Les militants anti-OGM peuvent espérer. Poussé par la grève de la faim entamée il y a sept jours par José Bové et ses compagnons militants, le gouvernement a avancé sa décision. Dans les deux jours à venir, le président Nicolas Sarkozy devrait annoncer l’activation de la clause de sauvegarde européenne concernant la culture du Maïs Mon 810, la seule variété transgénique cultivable et commercialisable en France. Mais, directive européenne oblige, le dossier est loin d’être clos et l’imbroglio bureaucratique et administratif ne semble que commencer. Alors, qu’implique cette clause de sauvegarde ? Et pourquoi la France a-t-elle décidé de l’invoquer ?
 
Cela remonte à une directive sur la dissémination volontaire d’aliments OGM, promulguée en 2001. Globalement, la loi autorise chaque pays membre de l’Union à interdire un OGM sur son territoire même si ce dernier est légal au niveau européen. Toutefois pour se faire, l’Etat réclamant cette clause de sauvegarde doit être en mesure d’apporter des éléments scientifiques nouveaux permettant de « considérer » que l’OGM en question « constitue un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement ». Ce qui semble être le cas de la France aujourd’hui. Jean-François Le Grand, président du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur les OGM, estime en effet posséder « un certain nombre de faits scientifiques nouveaux négatifs ».

 

Trop de questions sans réponse

Les principaux doutes portent sur « la dissémination à longue distance, sur plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres » de l’OGM, sur la « résistance chez les insectes » ainsi et surtout sur « les effets constatés sur la faune et la flore ». Pour l’instant, aucun risque pour l’homme n’a pu être démontré. Cependant, le manque de tests sur l’écosystème à long terme alors que le maïs Mon 810 produit une substance pesticide inquiète énormément les spécialistes. Il existe également des risques réels de contamination des champs non-OGM et donc de la chaîne alimentaire dans sa totalité.

Un parcours du combattant administratif

C’est maintenant à Bruxelles que tout va se jouer par une succession d’études de différentes chambres d’élus. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit d’abord étudier le dossier présenté par la France et émettre un avis à la Commission. Cette dernière validant ou non la clause de sauvegarde, soumettra ensuite la requête à un comité de réglementations constitué des Etats membres. Si cette chambre ne s’accorde pas avec les conclusions de la Commission, le dossier sera ensuite transmis au Conseil des ministres. Si une nouvelle fois, les différentes chambres sont en désaccord, l’ultime décision revient à la Commission. Un casse-tête épineux mais obligatoire afin d’obtenir l’interdiction du maïs Mon 810 sur le sol français.

Ce recours n’est d’ailleurs pas le premier du genre. L’Autriche, à trois reprises, l’Allemagne et la Hongrie ont déjà activé la clause de sauvegarde notamment pour ce même maïs, démontrant ainsi la crainte réelle de nombreux gouvernements européens sur le sujet des OGM. La France relance donc le débat qui devrait pousser Bruxelles à réétudier sa position et certainement ouvrir la voie à de nouvelles réformes.

Antoine Ginekis

 

PS :

Le Mon 810 : Produit par la firme américaine Monsanto, ce maïs transgénique est destiné à l'alimentation animale. Il est génétiquement modifié afin de produire une protéine le protégeant des attaques de deux chenilles.

Il y a aujourd’hui 21 000 hectares de champs de maïs transgénique cultivés en France. Cela ne représente cependant que 0,7% de la totalité du maïs français.