Un nouveau charnier vient d'être découvert à Kamenica.Plus de 500 corps exhumés, énième réminiscence du massacre de Srebrenica, plus grande tuerie que l'Europe ait connue depuis la dernière guerre mondiale.

Comme si cette tâche sombre, symbole de l'échec européen et occidental, n'en finissait pas de se rappeler au bon souvenir de ceux, nombreux, qui voudraient qu'elle n'ait pas existé…

Du 11 au 16 juilet 1995, les serbes de Bosnie investissent cette petite enclave à majorité musulmane "défendue" par 500 casques bleus hollandais. Ces derniers, en l'absence de soutien aérien et de directives claires, laisseront faire le macabre tri femmes-enfants/hommes.
8000 personnes seront ainsi éliminées méticuleusement. Une cinquantaine de charniers ont depuis été recensés…
On espère que Srebrenica n'en finit pas de hanter les nuits de ceux, militaires et politiques, qui laissèrent faire.

 

 

  

Les responsables ?
Les Serbes de Bosnie d'abord bien sûr autour de Ratko Mladic et son chef politique Radovan Karadzic. Leur projet ethnique était clair et peut être considéré comme atteint puisqu'aujourd'hui la ville est serbe. Tous deux sont toujours en fuite c'est dire la maîtrise de ce dossier par les hautes autorités judiciaires… c'est dire peut être également le peu d'empressement de beaucoup à ce qu'ils s'expriment.
L'ONU ensuite.
Car résister, intervenir, en plus de juste s'interposer, c'était possible comme déjà en 1993 le général Morillon avait tenté de le faire vraiment.
Sa synthèse de l'évènement deviendra avec le temps un témoignage à charge : "je suis convaincu que la population de Srebrenica est tombée victime de la raison d’Etat, mais d’une raison d’Etat qui se situait à Sarajevo et à New York, et certainement pas à Paris."
Sarajevo et New York, deux capitales en pleine discussion à l'époque des faits font partie du réquisitoire.
Car dénoncer le départ et l'inactivité des casques bleus hollandais ne doit pas faire oublier que, sur ordre de la présidence bosniaque, les forces de Bosnie avaient déserté Srebrenica avant l'assaut serbe. La prise de position de la communauté internationale aux côtés des musulmans devait être déclenchée par un fait majeur. Srebrenica fut celui-là.
Les Etats-Unis, soucieux de reprendre la main sur ce terrain au détriment de l'ONU, promirent l'intervention de l'Otan si survenait un fait majeur. Srebrenica fut celui-là.
Les gouvernements occidentaux enfin, qui manièrent la gloriole et l'à-peu-près sans jamais vouloir mesurer l'antériorité de ce conflit (des siècles) et sa haine emmagasinée. Qui se sont satisfaits d'un dispositif onusien minimaliste et bien sûr insuffisant et qui vendirent à leur opinion publique le principe de la guerre propre. Dans la continuité de la guerre du golfe et ses célèbres frappes chirurgicales, les occidentaux se sont engagés en Bosnie avec cette drôle d'ambition : "0 mort".
Pas de mort, pas de responsabilité, pas d'engagement, notre nihilisme politique n'est il pas finalement notre pire ennemi ? Nous le masquons en multipliant les sujets d'intérêt, les actions de communication pour mieux amener l'opinion politique à zapper inlassablement. Qui se soucie de la Bosnie et de Sebrenica aujourd'hui ?
Pourtant, Sebrenica en terme de morts civils, c’est plus de dix Oradour-sur-Glane, plus de deux fois le 11-Septembre new-yorkais, plus de cent fois les attentats de Londres… le tout à 1h30 de Paris mais nous ne vivons pas au rythme du relativisme et des chiffres réels, juste au rythme de l'impression et de la sensation.
Nous le paierons sûrement un jour en Iran ou ailleurs quand notre aventurisme désuet et calculateur se heurtera au froid réalisme d'un adversaire déterminé.
Notre confort quotidien et notre grandiloquence seront mis à mal. Que serons-nous alors capables de faire ?
Qui veut mourir pour Sarajevo ? Personne me répondait-on jadis et c'était vrai. Quoique, des soldats français y sont morts avec courage et bravoure, il reste donc quelques enclaves de valeurs en France, saurons-nous mieux les protéger que Srebrenica ?

Mourir en combattant, c'est la mort détruisant la mort. Mourir en tremblant, c'est payer servilement à la mort le tribut de sa vie. Shakespeare