Trop fainéant pour écrire quoique ce soit à la suite de mon aventure, c’est presque deux ans plus tard que je me décide à partager cette expérience.

   Tout d’abord, qu’est-ce que le 4L Trophy ? C’est un raid humanitaire ouvert aux étudiants, qui les conduit sur les pistes du Maroc, en traversant l’Espagne de part en part, le tout dans la légendaire 4L. Humanitaire parce que l’un des objectifs de ce raid est d’acheminer des fournitures scolaires aux enfants marocains.


   L’aventure ne se limite cependant pas au raid en lui-même, puisque c’est en autonomie que les équipages doivent trouver leur bolide, le restaurer tant bien que mal, se procurer les fournitures dont ils vont faire don, et cela en autofinancement. C’est donc un long chemin à parcourir qui attend les participants, qu’il soit temporel, avec les longs mois de préparation ou bien qu’il soit physique, avec les quelques 6000km aller-retour du raid.

   5 heures du matin, nous partons de Lisle-sur-Tarn, direction le village départ de Bordeaux, la voiture chargée comme pas deux. Sur la route, nous retrouvons un équipage du Tarn-et-Garonne parce que plus on est de fous, et plus on rit ! Arrivés au village départ, c’est le contrôle technique qui nous attend. Moteur, rouille, et équipements de sécurité, tout y passe. C’est un peu de pression après de longs mois de préparation. Mais nous sommes confiants. La voiture a bien été préparée, grâce au grand-père mécanicien retraité de mon équipier. Elle s’est bien comportée sur la route jusqu’ici qui plus est.

 

   Le contrôle passé, la voiture hérite des autocollants du raid : numéro d’équipage et sponsors officiels. Ceux-ci viennent s’ajouter aux sponsors que nous avons dégotés pour financer ce projet. Amis et connaissances, école, tout a été bienvenue, même ma paye de stage. Nous voilà garés à la queue leu leu, en attendant qu’environ 600 autres équipages soient contrôlés à leur tour. C’est impressionnant l’imagination qu’ont les gens lorsqu’il s’agit de décorer leur voiture.

 

   Le lendemain matin, nous nous sommes garés légèrement en avant de la ligne de départ, les voitures de notre école parechocs contre parechocs. Nous feintons d’avoir perdu les autres équipages afin de ne pas avoir à bouger. Il est hors de question pour nous de passer des heures embouteillés au départ. C’est décidé : nous ne nous arrêterons pas dormir avant d’avoir passé Madrid. Et malgré quelques soucis mécaniques d’un vieux coucou qui ne démarrait pas encore la veille du départ, nous nous y tenons.

 

   Après une longue nuit dans le vent et le froid du sud madrilène, nous repartons, direction Algésiras. C’est près de 33 heures après notre arrivée là-bas, et sous la pluie, que nous embarquons dans le ferry pour Tanger. Autant vous dire que nous avons eu le temps de rencontrer quelques équipages et d’avoir vent des premiers gros pépins mécaniques survenus entre la France et le sud de l’Espagne. Après une traversée un tantinet houleuse, nous arrivons enfin au Maroc, pour nous véritable départ du raid.

 

   Le temps de doubler toute la file de la douane par la gauche sans que personne ne nous dise rien, et nous sommes finalement en train de suivre notre « roadbook », détaillant plus ou moins le trajet à prendre.

 

   La première étape n’est pas la plus compliquée, la police marocaine étant postée aux intersections pour nous indiquer le chemin. Seul pépin de la journée, malheureusement au crépuscule, la courroie de distribution qui casse. Le temps de changer ça dans le froid et à la lampe frontale, et nous arrivons enfin à Enjil, après une longue étape de route. Pas si longue que ça lorsqu’on sait que les derniers équipages sont arrivés à 7 heures le lendemain matin, ayant été bloqués en montagne suite à une sérieuse averse.

 

Départ d'Enjil    Nous découvrons le fonctionnement des bivouacs : le temps de savourer un bon plat marocain, et il nous faut déjà aller remplir nos jerricanes au camion-citerne alloué par l’organisation. Le lendemain matin, nous prenons un petit déjeuner typique, et apprenons que l’étape du jour ne sera finalement pas la première étape de piste, à cause des intempéries de la veille. Un peu déçus mais toujours aussi enchantés par les magnifiques paysages, nous prenons donc la route, sans trop se presser, en s’arrêtant régulièrement prendre quelques photos et faire le plein d’essence, dans un certain sentiment de liberté.

