Archittetura è cosa mentale & cahiers…

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Ce sont des « carnets » d’architecture et l’ambition est d’en faire des « cahiers », soit une revue d’architecture un peu plus ambitieuse encore que sa préfiguration en numéro zéro. Celui-ci, imprimé à 582 exemplaires, se clot, la page 47 repliée, et s’ouvre de nouveau de lui-même sur un credo en pli central que le titre de la dernière page résume : « Faire du moderne, ce n’est pas l’être ».

Bienvenue à cette nouvelle publication : Cosa mentale.

Il me semble bien avoir lu ou entendu à peu près la même chose voici une quarantaine d’années. Un manifeste est nécessaire (« de la nécessité d’un manifeste » est le titre de l’édito de Cosa mentale, nouvelle revue d’architecture),  car l’architecture traverserait une grave crise d’identité. Je suis sûr que les auteur·e·s n’ont pas voulu faire un clin d’œil à l’actualité, et d’ailleurs, effectivement, la dispersion de l’acte architectural en cultes, non pas des images, mais du soi et de l’image ne date pas d’hier. Même si l’architecture dite (deux fois, en France comme en Belgique ou dans toute l’Europe ravagée par deux guerres mondiales) « de la reconstruction » n’avait pas trop le temps de faire dans le nombrilisme – il fallait loger, édifier public ou privé au plus vite –, ces artistes encore issus des Beaux-Arts qu’étaient les architectes n’oubliaient pas de se voir en mieux dans leur glace en se rasant et créaient en vue des miroirs des salles d’honneurs et décorations. La plupart ont eu droit à leurs colifichets, ne serait-ce qu’à titre posthume. Il sera sans doute de même pour celles et ceux qui brocardent le culte du moi et le « bonheur urbain » de divers Nouvel, Castro et futurs gens de l’art d’un Grand Paris que l’on veut évitable. Les fiers mais mesurés contempteurs du présent sont souvent les bâtisseurs des lendemains qui, faute d’enchanter, rendent le vivant plus vivable, et moins immodeste.

N’empêche, c’est avec plaisir que j’ai écouté, à l’invitation d’Adriana Patrascu, membre de l’équipe, l’annonce d’une transformation de ces carnets en cahiers, et l’essor annoncé d’une publication qui ne se veut pas celle d’une école (ni de pensée, ni de celle de Paris-Belleville). Il est aussi à espérer que, comme souhaité, ces cahiers feront une part plus belle aux dossiers de fin d’études. Le seul à figurer en nº 0, celui de quatre étudiants de Paris-Belleville pour la construction d’un parc à Marseille manquera sans doute à une future parution thématique, sur l’architecture et le paysage, par exemple. Or donc, tout comme l’intitulé du cours de Pascal Terracol, architecte et docteur en géographie, à Panthéon-Sorbonne-La Villette, « regards hybrides », fait décroiser les yeux scélés, la Cosa mentale fera dans l’hybridation en se gardant de générer de monstrueux OGM (Obstacles de Grands Manifestes, peut-être) et peut-être déboucher l’architecture hors de l’encombrement égotiste.

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Le sommaire est celui d’un numéro zéro. Il s’en tient au propos et aux fondations. Il s’ouvre sur la traduction d’un texte de Livio Vacchini, Il mio cliente, racconto breve, lequel introduit une réflexion sur sa Maison de Costa (Casa Vacchini). Sont ensuite revisités le stade de Braga d’Eduardo Souto de Moura, l’extension du couvent de Monte Carasso par Luigi Snozzi, le Mémorial de la Déportation de Georges-Henri Pingusson… Aussi empreinte de mesure que de silence qu’une chapelle de Ronchamp, somme toute voisine (géographiquement, la Franche-Comté n’est guère loin de la Westphalie), la Feldkapelle Niclaus von Flüe de Mechernich (dressée à l’écart de la ville), de Peter Zumthor, introduit, plus loin dans la pagination, au « Culte du moins » de Ludgwig Mies Van Der Rohe.

Ces cahiers sont domiciliés à l’Ensa-Belleville et en ligne, sur cosamentale.com. Peut-être y trouvera-t-on, après épuisement de ce nº 0, la version en ligne consultable sur Camaleo (silo de littérature et documents électroniques). L’abonnement, pour la France métropolitaine, sera de 16 euros (pour, j’imagine, quatre numéros). Le sous-titre « Carnets d’architecture et de résistance » vaut programme, si ce n’est Conseil Supérieur. Souhaitons vivement que les cahiers soient, en sus, durablement, aussi, en sus, de persistance…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !