIB. Ce taux s’élèverait à 7,5% si l’on inclue les secteurs de l’éducation, de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Peu de pays arabes, en dehors des monarchies pétrolières du Golfe, peuvent se targuer d’avoir fait autant pour le développement de leur capital humain.
Ce choix est louable, et a souvent été loué par les bailleurs de fonds internationaux. Il a longtemps permis aussi à notre pays de s’enorgueillir d’un taux de scolarisation parmi les plus élevés au sud de la Méditerranée et de se faire prévaloir, aux yeux des investisseurs étrangers, de la qualité de ses ressources humaines.
En effet, plus que la proximité géographique, les incitations institutionnelles, le cadre de vie agréable ou le potentiel du marché intérieur, ce qui attire le plus les investisseurs européens vers notre pays c’est plutôt la disponibilité d’une main d’?uvre abondante, qualifiée et relativement bon marché.
Ce choix n’en a pas moins son revers : la quantité n’a pas toujours été synonyme de qualité. En témoigne la baisse du niveau général de l’enseignement que nous observons chez la plupart des candidats au recrutement.
Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs : l’explosion des effectifs universitaires, conséquence du baby boom des années 1980, l’insuffisance (quantitative et qualitative) du cadre enseignant, les ratés des réformes consécutives de l’enseignement – la énième, actuellement en cours, est très contestée par les enseignants. Elle s’explique aussi par la hausse des taux de réussite au baccalauréat, passé, on ne sait comment, de 33,6 % en 1986 à 66,25 en 2005. Cette hausse, qui s’apparente à une forme de dumping académique, ne s’est pas accompagnée d’une élévation du niveau général des étudiants. Au contraire, les diplômes nationaux ont beaucoup perdu de leur prestige et les entrepreneurs ne cessent de se plaindre de l’inadéquation entre les formations dispensées et les besoins du marché de l’emploi. Ce reproche est souvent d’ailleurs justifié, même si ces derniers l’utilisent souvent pour expliquer leur manque d’empressement à recruter. Manque d’empressement qu’ils justifient aussi par l’augmentation du coût du travail et des charges sociales, dans un marché étroit et une conjoncture locale et internationale difficile.
Cependant, et quoi qu’on dise à propos de l’inadéquation entre l’offre et la demande dans un marché du travail de plus en plus étroit, la situation est là, et elle appelle des solutions urgentes, puisque près d’un chômeur sur deux est diplômé du supérieur et croit pouvoir exiger son droit à un travail en adéquation avec ses compétences, réelles ou présumées.
Que faire donc ?
Le secteur public, dont les effectifs sont déjà pléthoriques, recrute annuellement 12 000 agents dont les deux tiers sont diplômés du supérieur. Mais la demande en la matière est 7 à 8 fois plus importante. Les instruments mis en route par l’Etat pour absorber le chômage des diplômés (BTS, 21-21, etc.) aident certes à atténuer la crise, mais ils sont loin de répondre à l’ampleur de la demande.
La solution est donc dans la dynamisation de l’investissement privé, intérieur et extérieur, qui reste malheureusement encore à la traîne, malgré les incitations et facilitations de toutes sortes accordées aux promoteurs, particulièrement ceux qui consentent de s’implanter dans les régions de développement prioritaires, comme le Sud-Ouest, ou plus précisément le bassin minier de Gafsa, théâtre récemment de mouvements sociaux sur fond de chômage endémique.
Les investisseurs ont aussi besoin d’être rassurés par l’instauration d’une plus grande transparence dans les affaires et par une lutte plus efficace contre le marché parallèle et la contrefaçon.
Editorial de Ridha Kéfi – L’Expression n° 21 du 7 mars 2008
Lire la suite sur: http://tunisiawatch.rsfblog.org/archive/2008/03/08/le-chomage-des-diplomes.html.
INCHALLAH
hélàs rien n’est parfait en ce bas monde !