 

   Mais la vraie liberté commence le lendemain, sur les pistes. Bien que nous ayons des instructions plutôt précises, il est tout à fait possible de prendre quelques crochets. En effet, le classement n’est pas basé sur la vitesse, mais sur le kilométrage. L’équipage le plus proche du kilométrage noté sur le roadbook (et ce qu’il soit en-deçà ou au-delà) remporte donc le plus de points. Il est temps pour nous de vivre nos premiers ensablages et désensablages. Après cette courte étape de piste, nous arrivons sur les coups de midi, déjeunons, et testons les parcours dans les dunes pour grappiller quelques points au classement.

 

   Le classement n’est affiché nulle part pendant le raid. Mais nous perdons probablement quelques précieux points lors de l’étape suivante, qui nous fait traverser un oued sablonneux de deux kilomètres de long. La stratégie : ne pas s’arrêter et ne pas changer de vitesse. Pour le deuxième point, il suffit d’aborder la difficulté à la bonne vitesse. Par contre pour le premier point, ça ne dépend pas que de nous mais aussi des autres équipages coincés plus ou moins en travers du passage. Et slalomer n’est vraiment pas une bonne idée pour ne pas s’ensabler. Il a fini par faire nuit et nous sommes exténués par ces cycles de sablage-désensablage.

 

Changement de silentbloc en plein oued

   Sans compter sur le silentbloc qui nous lâche en plein milieu du oued. Le changer nécessite que nous démontions le capot et c’est sans doute cet ultime effort qui nous amène finalement à faire appel à un 4×4 marocain pour sortir de là, en échange de quelques bières et de quelques dirhams. Nous repartons en pleine nuit, à suivre péniblement les instructions de notre roadbook. « Au loin, vous apercevez une maison bleue. » Heu, non. Désolé. Nous suivons aveuglément les phares rouges que l’on peut voir au loin, lorsque deux cyclistes sortis de l’obscurité nous proposent de nous guider. Au point où nous en sommes, pourquoi pas. Nous finissons par retrouver nos repères après la traversée d’un oued qui n’était quant à lui pas totalement sec. Nous dînons brièvement et allons nous coucher à 2 heures, afin de reprendre des forces pour l’étape marathon des deux jours suivants.

 

   Cette dernière étape de piste est vraiment très variée. Elle combine pistes praticables relativement vite, et passages de difficultés. Un jour sans trop de soucis mécaniques, si ce n’est qu’un des amortisseurs arrière nous lâche, m’obligeant à finir les quelques dernières centaines de mètres debout sur le parechoc arrière, au côté opposé, afin que le pneu ne touche pas la voiture. C’est la nuit, il nous faut nous arrêter de toute façon ; c’est la règle. C’est alors que nous faisons une des plus belles rencontres du raid.

 

   La rencontre de l’aubergiste qui habite tout près de là où nous nous sommes arrêtés. Il nous propose de manger un bon tajine et de boire le thé avec lui. C’est avec plaisir que nous préparons les légumes en sa bonne compagnie. Après avoir bien mangé, il nous propose de rester dormir dans son établissement, sur un matelas, et sous une couverture. Nous en avons bien besoin et c’est une superbe nuit. Le lendemain, nous le gratifions de quelques affaires qu’il nous restait à donner aux enfants, de quelques dirhams, et nous repartons pour finir cette étape marathon, direction Marrakech, parcourant les sinueuses routes de montagne.

 

   Arrivés à Marrakech, nous profitons d’un jour de repos à l’hôtel et à visiter et c’est déjà l’heure de la remise des prix en compagnie notamment de Teddy Riner. Dès potron-minet le lendemain, nous repartons direction Tanger pour prendre le ferry et rentrer librement en France. Nous voulions rouler toute la nuit mais les péripéties des jours précédents ont eu raison de nous au milieu de la nuit. Nous nous arrêtons donc sur une aire d’autoroute pour dormir un peu dans nos sièges baquets.

 

   Même si beaucoup de choses ne se passent pas comme prévu, cette expérience est l’une des plus belles de ma vie et m’a fourni tellement de souvenirs. La preuve : je m’en souviens deux ans après comme si c’était hier. Alors si vous êtes étudiants et avez un peu l’esprit d’aventure, n’hésitez pas. Lancez-vous-même si vous ne connaissez rien à la mécanique. Nous avons croisé des équipages qui ne savaient pas changer une roue et ils ont fini en bonne et due forme. Je suis moi-même un bien piètre mécanicien.