Otez la peau de la dorade, tranchez les filets en gros morceaux, pressez le jus du citron, roulez dans la chapelure… Pour Dord et la Halde, c’est plutôt la recette médiatique du goudron et des plumes qui s’applique. Quant à Éric Woerth, même ses soutiens patronaux le lâchent…
Voici donc que l’actuelle présidente de la Halde, la Haute Autorité non-discriminante quant à ses frais de fonctionnement, aurait reçu « des menaces de mort », à la suite d’un article du Canard enchaîné révélant qu’elle voulait se faire voter un quasi-doublement de son « indemnité » mensuelle. C’est la nouvelle favorite d’Éric Woerth, le « lapidé », ou quoi ? La Haute autorité de lutte contre les discriminations, et sa présidente, Jeannette Bougrab, qui n’est « pas choquée par l’application de loi » reconduisant les Rroms aux frontières » (avec hébergement éventuel par le groupe Accor et billets réservés par Carlson WagonLit Travel, comme l’indique Jean Galli-Douani dans Clearstream-Eads, le syndrome du sarkozysme), n’est pas non plus trop choquée par le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de son prédécesseur, l’industriel Louis Schweitzer.
Le Woerthgate, c’est aussi cela. Jeannette qui pleure son mariage peu doté en émoluments avec la Halde, Woerth qui se dit « harcelé et lapidé », voire « pendouillé » (au croc naguère réservé à de Villepin), et Louis Schweitzer « pauvre riche discriminé » selon l’hebdomadaire Marianne. Laissons Woerth un moment à la « Bataille » avec Christian, le député PS qui vient de saisir le procureur de Paris à propos de la cession du golf et de l’hippodrome de Compiègne au motif que ce domaine, sis sur une forêt domaniale incessible, ce qu’avait rappelé « Monsieur 600 m² » (Gaymard, alors ministre), n’aurait jamais dû être… quoi ? bradé ? Revenons à la Halde…
Elle aurait dû être présidée par Bernard Stasi, ex-député-maire d’Épernay, qui l’avait mise en place. Pour cela, il jouissait très modérément d’un mini-secrétariat, d’une relativement maigre indemnité, d’un chauffeur de voiture de fonction. Pas assez gourmand, donc moins accessible aux raisonnements, un peu trop encore UDF, voire Modem sur les bords, et, sans doute, aussi poète que Villepin à ses heures, hautement suspect. Il est d’ascendances corse, italienne, espagnole et cubaine, bref, c’est un quasi « métèque de la République », naturalisé français à l’âge de 18 ans. Je le salue amicalement au passage ; parmi les politiques, il m’a fait l’impression de ce qui s’approche le plus du parfait honnête homme, et nous avons quelques souvenirs « étrangers » communs. Comme le rappelle Sylvain Rakotoarison, il vient d’avoir 80 ans, et fait toujours figure de « conscience de gauche au sein de la droite ». Il défilait avec une étoile jaune en carton par solidarité avec ses camarades de classe estimés israélites ou « juifs » sous l’Occupation. Énarque, personne n’est parfait, ancien ministre des DOM-TOM, il s’était pris au mot : « pour nous, il n’y a pas de politique sans morale (…) il y a des moyens, des compromissions, des alliances qui permettent peut-être de remporter un succès électoral, mais on y perd sa dignité. ». Visiblement, lors de son évincement, étant donné ce qui allait suivre, il n’était pas l’homme de la, ou plutôt des, situations.
Je ne m’en étais pas trop offusqué à l’époque, croyant que le « nominé » aurait la décence de ne pas graisser la patte des officines, et serait, comme Bernard Stasi, fidèle à ses paroles. Loyer hors de mesure des prix du marché pour la Halde, dépenses de communication concédées de gré à gré profitant à Publicis et TBWA (tiens, Bolloré aurait été oublié ?), « comptes opaques », « marchés à la limite de la légalité ». On croirait lire du Jean Galli-Douani, c’est de la Cour des comptes de la Nation. C’est du Woerthgate « ordinaire ». Jeannette, elle, devra se contenter de 6 000 euros et des poussières pendant encore une, voire deux années, et elle aura plus de difficultés qu’auparavant à compenser le manque à gagner par des notes de frais…
Dominique Dord, lui, ancien de L’Oréal, dirigeant, en compagnie d’affidé·es, d’Action Savoie, un microparti, n’est pas que le gendre d’une voisine de Patrice de Maistre. Avec son notaire de suppléant, il ne régit pas que la mairie d’Aix-les-Bains, où il place, en grevant le budget de la Ville, l’une de ses protégées. L’Aixaspérant, titre dont il a eu raison, qui l’épinglait régulièrement, est désormais relayé par La Voix des Allobroges qui l’habille, chaudement, pour l’hiver : « Rebaptisé la pleureuse d’Aix-les-Bains (…) Dominique peut continuer à loisir d’entretenir sa réputation de King of BTP… ». À la mairie, Frédérique Boisson a remplacé Renaud Beretti à la communication, et il faudra l’astuce du papa de Laurence Ferrari, Gratien, pour faire de « Dord y dinero » un politicien haut dessus de tout soupçon. En tant que trésorier de l’UMP, va-t-il convier les donateurs à venir claquer leurs dons au Poker Bowl, le casino de sa ville, ou les engagera-t-il à parier en ligne sur les amis de Sébastien Proto et d’Arnaud Lagardère, le « neveu » de Sarkozy ? De plus en plus, les membres du Premier cercle désertent, ne voulant pas retrouver leurs noms dans la presse. C’est là aussi un effet induit du Woerthgate. Rue89 s’est empressée de remettre en relief celui, copieux, d’une vente immobilière concoctée avec son suppléant. Ce qui lui vaut, selon Le Dauphiné, « une douche sévère dans les médias ».
« Aujourd’hui certaines personnes font remonter de vieilles histoires. C’est de la polémique pure. Tout ce qui se rapproche du président de la République est attaqué. Je n’ai jamais été offensif mais les avocats de l’UMP me conseillent d’attaquer en diffamation. Je réfléchis encore. ». Jeannette, elle, pas trop douchée par le précédent d’une autre juriste, l’avocate Sylvie Naochovitch, qui avait su retirer à temps sa plainte contre le Canard enchaîné, n’a pas hésité. Elle a porté plainte. C’est fou, cette instrumentalisation de la Justice. Quand ce ne sont pas des suggestions qu’on adresse aux médias (comme, ici-même, à Come4News, la lettre à en-tête du ministère de l’Intérieur visant à faire qu’on oublie les vieilles histoires d’Alexandre Jevakhoff, actuel dircab’-adjoint, de Michèle Alliot-Marie, avec la nièce de MAM), les menaces d’exploits d’huissiers suivent.
Le Woerthgate, c’est aussi cela. C’est l’éditeur First qui se voit, selon son auteur, Didier Porte, plus ou moins intimidé pour retarder ou abandonner la parution de son livre. « Des coups de fil ont été passés pour essayer de bloquer la sortie du bouquin, » a révélé Didier Porte. C’est un homme de radio, on espère qu’il aura su conseiller d’en conserver les enregistrements. Insupportable – chronique d’un licenciement bien vérité, est sorti. Et sa parution a bénéficié d’une certaine publicité. Le goudron d’encre d’Internet et les plumes de journalistes investigateurs, qui pourraient bien fort rapidement consacrer un ouvrage à Dominique Dord et consorts, se régaleraient sans doute d’une plainte en diffamation de la part du nouveau trésorier de l’UMP, le « mouvement populaire ». Eh oui, il faut parfois prendre en compte la « pénibilité » de ses choix, et les assumer.
Cela vaut aussi pour les récipiendaires des hochets. On va désormais scruter la liste des promotions des ordres du Mérite et de la Légion d’honneur. Pour Otto Weiss, ancien résistant, la décoration « se trouve trop souvent dévoyée par des attributions proprement déshonorantes (…) Quel mérite récompense-t-on ? Le fait de faire fortune en aidant des milliardaires à augmenter leur patrimoine, » a-t-il considéré dans un entretien avec L’Express, ajoutant : « Nicolas Sarkozy a aggravé le problème en s’entourant de certains conseillers. » C’est injuste, d’autres noms, de ministres, de conseillers d’autres ministères, auraient pu être cités. Tout ramener à Sarkozy, c’est faire passer le Sarkogate avant le Woerthgate, beaucoup plus vaste, c’est oublier les périodes Pasqua, Santini, et autres virtuoses altoséquanais, qui se sont retrouvés ou non au violon.
