La France subit actuellement les manifestations des gilets jaunes soutenus par 70% des Français. Que veulent-il ? De pouvoir aller du point A au point B avec leurs voitures essence/diesel sans subir la taxe carbone. Les 48 000 morts à cause des particules fines des véhicules diesels: ils s’en fichent. Le réchauffement climatique: c’est pas leur problème, c’est celui des générations futures. Ce mouvement est révélateur des individualismes toujours de plus en plus développés touchant nos sociétés. Il n’y a qu’une chose qui compte chez eux: leurs porte-monnaies. Mais quels sont leurs arguments ?
L’argument qu’on entend souvent:
Ah oui mais moi je fais partie des petites gens qui ont besoin de leurs véhicules pour travailler et je ne peux pas faire autrement avec mes fins de mois difficiles.
L’argument très en vogue qui permet de susciter la compassion pour ne pas devoir se justifier tout en fermant la porte à toute solution qui demanderait un changement dans leurs habitudes. Du grand classique. Mais ces gens-là ont-ils de l’empathie vis-à-vis de ceux qui subissent les changements climatiques ? Ont-ils une petite pensée pour les habitants des îles Carteret, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ou Kiribati (110 000 habitants) et Tuvalu (12 000 habitants) qui voient leurs territoires pris par la montée du niveau des Océans ? Déjà 8 îles du Pacifique ont été englouties !! Ont-ils de l’empathie vis-à-vis de ceux qui ont des problèmes de santé lors des pics de pollution dans les grandes villes ? Des gens meurent à cause des particules fines chez nous chaque année !! Comment peut-on accepter cela en défendant un mode de vie qui en est responsable. D’après une étude de Santé publique France de juin 2016, la pollution est la troisième cause de mortalité en France (48 000 décès), derrière le tabac (78 000 décès) et l’alcool (49 000 décès): c’est un problème de santé publique majeur. Il est très curieux de voir des gens essayer de susciter l’empathie des autres alors qu’eux mêmes en sont totalement dénués. La pauvreté doit-elle devenir l’excuse pour s’affranchir de tout ? De menacer la vie des autres pour préserver son pouvoir d’achat ? Mais il faut aussi ne pas être naïf car la plupart de ceux qui vous sortent cet argument ne sont pas tous des pauvres: ils ont juste mal à leurs porte-monnaies et ne supportent pas une remise en question de leurs modes de vie.
Un autre argument qu’on entend souvent:
Mon diesel nouvelle génération est moins polluant que la plupart des véhicules.
Après le dieselgate, il est assez surprenant d’entendre ce genre d’argument. Si les véhicules nouvelles générations étaient plus propres alors pourquoi les constructeurs ont-ils triché sur les normes anti-pollution ? Leurs discours et celui des professionnels de santé et des ONG sont totalement divergeant. Il ne faut pas chercher bien loin pour savoir où est la vérité et où sont les intérêts financiers.
Une étude de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris montre que les filtres à particules qui équipent les véhicules diesels dernières générations sont à l’origine de nanoparticules qui s’infiltrent jusque dans nos cerveaux causant ainsi des maladies neurodégénératives alors que les particules fines rejetées par les anciens modèles n’affectaient que nos poumons. En faite, le filtre transforme les particules fines (PM10 et PM2,5) en nanoparticules qui ne sont pas toutes retenues. Autre dispositif qui équipe les nouveaux véhicules, le catalyseur qui piège le NOx responsable des infarctus et des complications pour les asthmatiques. Non seulement ce dispositif ne fonctionne que si le moteur est très chaud (et donc totalement inefficace en ville) mais en plus il produit des particules de nitrate d’ammonium. Le véhicule essence n’est pas mieux loti car depuis l’arrivée des moteurs à injection directe ceux-ci sont devenus des pourvoyeurs de particules ultrafines. Le constat est là: les dernières innovations n’ont pas permis de rendre le véhicule thermique moins polluant. Pire, ils n’ont fait qu’aggraver les choses. Il ne faudra donc pas s’étonner d’observer une augmentation des cancers. Tout ceci devrait nous interpeller. Il est clair que les normes anti-pollution ont un train de retard qui permet aux constructeurs de vanter des nouveaux modèles plus propres alors qu’ils ne le sont pas.
Autre idée reçue sur les diesels censés rejeter moins de CO2: une étude de l’ONG Transport & Environment (T&E) démontre que le véhicule diesel émet 3,65 tonnes de CO2 de plus que le véhicule essence quand on prend en compte en plus des rejets à la sortie des pots d’échappements, le raffinage du carburant, la construction du véhicule et un kilométrage plus long à cause d’un carburant meilleur marché.
Un autre argument:
Les batteries des véhicules électriques sont un désastre écologique.
Soyons clair là dessus, les catastrophes écologiques il y en aura toujours à moins que nous revenions à l’âge de pierre avec une diminution drastique de la démographie. Nous avons un très grave problème à cause des changements climatiques et il est de notre survie d’y remédier le plus rapidement possible. Si la terre subit un emballement de l’effet de serre, non seulement nous mettons l’humanité en danger mais nous risquons de rendre la Terre totalement stérile de toute vie. Et tout ça parce qu’à une époque relativement courte du point de vue géologique, des individus n’ont pas voulu revoir leurs modes de vie et n’ont pas su comprendre les enjeux qui dépassent de très loin leurs petites personnes… Bien sûr, face aux solutions qui rejettent moins ou pas du tout de CO2 (voiture électrique) on pourra toujours les opposer à d’autres problèmes environnementaux: c’est l’argument « bonne conscience écologique » de ceux qui ne veulent rien changer à leurs habitudes. Argument qui ne tient plus si l’on donne des priorités à chaque problème environnemental selon la menace qu’il fait peser sur l’humanité.
