Interviewée par le Journal du Dimanche, Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet du Président, et instigatrice du polémique concept d'attribution de "la mémoire" d'un enfant juif victime de la Shoah à un élève de CM2, a tenté de défendre son déroutant projet.
Révélant que le ministre de l'Intérieur que fut Nicolas Sarkozy se préoccupait déjà de l'enseignement de la Shoah, Madame Mignon a évoqué des "difficultés", "alors même que certains actes antisémites sont commis par des enfants de 10 ans contre des enfants de 10 ans."
Signalant le "vrai enjeu politique et éducatif", la directrice a affirmé la nécessité d'"empêcher les amalgames entre la Shoah et d'autres drames", simplement "drames politiques", contrairement au "crime raciste absolu", référentiel nécessaire à "une lutte sans merci contre le racisme sous toutes ses formes et pas seulement contre l'antisémitisme". […/…]
Quant aux réticences basées sur des arguments de jeune âge et d'immaturité, elles sont subtilement contrées ; arguant du fait que l'on ne touche pas les collégiens de 15 ans de la même manière que les enfants plus jeunes, Emmanuelle Mignon cite le Journal d'Anne Franck, et rappelle que ces "faits dramatiques ont eu lieu, [et] ont touché des enfants très jeunes". A côté de ces horreurs vécues, les enfants de l'an 2000 devraient bien pouvoir supporter une simple "mémoire", n'est-ce pas…
D'autant plus qu'ils n'ont guère le choix : "C'est un enjeu de civilisation que de transmettre la mémoire et les leçons de ces événements."
Cependant, surprise, à la question de Florence Muracciole : "N'y avait-il pas d'autres moyens?", la conseillère de Nicolas Sarkozy répond : "Je sais qu'il a été suggéré que la mémoire d'un enfant victime de la Shoah puisse être confiée à une classe entière. Nous sommes tout à fait ouverts à ce genre de propositions."
Tiens donc ! C'est pourtant un genre de propositions dénaturant sensiblement "l'intimité" chère au Président qui devait relier l'élève et son… défunt !
Et un encouragement pour tous ceux qui luttent contre les idées saugrenues qui jaillissent en permanence de la Présidence… qu'en pensez-vous ?
Une horrible manipulation affective
La directrice du cabinet du Président, qui semble avoir eu l’idée de la proposition d’attribution de « la mémoire » d’un enfant juif victime de la Shoah à un élève de CM2, manque, me semble-t-il des plus élémentaires bases de psychologie.
Cette idée n’est rien d’autre qu’une horrible manipulation affective, et la dernière proposition de l’Elysée, que ce soit une classe entière plutôt qu’un élève à qui sera «confiée la mémoire» d’un enfant juif victime de la Shoah, ne retire rien au chantage affectif et à l’inévitable culpabilisation qui s’en suivra pour des enfants de dix ans.
Parmi toutes les réactions des dirigeants politiques, la réaction la plus humaine est celle de Simone Veil : « Mon sang s’est glacé ».
Et je me pose cette question : « A quelle occasion le sang d’un être humain, que la vie a aussi cruellement éprouvé dans son adolescence que Simone Veil, et qui sait ce qu’est la Shoah, peut-il se glacer ? »
La réponse est celle-ci : Le sang d’une personne « se glace » lorsqu’elle se trouve face à une véritable monstruosité, face à quelque chose d’inhumain, qui l’horrifie totalement. Et le sang de Simone Veil s’est glacé lorsqu’elle a compris ce que signifiait cette proposition pour des enfants.
Mais il s’est aussi vraisemblablement glacé pour une deuxième raison.
En effet, comment Nicolas Sarkozy a-t-il pu utiliser la mémoire d’enfants martyrs pour monter une opération de manipulation du public dans son propre intérêt ?
Car cette proposition de Nicolas Sarkozy n’est rien d’autre qu’une horrible manipulation affective.
Et là, je suis inquiet pour mon pays dont le dirigeant le plus élevé prouve ainsi son manque d’humanité. Cette proposition de Nicolas Sarkozy, me consterne, m’atterre, m’horrifie.
Je me demande si Nicolas Sarkozy utilise sa connaissance de l’être humain dans l’intérêt commun, ou bien si c’est pour satisfaire, au moyen de la manipulation des émotions, un besoin de pouvoir quasiment sans limite que lui apporte, d’ailleurs, la Constitution de la Vèm République.
Jean-Charles Duboc