En lisant l'annonce d'un probable remaniement ministériel, ce qui est plutôt banal et habituel sous le magistère de notre "grand père de la patrie", je me suis soudain rendu compte de toute la détresse qui doit se cacher derrière ces remaniements dictés par la recherche frénétique de l'"excellence".

Poussé par une curiosité bien légitime, puisque motivée par le désir louable de m'intéresser aux problèmes de mes compatriotes châtiés par les aléas de l'existence, je me suis lancé dans une grande enquête sociologique, dont les résultats ne manqueront pas de vous étonner.

Nous nous sommes donc réunis pour un week end de travail à Saly, gracieusement et royalement financé par une ONG occidentale. Mis dans d'excellentes conditions par le montant des Per Diem, l'air conditionné dans les chambres et la boite de nuit de l'hôtel, nous avons abattu un travail de titan. Aussitôt mis sur papier par ma jeune secrétaire, que ferais-je sans elle ! Pleine d'ardeur au travail et capable de mettre la main à n'importe quelle tâche…

La première question à étudier portait sur la manière dont les sujets de l'enquête avaient vécu leur écartement du pouvoir. La seconde devait élucider les conditions sociales des intéressés avant et après leur mise à l'écart. Et, enfin la troisième devait s'intéresser aux projets d'avenir des sujets.

Il ressort du questionnaire portant sur la première question que :

– 64,08 % des interrogés avaient très bien pris la chose et "profitent même de l'occasion qui leur est donnée pour remercier le Président de la République".

– 26,7 % des interrogés se disaient secrètement soulagés d'être déchargés de fonctions qu'ils jugeaient au dessus de leurs compétences et "profitent même de l'occasion qui leur est donnée pour remercier le Président de la République".

– le reste des sondés, manifestement très touchés de leur mise à l'écart avaient de toute évidence sombré dans l'alcoolisme ou l'héroïne.  Bavant, les yeux révulsés, agités de tics nerveux ils se sont révélés incapables de répondre à nos questions. 

Il ressort du questionnaire portant sur la deuxième question que :

– 13,13 % des interrogés se disent contents d'être libérés de leurs fonctions, grâce à l'argent "économisé" pendant leurs fonctions, leur carnet d'adresses et leur passeport diplomatique, ils se sont lancés dans les affaires… ça marche bien, merci… Leur bref passage au service du gouvernement est plutôt positif.

– 68,99 % des interviewés sont dans une détresse pitoyable, obligés de revendre les multiples immeubles acquis grâce aux "économies" réalisées pendant leur fonction, abandonnés par les femmes épousées du temps de leur splendeur,  méprisés par leurs voisins. Ces sujets nécessitent un soutien psychologique urgent, si l'on compte un jour s'en resservir.

– Le reste des interrogés, que nous avons interrogé dans les clandos mal famés de la banlieue, les neurones brûlés par le Soum Soum sont définitivement perdus pour la République. Comme qui dirait des "martyrs de la République", détruits par l'intense travail effectué pour la cause commune.

Il ressort du questionnaire portant sur la troisième question que :

– 13,3 % des interrogés se réalisent dans les affaires et comptent s'y investir à donf, comme dit mon neveu dans son skyblog. Unanimes, ils "profitent même de l'occasion qui leur est donnée pour remercier le Président de la République sans lequel ils ne seraient rien"

– 68,99 % des interviewés se disent prêt à retourner aux affaires d'ailleurs ils passent leur temps à concocter des plans et stratégies aptes à sortir le Sénégal de la pauvreté, car malgré les énormes efforts déployés, les réalisations dignes d'éloges et d'admirations, le Sénégal est toujours très pauvre… Ils sont disponibles, comme dirait l'autre ils sont "en réserve de la République"… Et "profitent même de l'occasion qui leur est donnée pour assurer le Président de la République qu'ils sont toujours ses fidèles petits talibés (disciples d'un marabout), toujours derrière lui et prêt à le seconder".

– Le reste des interrogés ….

La conclusion de l'enquête  s'impose  d'elle même :

Les vaillants citoyens; qui avec courage et abnégation, négligeant leur vie privée, laissant leurs enfants grandir sans eux, toujours par monts et par vaux, ne reculant devant aucun sacrifice pour assurer un avenir radieux à leurs compatriotes, tirant la pirogue commune vers la compétitivité internationale, vieillissant prématurément, brûlés par l'ampleur de la tâche  confiée; subissent un traitement inhumain et cruel en remerciement de leurs efforts. La République semble oublier ses fils dévoués. C'est désolant, déshonorant même, n'ayons pas peur du terme.

La République doit impérativement prendre ses responsabilités et assurer, à ceux qui ont fait sa grandeur et assuré son rayonnement dans le monde,  un rang compatible avec les hautes fonctions qu'ils ont occupé.

A ceux qui voudraient savoir combien de ministres avec ou sans portefeuille (quoique cette expression soit une figure de style littéraire), secrétaires d'état, conseillers spéciaux et personnels, chefs du protocole, chargés de mission… sont concernés, je répondrais qu'à 500 près, ils sont beaucoup, voire peut être même plus.

Le Sénégal ne peut se permettre, avec tous ces yeux braqués sur lui, de donner aux autres nations admiratives et envieuses l'image d'un pays sans cœur.