Autre argument:
Oui mais un cargo porte-conteneur pollue autant que toutes les voitures françaises.
Il est faux de dire qu’un cargo pollue autant que le parc automobile Français. Si le fret maritime est un gros émetteur de particules fines par l’utilisation des carburants les plus sales au monde, il est néanmoins moins émetteur de CO2 que la route:
- le fret aérien et maritime ne représente que 11,9% des émissions de CO2 avec 929,25 millions de tonnes;
- le transport de passagers en surface (voiture, bus, train) représente 50% des émissions de CO2 avec 3 911 millions de tonnes;
- le fret de surface (camion, train) représente 28,5% des émissions de CO2 avec 2 230,93 millions de tonnes;
- et enfin le transport aérien de passagers ferme la marche en ne représentant que 9,67% avec 757 millions de tonnes.
Il faut aussi noter que si le fret maritime représente 52% des émissions du fret, il représente 87% des tonnes-kilomètres transportés. D’après les chiffres du ministère de l’environnement, on a entre 10,1 à 32,5 g de CO2 par tonne-kilomètre pour des cargos porte-conteneurs et 91,6 pour un camion de 40 tonnes. Opposer les cargos porte-conteneurs aux voitures est assez révélateurs du manque d’argument des défenseurs de la voiture particulière. Jusqu’à présent ce ne sont pas les zones côtières qui ont un problème de pollution de l’air à cause des particules fines mais bel et bien les villes qui pour la plupart ne sont même pas situées au bord de l’eau. Alors un peu de sérieux… Si ce ne sont pas les bateaux, ce sont les feux de cheminée ou que sais-je encore. Si chacun d’entre nous refuse de faire des efforts au prétexte que le voisin pollue tout autant, on ne fait plus rien. Il faut commencer par changer les choses là où les alternatives existent, ce qui est le cas de la voiture (vélo, transport en commun, covoiturage, etc…) et cela doit commencer à l’échelle individuelle.
Autre argument:
J’aimerais bien vous voir faire vos courses à 30 km de chez vous en vélo.
Remarquez bien qu’il ne s’agit pas d’aller au boulot mais de faire ses courses. Là nous parlons d’un trajet que la plupart des ménages font une fois par semaine et généralement en dehors des heures de pointe. La distance domicile-travail moyenne est de 25,9 km pour 5 jours sur 7. Une distance tout à fait faisable en vélo pour une durée d’une heure de trajet. Si la moitié de nos compatriotes décidaient de se passer de leurs véhicules au profit du vélo pour se rendre au travail, l’air de nos villes seraient beaucoup plus respirable.
Bref, les arguments des gilets jaunes sont légers. Nous sommes face à un mouvement aux revendications très individualistes qui va à l’encontre de l’intérêt collectif. Derrière tout ça il y a quelque chose de beaucoup plus grave: les gens ne savent plus s’adapter par rapport aux contraintes que posent nos sociétés et notre environnement. Nous sommes plus enclin à lutter contre ces contraintes parce qu’elles nous obligent à changer nos comportement qu’a essayer de nous adapter. Maintenant imaginons un scénario pas si improbable que ça: nos approvisionnements en pétrole souffrent d’une situation de chaos au moyen orient et au Venezuela. Plus de carburant dans nos stations services. Mais comment feraient tous ces gens ? Il est parfaitement clair que ceux qui seront dans l’incapacité de s’adapter vont s’attaquer à ceux qui arrivent à survivre: un monde à la Mad Max… Durant la seconde guerre mondiale, les populations occupées ont su s’adapter pour survivre évitant ainsi le chaos. Mais que se passera t-il si demain un événement de cet ampleur se produit ? L’humanité a toujours su s’adapter même dans les situations les plus difficiles et avec très peu de moyen. De nos jours avec internet, nous avons un accès à la connaissance comme jamais. Une connaissance qui devrait nous aider, nous donner des idées, nous adapter… Et pourtant c’est le contraire qui se produit comme si l’évolution de nos sociétés nous a conduit à nous faire assister et diriger qu’à devenir les acteurs de nos vie. Nous sommes plus dans une logique revendicative que dans une logique créative. Le mouvement des gilets jaunes en est le parfait exemple. Une note d’optimisme dans tout ça: il est encourageant de voir les nouvelles générations adopter des moyens de transport vertueux. Ils ne sont pas accros à la voiture comme leurs aînés. Ils s’en passent…
Maintenant imaginons que le gouvernement plie devant les gilets jaunes comme ça a été fait avec le mouvement des bonnets rouges. Ça serait terrible car nous renoncerions à nos engagements internationaux pour lutter contre le réchauffement climatique. La France, pays hôte de la COP21, rejoindrait l’administration Trump. Une idée totalement inimaginable après les critiques du Président Macron sur son homologue !! Ce que ne comprennent pas les Gilets jaunes c’est que la taxation des carburants c’est le moindre mal pour eux. C’est la méthode douce pour les amener vers un changement des habitudes de manière progressive. Sans l’augmentation des taxes, on verra les villes s’organiser pour restreindre l’accès aux véhicules thermiques. Ça serait inévitable…
Sources:
https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/ocean-pacifique-8-iles-pacifique-deja-englouties-cause-rechauffement-climatique-68510/
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/06/21/25114-pollution-48000-morts-par-an-france
https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/pourquoi-les-voitures-les-plus-recentes-sont-elles-les-plus-polluantes_2680058.html
https://www.transportenvironment.org/press/dirty-diesel-also-worse-climate-petrol-cars-study
https://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/06/21/la-pollution-de-l-air-est-responsable-de-9-de-la-mortalite-en-france_4954518_1652666.html
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/11/14/un-cargo-pollue-t-il-autant-que-toutes-les-voitures-francaises_5383604_4355770.html
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280781