Il nous faut d’emblée détruire une croyance commode et générale : le karaté n’est pas la création d’un seul homme ni même d’un seul peuple. Cet ensemble de mouvements sobres, efficaces, rationnels jusque dans les moindres détails, n’est pas l’œuvre d’un génie isolé auquel les générations suivantes ne peuvent penser sans une vénération quasi religieuse et avec le sentiment somme toute décourageant de ne jamais pouvoir l’égaler, encore moins de pouvoir dépasser son niveau technique et spirituel. Un homme peut être un génie, non un dieu. Rien de ce qu’il fait n’est jamais parfait et définitif. Ceci est vrai en karaté comme en toute chose. Il faut donc considérer un art martial comme la recherche permanente d’une perfection jamais atteinte ni par les pratiquants actuels ni même par les vieux maîtres.
L’action de certains hommes, dont le nom est parvenu jusqu’à nous, fut certes primordiale, moins toutes fois par leur valeur humaine et pédagogique qui explique le rayonnement qu’ils ont pu avoir sur leur entourage. Mais, alors, la question reste posée : qui a découvert ces principes ? Ils se sont élaborés progressivement au cours des âges, des combats, de l’expérience et de la réflexion de plusieurs générations de combattants. Enfin par la confrontation avec d’autres techniques de combat, une synthèse a vu le jour, qui ne fut appelée « karaté » qu’au début de ce siècle.
Dans cette longue évolution, couvrant plus de deux mille ans,
les étapes vers le karaté moderne ont été de plus en plus rapidement couvertes, au fur et à mesure que l’on approchait du stade actuel, et cette évolution n’est pas encore terminée, car l’unification des différents styles de karaté n’est pas encore faite.
Il est difficile, voire même impossible, de reconstituer l’histoire du karaté ; car successivement en Inde, en Chine, dans les îles Ryu-Kyu, au Japon enfin. Cette dernière étape, décisive, fut due à la personnalité du Maître Funakoshi, décédé il y a seulement une dizaine d’année. Ce nom, le seul connu des initiés Occidentaux jusqu’à une date récente, est cité par les dirigeants de tous les styles de karaté et tous les pays. L’action de ce maître sur l’évolution récente du karaté est universellement reconnue ; les experts les plus sérieux se réclament de son enseignement et respectent la mémoire de celui qui reste à leur yeux le créateur du karaté actuel.