Au fait, la phrase exacte relevée dans les carnets de Banier, au sujet des dons de Liliane de Bettencourt, ce serait :
« [i]De Maistre me dit que Sarkozy demande encore de l’argent. Si je dis oui, comment être sûre qu’il lui donne bien ?[/i] ».
D’où l’importance de recevoir Woerth en personne, à défaut de Sarközy.
Mais au fait, imaginez un peu que Woerth soit « innocent », et que la réaction de l’UMP soit due au fait que l’argent donné à Woerth (s’il en fut), ne soit jamais arrivé dans les caisses de l’UMP ? Si on comprend bien Liliane Bettencourt, elle se demande si ce que de Maistre glisse (dans des enveloppes ? allez savoir) pour les remettre aux uns ou autres, correspond bien aux montants qu’elle lui transmet. Ou alors, j’ai mal compris. Désolé…
Jeff, tu fais peur avec ça !!! in the pocket ?!!!!!
Pour Véritas :
Les affaires soigneusement enfouies dans la mémoire des trésoriers de partis, c’est les montants réellement récoltés par les uns et les autres, et ceux supposés avoir été versés par les donateurs.
Un colifichet comme la Légion d’honneur aurait pu être attribué à de Maistre sans même qu’il donne plus que la ou les sommes avouables. De toute façon, les avantages de la Légion d’honneur (faible rémunération, mais bonnes études pour les enfants, divers trucs induits sur lesquels, tout comme sur le RMI pour leurs enfants ou conjoints, les plus fortunés ne crachent pas…), ce n’est pas le parti réceptionnaire qui les assure, mais les contribuables.
Il se peut fort bien que les comptes de l’UMP, même les possiblement occultes (en numéraire), ne révèlent pas des montants correspondant à ce que Liliane Bettencourt aurait remis à de Maistre ou à Woerth. Mais, là, il ne faudrait peut-être pas qu’un juge d’instruction pour l’établir. Le déballage tous les comptes de l’UMP à la Brigade financière, ce n’est pas pour demain.
Désolé pour le doublon (déjà placé en commentaire du plus récent article de Michel, le voir via l’entrée Reporters ou son profil) :
Bernard Stasi est un grand amateur de poésie, mais je crois qu’il n’a rien encore publié (ou alors trop discrètement). Dominique de Villepin aussi. Quant on sait qu’on suppute que Chabot aurait été trop proche de Cécilia Ciganer (une Rrom, voire mâtinée Gitane) ou de Galouzeau, on peut se demander si Stasi n’a pas été écarté de la Halde parce que Sarko fait une allergie aux poètes (hormis, peut-être, Déroulède ou Botrel).
Bernard Stasi est président d’honneur de l’Association des amis de la Bibliotheca Alexandrina, dont il a enrichi la collection.
Il préside ou a présidé l’Institut Abd el Kader à Paris.
Il ne rechigne pas à préfacer des livres (très divers d’ailleurs, ainsi de ce [i]Mon enfance à Secheval, le parler de chez nous[/i], de Lise Beseme-Pia).
Je ne suis pas forcément d’accord avec toutes ses prises de positions (oui à l’enseignement de la langue berbère, mais voir pousser un peu partout des minarets, ce à quoi il se résigne un peu vite, pas forcément pour…).
Mais en tout cas, alors que certains collectionnent les tocantes genre Rolex, lui enrichit sa bibliothèque de recueils de poésie… À chacun ses choix.
Pour information,
M. Ferrari est aujourd’hui le principal opposant à Dominique Dord à Aix-les-Bains.
Pour TG, oui, c’est exact.
Pour tout le monde, une info dérivée qui peut être intéressante, de Bella Ciao :
[url]http://bellaciao.org/fr/spip.php?article105932[/url]