Transformer tous les fonctionnaires en dénonciateurs d'étrangers clandestins, avec formation à l'appui et croisement des différents fichiers administratifs : voici l'ordre reçu par le Préfet de Haute-Garonne, émanant de la Direction de la règlementation et des libertés publiques. Les syndicats dénoncent une "xénophobie d'Etat". En Midi-Pyrénées, va te faire dénoncer ?

La dénonciation, sport national en Sarkozie ? Après l'offre de rémunération à hauteur de "plusieurs milliers d'euros" de tout renseignement pouvant mettre sur la piste des voyoucrates de Villiers-le-Bel – et avant peut-être les affiches "Wanted, dead or alive"? -, il y eut la messagerie électronique inaugurée par la police varoise pour permettre aux dénonciateurs d'envoyer leur témoignage, incluant s'ils le voulaient photos et vidéos.

Devant la levée de boucliers qu'a soulevée l'initiative, la Direction départementale de la sécurité publique du Var a battu en retraite, annonçant à l'AFP qu'elle suspendait son projet. Notons le mot : pas abandon, suspension. Voilà en tout cas un front de colmaté. Tant mieux, parce qu'un autre s'ouvre !

Les agents ANPE et Assedic avaient déjà reçu l'ordre d'envoyer "systématiquement" aux préfectures une photocopie des titres de séjour et travail des demandeurs d'emploi étrangers pour vérification, selon des documents rendus publics mi octobre par leurs syndicats. Nous l'avions alors dénoncé. Voici maintenant qu'une circulaire préfectorale de Haute-Garonne vise à faire de tous les fonctionnaires des auxiliaires de police dans la chasse aux clandestins.

D_nonciation_afficheVous pouvez en consulter le texte intégral ici. Elle est datée du 10 octobre mais ce n'est que fin novembre que la Ligue des droits de l'Homme, le syndicat des avocats de France, l'UNSA et la FSU s'en sont émus. Et il y a de quoi ! "Il s’agit de tranformer les fonctionnaires en  rabatteurs de sans-papiers vers la police des frontières ou la gendarmerie, résume la fédération des Landes du MRAP.

La circulaire explique que sur simple appel des fonctionnaires, la gendarmerie détachera une équipe mobile dotée d’un véhicule permettant de détecter les faux documents. Tous les secteurs administratifs  sont concernés. Cette dénonciation institutionnalisée concerne les étrangers, mais aussi ceux qui les hébergent, (couverture de situation irrégulière !) ,donc des français autant que des étrangers. Le délit de solidarité est aussi visé. Les fonctionnaires, y compris ceux de l’accueil, recevront une formation.

Une malette de formation à cette triste besogne est déjà expérimentée depuis juin par la DCPAF avec l’URSSAF de Haute Garonne. Un examen final sanctionnera les compétences en matière de dénonciation. Toutefois il est demandé aux fonctionnaires concernés de ne pas se contenter de faire remonter les informations mais de s’investir d’une mission de police en opérant un pré-filtrage.

Avec le cynisme le plus absolu, la préfecture de Haute Garonne propose de contourner la CNIL, donc la loi qui garantit les libertés fondamentales (voir ce passsage «étendre des fichiers au niveau national et avoir la possibilité de croiser ces informations sans croiser les fichiers nationaux car interdiction de la CNIL»). Ce dernier paragraphe nous inquiète tout particulièrement, car il laisse entendre que les fichiers constitués sur la base des dénonciations ont pour ambition d’être «étendus» au niveau national , ce qui laisse entendre que la note de Haute Garonne n’est peut-être qu’un élément d’un dispositif plus général venu de plus haut. (…) Ce système qui transforme les fonctionnaires en mouchards, constitue une menace pour la démocratie."

Un communiqué commun* précise que "les organisations signataires s’insurgent contre cette nouvelle tentative de bafouer, hors de tout cadre légal et dans le plus grand secret, le secret professionnel auquel sont soumis les fonctionnaires, qui protège l’usager du service public contre la divulgation d’informations à caractère secret. Le respect de cette obligation est le corollaire du respect de la dignité de la personne humaine, principe doté d’une valeur constitutionnelle, et du droit de tous les citoyens au respect de leur vie privée. (…) Une telle initiative indique très clairement que se poursuit, en la renforçant, une politique de « xénophobie d’Etat », par la mise en place de fichages et d’incitation, voire d’obligation administrative, à dénoncer des situations irrégulières ou anormales."

Vous sentez, vous aussi, cette puanteur dans le fond de l'air en Sarkozie ?

* Signé CGT, Union départementale 31, FSU 31, Ligue des droits de l’Homme – Toulouse Solidaires 31, Syndicat des avocats de France, Toulouse, Syndicat de la Magistrature, Toulouse, UNSA Conseil Général 31  et UNSA Education.